«L'année à
peine a fini sa carrière»comme disait le regretté
Lamartine (Alphonse de, né en 1790 et décédé en 1869) que nous
- j'entends par là : nous tous, directement ou
indirectement membres de l'UdeNap - sommes déjà en train de préparer
celle qui s'en vient et qui débutera dans moins de
quatre-vingt-dix jours en un moment que nous nommons, à tort
d'ailleurs, la rentrée. puisque nous nous en éloignons
jamais, que ce soit physiquement ou en pensées...
Voilà comment débutait
ce que nous désirions publier hier, le lundi 5, lorsque une série de
pannes électriques variant de quelques secondes à plusieurs minutes
ont complètement paralysé les communications entre nos installations
informatiques et ce n'est que depuis hier (nous écrivons ceci le
jeudi 8) que nous avons pu rétablir un contact stable non
seulement entre nos installations, mais avec celui du serveur qui sert à
publier, chers lecteurs et chères lectrices, cet hebdomadaire que, nous
l'espérons, vous sert de phare dans la mer houleuse des sources
d'information à votre disposition.
C'est les doigts croisés
que nous espérons être en mesure de vous le faire faire parvenir le
plus tôt possible.
Nous reviendrons sur la
question des vacances lors de notre numéro de juillet.
La direction
P.-S. (À propos
de nos doigts croisés) : Il peut paraître curieux que les
responsables d'un organe
de diffusion comme Le Castor™ croient en ce geste digne de la plus
pure superstition. Rien de tel effleure leur esprit, mais apparemment,
ils ont été informés que, dans certaines circonstances, il peut s'avérer utile.
Chroniques
Les chroniques précédentes de nos
correspondants pourront être
à nouveau consultées quand elles auront été révisées et reclassées.
Simon Popp
Y'a plus d'auteurs, y'a plus de
lecteurs, y'a plus d'libraires...
En mettant les pieds dans une librairie
il n'y a pas longtemps... - Je ne vous dirai pas laquelle, mais elle est
située sur le
chemin de la Côte-des Neiges (à Montréal), près de la rue
Jean-Brillant, côté ouest, et à l'étage - ...j'ai constaté, pour la nième
fois, que les librairies sont aujourd'hui des établissement
où l'on vend plus de jouets et de bibelots que de
livres même si on y distribue, depuis plusieurs années, en plus des
magazines et divers imprimées, des films et des CD.
Cette visite m'a tout de suite fait
penser à une chanson de Mouloudji que paul m'a refilée au début du
mois dernier : Tout fout l'camp.
La voici :
Tout fout l'camp (Paroles et musique de Cris Carol et Mouloudji)
Faut dire qu'il y a longtemps que j'ai appris que les librairies - pardon
: non pas les libraires, mais les libraires - aussi bien à Montréal qu'à
Québec, Lyon et même Paris - se font de plus en plus rares. La plupart
sont disparus dans la nuit des temps (emportés dans la noirté sans retour,
etc.) et leurs remplaçants, qui ont eu, comme toute monde, à faire face
à des fins de mois de plus en plus fréquents, ont dû se convertir en
brocanteurs, en revendeurs de livres d'occasion ou en spécialistes
du genre littérature ésotérique, romans policiers ou même livres
dits de luxe ou de la largeur d'une table basse.
Il
y a belle lurette que Monsieur Tranquille
[*]
est disparu de même qu'un vieux bonhomme qui se spécialisait dans les
livres sur les arts de la scène, près Mabillon, et à qui je rendais
visite à chaque fois que j'étais de passage à Paris. Le dernier vrai
libraire que j'ai connu
fut un certain Albert Maerten qui pilotait le Chez Bertrand,
Place Ville-Marie, un établissement fermé depuis longtemps. Ses plus
grandes qualités ? Il connaissait les goûts de ses clients et, au
courant des dernières parutions, il faisait l'acquisition systématique
de divers livres car il savait qu'ils allaient les acheter.
[*] Henri Tranquille (1916-2005). Il ouvrit en 1937 une petite librairie qui demeure
aujourd'hui légendaire. C'est là que furent mis en vente les 400 exemplaires du
Manifeste du Refus global, en 1948. Elle fut aussi le lieu, en 1950, d'une manifestation organisée à l'occasion du centenaire de la mort d'Honoré de Balzac, malgré l'interdiction du clergé catholique québécois. - Voir la page
qu'Encyclopédia lui a consacrée.
- À lire : Monsieur Livre d'Yves Gauthier - Edition
Septentrion, 2005 :
Mais pour en revenir à la chanson de
Mouloudji, je serai malhonnête de ne pas mentionner qu'en dernier, il
ajoute :
C'est moi p't'êt' moi qui vieillis...
N'empêche que si je ne suis pas de ceux qui parlent
constamment du «Bon vieux temps» (en souhaitant en silence
qu'il ne revienne jamais), il m'arrive de regretter celui où l'on était
pas obligé de mentionner, comme on le fait aujourd'hui à un ou une jeune préposé(e) au clavier
d'un ordinateur que Hugo s'épelait avec un "H", que Proust,
se prononçait "Proust" et non "Proulx" et que
Truman Capote n'était pas une marque de prophylactique.
De
ces libraires qui se sont transformés en revendeurs
de livres d'occasion, j'en fréquente quelques uns dont celui
mentionné dans la section "publicité" de nos éditions, un autre sur la petite rue Emery, en face du Cinéplex du
Quartier Latin (à Montréal), un troisième rue Mont-Royal et je
m'arrête toujours chez les bouquinistes qui se sont installés dans
le grand corridor de la Grande Bibliothèque du Québec.
J'y
trouve toujours mon compte. Y compris beaucoup de livres invendables
ailleurs : ceux qui neufs coûtent les yeux de la tête et méritent
un détour (biographies, oeuvres complètes en format
"Bouquins", etc.) ou des livres imprimés il y a cinquante, cent
ans et que plus personne ne lit : Montaigne, Sainte-Beuve, Léautaud et
même Gide.
Une autre chose que j'ai remarquée depuis quelques années,
c'est le nombre croissant de petits éditeurs qui publient à compte
d'auteurs des dizaines, voir même des centaines, de plaquettes,
de fascicules ou recueils de poésie en tous genres de même que des premiers
romans dont on n'en verra jamais un deuxième écrit par la
plupart de leurs auteurs. Et cela
m'attriste
beaucoup car ça donne l'illusion que la littérature est florissante
alors que, jetant un coup d'oeil sur ce qui se publie aujourd'hui,
particulièrement dans les grandes boites, il me paraît de plus en plus
que ce qu'on dit être de la "littérature" n'est que dérisoire pour ne pas dire futile. À croire que plusieurs de ces éditeurs à compte
d'auteurs ne sont que des intermédiaires entre ceux qui se
croient auteurs et des imprimeurs et des intermédiaires souvent
subventionnés
[*].
[*] J'en
ai connu un, en particulier, dont la source principale de revenus était
justement des subventions. Sa tactique ? Il achetait à vil prix le
droit (copyrights) de livres depuis longtemps épuisés dont qu'il
ajoutait à son catalogue les auteurs de ces mêmes liveres (sans jamais les réimprimer),
mais qui, en nombre, démontrait qu'il était un éditeur majeur.
Ces livres me fascinent souvent parce
que, sauf de rares exceptions, ils ne
vendront jamais sauf aux membres de la famille et aux proches amis de
ceux qui les ont écrits et qui se sont crus un jour écrivains et qui ne
cesseront jamais de s'être crus non seulement dignes d'être publiés,
mais surtout d'avoir été mal compris.
À la rigueur, je peux comprendre que l'écriture,
dans un sens large, peut être considérée, surtout en poésie, comme
une sorte de catharsis c'est-à-dire une purgation de ces sentiments qu'on ne peut
exprimer autrement que par écrit, mais ce n'est pas toujours le cas.
- Elle a le mérite, quand même, de faire penser leurs auteurs autrement qu'en
vagues impressions même si certains persistent à croire que
la publication est une des rares activités au moyen de laquelle on se distingue
de la masse.
Borgès disait que publier était secondaire à un véritable
écrivain. Pour ma part, je persiste et signe : l'écriture est une
forme absolument efficace de thérapie intellectuelle, l'équivalent,
pour l'esprit, des exercices qu'on nous suggère pour nous tenir en
forme physiquement. Parce que l'hygiène mentale, ça existe. Ça consiste à se débarrasser de ces idées qui nous
reviennent sans cesse et auxquelles nous ne portons pas attention mais
qui finissent par nous préoccuper incessamment parce que nous ne les
résolvons pas : les fins de mois qui débutent vers le trois ou le
six, le patron auquel il faudra bien un jour faire face, les promesses
qu'on se fait et qu'on ne réalise jamais ou même
des trivialités comme le ou la conjointe qui persiste à laisser sa
tasse de café sur le comptoir de la cuisine jamais la rincer ou qui a
cessé de s'habiller convenablement le lendemain de son voyage de
noce, le
chien du voisin qui jappe sans cesse, etc.
Tout cela n'a rien à voir avec les libraires (et les
librairies) qui disparaissent,
vous allez me dire. Alors passons à autre chose :
Dites-moi, par exemple, ce à quoi vous pensez dans
les heures que vous passez au volant de votre auto entre votre
domicile et votre lieu de travail (et vice versa), chaque semaine
et posez-vous la question : est-ce un endroit où vous pouvez penser sérieusement ?
Je ne me le suis jamais demandé. Pourquoi ? Parce que
j'ai toujours trouvé idiot de demeurer loin de mon lieu de travail.
...
Notes :
1- On dit que les livres sont hors-prix aujourd'hui. Je n'en suis pas si sûr. Je me
souviens que les premiers livres de poche en provenance de France coûtaient,
fin des années cinquante, 60 cents chacun. C'était à une époque
où le salaire minimum n'avait pas encore dépassé 1$ de l'heure. -
Vérification faite (voir la feuille
de calcul sur ce site), le même livre devrait se vendre 6$
aujourd'hui. Un peu plus, me direz-vous, mais pensez au premier
volume de la collection La Pléiade que je suis procuré (le tome I d'À la recherche du Temps perdu - Proust, édition Clarac,
Ferré, 1954): 12$. - C'est 120$ aujourd'hui. Pas pour rien qu'il
faille débourser pour la dernière édition, même éditeur, en
coffret de deux volumes... 240$ - Nous avons tous un mémoire courte
pour certaines choses.
*
Changer d'idée
Vous savez quoi ? J'ai appris depuis quelque temps
que j'étais une des rares personnes de ma connaissance qui, à deux
secondes-près, pouvaient changer d'idées.
Je sais que ça peut paraître exagéré dire une chose
semblable, surtout à ceux qui me connaissent, mais c'est vrai : vous n'avez qu'à
me
citer deux statistiques, un fait, une rumeur, que je remets en mettre
en doute des conceptions que j'ai depuis des années. Bon d'accord
: vous aurez un peu de difficultés à me faire comprendre que
Proust est un mauvais écrivain, que la Callas n'a jamais su chanter
ou que le soleil ne tourne pas autour de la terre, mais je me
renseigne souvent avant d'avancer quoi que ce soit. Surtout en
rapport avec des choses comme :
Tous les politiciens sont des gens qu'on peut
acheter et revendre
Le budget de la Province de Québec serait
plus équilibré si on on cessait de distribuer des
prestations de bien-être social à ceux qui ne le méritent
pas
Les avocats sont tous malhonnêtes
Les plus populaires de ceux qui commentent la
politique à la radio ou à la télévision sont les seuls qui
disent la vraie vérité
Le bois est le moyen le plus écologique et le
moins dispendieux pour chauffer une maison. Surtout en
campagne.
Apple a toujours pratiqué une politique de
petits prix pour ses produits dans lesquels l'obsolescence
n'est jamais planifié
Enfin... vous voyez ce que je ceux dire.
Mais c'est toujours la même chose :
Quand on me dit "Je vote libéral" et que
je demande pourquoi, on me prend pour un vil séparatiste et quand
on me dit "Je vote souverainiste" et que... on me prend
pour libéral réactionnaire.
Quand on me dit "Je crois en Dieu' et que je me
demande pourquoi, on me dit athée. Et vice versa d'ailleurs.
Dois-je continuer ?
Mais oui :
Quand je demande qu'on me précise un point de
vue, un lieu, un endroit, une personne... on me dit que j'interromps
tout le temps celui qui parle. - C'est mon côté inintelligent et désorganisé.
Simon
1...]
Jeff
Bollinger
Intelligence et
intelligence (2)
Mon propos du mois dernier n'était
pas de démontrer que l'intelligence humaine était supérieure ou
inférieure à ce qu'on appelle aujourd'hui l'intelligenceartificielle
(IA ou AI), mais qu'il s'agissait tout simplement d'une "intelligence"
différente et que, conséquemment, on ne pouvait pas comparer l'une à
l'autre ni trouver, entre elles, des similarités.
Mais voilà qu'aux commentaires
que j'ai reçus, j'ai cru comprendre qu'on s'intéressait beaucoup plus aux résultats
entre un joueur d'échec humain versus un joueur d'échec programmé ou, pire
encore, aux différences qui pourraient exister entre les différents types
d'intelligence humaines comparées à celle très limitée (pour le moment, on
me le jure) de l'IA... - Et je vous épargne
comment elle, cette intelligence humaine, pouvait être modifiée, trompée,
manipulée, triturée, arnaquée, augmentée, réduite, droguée, dupée... ou
tout simplement se manifester.
Elle était simple pourtant et
j'insiste :
L'intelligence humaine est,
d'une façon très générale, un aspect de l'activité du cerveau qui implique, entre autres, la capacité de raisonner, de planifier, de résoudre des problèmes, de penser de manière abstraite, de comprendre des idées complexes, d'apprendre rapidement et d'accumuler une certaine expérience. Elle ne consiste pas en une somme de connaissances du type encyclopédique ni en une compétence académique et ne se mesure pas nécessairement via des
tests. Elle se manifeste par une certaine capacité à comprendre son environnement, en saisissant et donnant un sens aux choses et à déduire ce qui doit être fait selon les circonstances.
Il me semble que cette définition
est claire, limpide et tout à fait appropriée lorsqu'il s'agit de la
comparer à l'intelligence artificielle qui, elle, mériterait d'être définie
car ses manifestations actuelles sont celles d'un animal de cirque à qui on
aurait enseigner des trucs, mais un animal qui peut les exécuter à une
vitesse vertigineuse.
Chose certaine,
comme le souligne le physicien et futurologue américain Michio
Kaku, de toutes structures, agencements ou organismes qui existent dans
l'univers connu, le cerveau humain et l'oeil sont les plus complexes que nous
avons jusqu'à présent tenté de comprendre ; plus complexes que les planètes,
les étoiles, galaxies et tous ceux que l'humanité a pu, au fil des siècles,
créer : les avions supersoniques, les satellites et fusées interplanétaires
de même que les plus puissants ordinateurs. Or, ces structures, agencements
ou organismes, nous ne les comprenons encore que vaguement. Cela nous donne à
penser que ces intelligences artificielles que nous sommes en train de créer,
nous les comprendrons pas plus que nous comprenons en ce moment nos cerveaux
et nos yeux et, encore moins l'interaction entre les deux. De là à leur
laisser, à ces intelligences, le choix quant à notre avenir est une chose
sur laquelle nous pouvons toujours exercer un certain contrôle. Ou non.
Ce choix, depuis que nous existons, nous l'avons laissé
entre les mains de dirigeants qui n'étaient pas nécessairement sans
reproche, mais depuis l'avènement de la science - disons vers le début du
XVIIe siècle -, il semblerait qu'on veuille en décider autrement, mais
les tentatives en ce moment, à la lueur de ce qui se passe au niveau
climatique, ne nous laisse pas entrevoir un avenir très brillant.
Voir également aujourd'hui, le
mot de la fin,
Copernique.
Copernique Marshall
«Face au plagiat, des professeurs appellent à un moratoire sur le développement de l’IA.»
C'est ce qu'on pouvait lire dans La Presse (version électronique) du lundi 15 mai dernier sous la plume de
Fannie Bussières McNicoll.
À l'appui :
«Le niveau d’écriture [n'est pas] pas celui que je [connais]
de ces étudiants. Les références [ne sont] pas liées au bon domaine. Il y [a]
beaucoup de drapeaux rouges qui se [lèvent].» - Marianne Théberge-Guyon (UQAM)
«Je n’ai pas l’impression d’avoir reçu beaucoup de copies qui ont eu recours à l’IA. J’ai fait des avertissements sérieux. Mais c’est comme mettre un
"plaster" sur une hémorragie. » - Marianne Di Croce, professeure de philosophie au Cégep de Saint-Jérôme.
et ceci :
«La Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui représente 85 % des professeurs de cégep et 80 % des chargés de cours d’université, a mandaté il y a plusieurs mois un comité interne pour réfléchir à l’utilisation de l’IA en éducation, à ses impacts et à des pistes de solution.
«Il en a résulté un rapport d’une centaine de pages que Radio-Canada a pu consulter et qui recommande notamment l’imposition d’un moratoire, comme l’ont fait des experts de l’intelligence artificielle.»
Commenté comme suit :
«Il faut mobiliser les directions et les enseignants pour leur dire que cette utilisation tous azimuts [de l’IA] doit être balisée. Il faut pour l’instant prendre un pas de recul et prendre au sérieux les impacts qu’elle peut avoir [...] Nous, ce qu’on craint, c’est que l’intelligence artificielle mène éventuellement à une école artificielle. » -
Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ-CSN
Etc. et ad nauseam !
Mettons fin à tout ce qui pourrait déranger la façon
d'enseigner.
Tant qu'à y être :
Mettons fin à tout ce qui pourrait déranger la façon
d'enseigner.
Cessons tous progrès.
Ce qu'on aurait dû faire il y a longtemps.
Y'a trop d'idées révolutionnaires dans l'air.
Ainsi :
Dans le cas de Galilée, ce n'est pas l'emprisonnement à demeure qu'on aurait dû lui imposer, mais
instaurer un moratoire permanent sur l'enseignement de l'astronomie. Ainsi, aujourd'hui, on ne serait pas aux prises avec la remise en question du Bing Bang ni
de ces folles théories d'univers parallèles ou mutidimensionelles et autre concepts tout aussi farfelus.
(Sans même amener sur le sujet les économies qu'on aurait pu faire en n'envoyant pas dans l'espace des télescopes du genre Hubble ou James Webb dans l'espace.)
*
Et si au lieu de souhaiter un moratoire sur l'IA, les enseignants, les
instituteurs et les professeurs d'aujourd'hui essayaient d'enseigner à leurs élèves comment se servir de sites comme celui de ChatGP ?
Parce que ChatGP, ce n'est qu'un début.
Ex. :
«Voici une traduction de la première scène de
Hamlet de Shakespeare telle que proposée par ChatGP. - Dites-nous ce que
vous en pensez...»
ou :
«Voici ce que ChatGP dit du réchauffement de la
planète. - Commentez son exactitude ou sa non-exactitude...»
Encore une de ces idées qui me viennent quand je pense un peu trop...
J'oublie tout le temps que le rôle des enseignant n'est pas d'enseigner à penser, mais à penser comme
eux et tout ceux qui les ont précédés.
D'où ma suggestion permanente et qui consiste à détruire tous les ordinateurs,
divers livres et l'Internet qui nous dirigent de plus en plus vers cette calamité qu'est l'AI et de créer plus
en plus de bibliothèques.
Copernique
Fawzi Malhasti
Texte choisi
Voyage de noce
Ça faisait bien longtemps qu'on ne vous avait pas vue
Tous les deux
Un matin de printemps vous aviez disparu
Tous les deux
Dans la chambre est resté le lit tout ouvert
Pour vous deux
Où déjà ce soir-là vos corps se sont offerts
Tous les deux
Vous avez dû en faire un beau voyage de noces
En montagne.
Vous avez dû en faire des châteaux comme les gosses
En Espagne
Vous trouverez aussi le bouquet de lilas
Blanc et bleu
Cueilli dans le jardin je l'avais posé là
Pour vous deux
Surtout ne riez pas en le voyant fané
Tous les deux
C'est le seul souvenir que je pouvais garder
De vous deux
Vous avez dû en faire un beau voyage de noces
En montagne
Vous avez dû en faire des châteaux comme les gosses
En Espagne
Et puis me revoilà comme il y a longtemps
Avec vous deux
Rien ne peut s'oublier pas même avec le temps
Qui se fait vieux
Je ne veux pas savoir si vous avez gardé
Tous les deux
L'amour de ce printemps que vous m'aviez volé
Tous les deux
Vous avez dû en faire un beau voyage de noces
En montagne
Vous avez dû en faire des châteaux comme les gosses
En Espagne
Moi je n'ai jamais fait de beau voyage de noces
En montagne
Pourtant j'en avais fait des châteaux comme les gosses
En Espagne
Paroles et musique de : Henri Leca / Jean-Louis
Rochette / Jean Talvat
Que voici, chanté par Clairette :
Voyage de noce...
Fawzi
L'extrait du mois
Au tour de Napoléon...
Heureusement vlà ltrain qu’entre en gare, ce qui change le paysage. La foule parfumée dirige ses multiples regards vers les arrivants qui commencent à défiler, les hommes d’affaires en tête au pas accéléré avec leur porte-documents au bout du bras pour tout bagage et leur air de savoir voyager mieux que les autres.
Gabriel regarde dans le lointain ; elles, elles doivent être à la traîne, les femmes, c’est toujours à la traîne ; mais non, une mouflette surgit qui l’interpelle :
– Chsuis Zazie, jparie que tu es mon tonton Gabriel.
– C’est bien moi, répond Gabriel en anoblissant son ton. Oui, je suis ton tonton.
La gosse se mare. Gabriel, souriant poliment, la prend dans ses bras, il la transporte au niveau de ses lèvres, il l’embrasse, elle l’embrasse, il la redescend.
– Tu sens bien bon, dit l’enfant.
– Barbouze de chez Fior, explique le colosse.
– Tu m’en mettras un peu derrière les oreilles ?
– C’est un parfum d’homme.
– Tu vois l’objet, dit Jeanne Lalochère s’amenant enfin. T’as bien voulu t’en charger, eh bien, le voilà.
– Ça ira, dit Gabriel.
– Je peux te faire confiance ? Tu comprends, je ne veux pas qu’elle se fasse violer par toute la famille.
– Mais, manman, tu sais bien que tu étais arrivée juste au bon moment, la dernière fois.
– En tout cas, dit Jeanne Lalochère, je ne veux pas que ça recommence.
– Tu peux être tranquille, dit Gabriel.
– Bon. Alors je vous retrouve ici après-demain pour le train de six heures soixante.
– Côté départ, dit Gabriel.
– Natürlich, dit Jeanne Lalochère qui avait été occupée. A propos, ta femme, ça va ?
– Je te remercie. Tu viendras pas nous voir ?
– J’aurai pas le temps.
– C’est comme ça qu’elle est quand elle a un jules, dit Zazie, la famille ça compte plus pour elle.
– Au rvoir, ma chérie. Au rvoir, Gaby.
Elle se tire.
Zazie commente les événements :
– Elle est mordue.
Gabriel hausse les épaules. Il ne dit rien. Il saisit la valoche à Zazie. Maintenant, il dit quelque
chose :
– En route, qu’il dit.
Et il fonce, projetant à droite et à gauche tout ce qui se trouve sur sa trajectoire. Zazie galope derrière.
– Tonton, qu’elle crie, on prend le métro ?
– Non.
– Comment ça, non ?
Elle s’est arrêtée. Gabriel stope également se retourne, pose la valoche et se met à espliquer.
– Bin oui : non. Aujourd’hui, pas moyen. Y a grève. – Y a grève.
– Bin oui : y a grève. Le métro, ce moyen de transport éminemment parisien, s’est endormi sous terre, car les employés aux pinces perforantes ont cessé tout travail.
– Ah les salauds, s’écrie Zazie, ah les vaches. Me faire ça à moi.
– Y a pas qu’à toi qu’ils font ça, dit Gabriel parfaitement objectif.
– Jm’en fous. N’empêche que c’est à moi que ça arrive, moi qu’étais si heureuse, si contente et tout de m’aller voiturer dans lmétro. Sacrebleu, merde alors.
– Faut te faire une raison, dit Gabriel dont les propos se nuançaient parfois d’un thomisme légèrement kantien.
Et, passant sur le plan de la cosubjectivité, il ajouta :
– Et puis faut se grouiller : Charles attend.
– Oh ! celle-là je la connais, s’esclama Zazie furieuse, je l’ai lue dans les Mémoires du général Vermot.
– Mais non, dit Gabriel, mais non, Charles, c’est un pote et il a un tac. Je nous le sommes réservé à cause de la grève précisément, son tac. T’as compris ? En route.
Il resaisit la valoche d’une main et de l’autre il entraîna Zazie.
Charles effectivement attendait en lisant dans une feuille hebdomadaire la chronique des cœurs saignants. Il cherchait, et ça faisait des années qu’il cherchait, une entrelardée à laquelle il puisse faire don des quarante-cinq cerises de son printemps. Mais les celles qui, comme ça, dans cette gazette, se plaignaient, il les trouvait toujours soit trop dindes, soit trop tartes. Perfides ou sournoises. Il flairait la paille dans les poutrelles des lamentations et découvrait la vache en puissance dans la poupée la plus meurtrie.
– Bonjour, petite, dit-il à Zazie sans la regarder en rangeant soigneusement sa publication sous ses fesses.
– Il est rien moche son bahut, dit Zazie.
– Monte, dit Gabriel, et sois pas snob.
– Snob mon cul, dit Zazie.
– Elle est marante, ta petite nièce, dit Charles qui pousse la seringue et fait tourner le moulin.
D’une main légère mais puissante, Gabriel envoie Zazie s’asseoir au fond du tac, puis il s’installe à côté d’elle.
Zazie proteste.
– Tu m’écrases, qu’elle hurle folle de rage.
– Ça promet, remarque succinctement Charles d’une voix paisible.
Il démarre. On roule un peu, puis Gabriel montre le paysage d’un geste magnifique.
– Ah ! Paris, qu’il profère d’un ton
encourageant, quelle belle ville. Regarde-moi ça si c’est beau.
– Je m’en fous, dit Zazie, moi ce que j’aurais voulu c’est aller dans le métro.
– Le métro ! beugle Gabriel, le métro ! ! mais le voilà ! ! !
Et, du doigt, il désigne quelque chose en l’air. Zazie fronce le sourcil. Essméfie.
– Le métro ? qu’elle répète. Le métro, ajoute-t-elle avec mépris, le métro, c’est sous terre, le métro. Non mais.
– Çui-là, dit Gabriel, c’est l’aérien.
– Alors, c’est pas le métro.
– Je vais t’esspliquer, dit Gabriel. Quelquefois, il sort de terre et ensuite il y rerentre.
– Des histoires.
Gabriel se sent impuissant (geste), puis, désireux de changer de conversation, il désigne de nouveau quelque chose sur leur chemin.
– Et ça ! mugit-il, regarde ! ! le Panthéon ! ! !
– Qu’est-ce qu’il faut pas entendre, dit Charles sans se retourner.
Il conduisait lentement pour que la petite puisse voir les curiosités et s’instruise par-dessus le marché.
– C’est peut-être pas le Panthéon ? demanda Gabriel.
Il y a quelque chose de narquois dans sa question.
– Non, dit Charles avec force. Non, non et non, c’est pas le Panthéon.
– Et qu’est-ce que ça serait alors d’après toi ?
La narquoiserie du ton devient presque offensante pour l’interlocuteur qui, d’ailleurs, s’empresse d’avouer sa défaite.
– J’en sais rien, dit Charles.
– Là. Tu vois.
– Mais c’est pas le Panthéon.
C’est que c’est un ostiné, Charles, malgré tout.
– On va demander à un passant, propose Gabriel.
– Les passants, réplique Charles, c’est tous des cons.
– C’est bien vrai, dit Zazie avec sérénité.
Gabriel n’insiste pas. Il découvre un nouveau sujet d’enthousiasme.
– Et ça, s’exclame-t-il, ça c’est…
Mais il a la parole coupée par une euréquation de son beau-frère.
– J’ai trouvé, hurle celui-ci. Le truc qu’on vient de voir, c’était pas le Panthéon bien sûr, c’était la gare de Lyon.
– Peut-être, dit Gabriel avec désinvolture, mais maintenant c’est du passé, n’en parlons plus,
tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c’est chouette comme architecture, c’est les Invalides…
– T’es tombé sur la tête, dit Charles, ça n’a rien à voir avec les Invalides.
– Eh bien, dit Gabriel, si c’est pas les Invalides, apprends-nous cexé.
– Je sais pas trop, dit Charles, mais c’est tout au plus la caserne de Reuilly.
– Vous, dit Zazie avec indulgence, vous êtes tous les deux des ptits marants.
Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te
plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t’y conduirai.
– Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con...
Raymond Queneau Zazie dans le métro
Gallimard - 1959
Philippe Noiret (Gabriel) et Catherine
Demongeot (Zazie)
dans Zazie dans le métro
un film de Louis Malle (1960)
1*]
Lectures
Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables
critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres,
revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de
commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui
les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction
du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.
Lire, relire et relire en profondeur
Parmi les sites que je fréquente assidûment, il y
en a un, en anglais, que je ne manque jamais de vérifier les pages
qui s'y ajoutent presque quotidiennement Il s'agit d'un site sur la
littérature [de tous les pays] où l'on peut trouver des résumés
- de romans, par exemple -, des biographies d'auteur, des listes de
livres à lire, des critiques, des analyses simples ou détaillés et
même très détaillées de grands classiques ainsi que divers
conseils sur comment approcher ces grands livres qu'on voudrait lire,
mais dont la difficulté nous semble insurmontable. Ajouter à cela un
club de lecture en ligne où des centaines, voire même des dizaines
de milliers
de lecteurs sont abonnés.
Ce site c'est celui d'une personne qui se dit
d'abord grand lecteur, mais également auteur, conférencier,
professeur, titulaire d'une université sans limite ("hardcore"),
un certain Benjamin McEvoy, sympathique comme tout, pas snob
pour deux sous, et qui se présente comme suit :
«J'aime la littérature jusqu'au plus profond de
moi-même, et je trouve chacune de mes pensées consumée par les
grands sujets de la lecture. Lorsque je ne suis pas en train
de lire voracement un grand livre ou de planifier des conférences de longue durée, je parle avec d'autres lecteurs passionnés du monde entier.
«Quelques-uns de mes domaines de prédilection pour donner des conférences incluent : Shakespeare et la production théâtrale élisabéthaine, la philosophie de l'éternel retour de Nietzsche, l'ekphrasis dans la poésie et les romans (des
Odes de Keats à Moby Dick de Melville), les lectures freudiennes de Proust et les lectures proustiennes de Freud, la développement de personnages psychologiquement complexes dans
la littérature (de Don Quichotte à Anna Karénine), et comment les premiers lecteurs ont
lu leurs premiers Grands Livres... [etc.]»
(Ne vous en faites pas si ce site vous paraît d'une
grande complexité car il contient des centaines et des centaines de
pages qui semblent s'en aller dans toutes les directions, mais dans
lesquelles, quand on s'y plonge régulièrement, on s'y retrouve
facilement.)
Parmi les sujets qu'il aborde, celui qui a récemment
attiré mon attention c'est celui que je mentionne dans le titre de
cet article : Lire, relire et relire en profondeur.
Pourquoi ? Parce que ce qui m'a toujours étonné
chez certains lecteurs, même chez ceux qui lisent abondamment, il y
en a qui s'imposent des limites en parcourant souvent de façon
superficielle les textes qu'ils choisissent de lire. Ce sont ceux qui
n'attachent, dans les romans, par exemple, aucune importance aux
personnages, à leur manière de s'exprimer, à la façon dont ils
sont décrits, au style utilisé par l'auteur pour les mettre en scène,
bref : aucune importance sinon au côté narratif et qui, dans leur compréhension
et même le plaisir qu'ils ont à lire en côté anecdotique (l'histoire qu'on y
raconte), soit aux "bons mots" qu'ils retiennent ou
certaines idées qui leur viennent à l'esprit jusqu'à parfois quelques informations
qu'ils peuvent en retirer. - L'exemple parfait de ce que je dis là et
Dieu sait combien de fois je l'ai entendu, c'est : "Je ne vois
pas l'intérêt que j'aurais à lire [tel ou tel roman]. J'ai déjà
vu le film !" - Oui, mais même le film, ils ne
s'aventureront pas à le regarder une deuxième fois ; et surtout pas
pour comprendre pourquoi la chronologie des faits n'est pas la même
que dans le roman dont il a été tiré ou que certains de ses
personnages n'y figurent pas...
C'est ce qui me fait dire qu'un grand lecteur aura
toujours un grand intérêt à relire le livre qu'il vient de terminer
:
Quand il aura connu, enfin, les personnages qui
s'y trouvent, il comprendra mieux et plus pourquoi ces
personnages utilisent certains mots quand ils s'expriment, et de
là ce qu'ils disent.
Sachant qu'un des interlocuteurs dans un bar
consomment plus d'alcool qu'un autre, il saura pourquoi au fur
et à mesure que les dialogues se poursuivent son discours est
devenu de moins en moins incohérent.
Ayant appris au cinquième chapitre qu'untel
est un fieffé menteur, il n'attachera plus d'importance
à ce qu'il a dit au premier,
Et ainsi de suite.
Mais ces exemples ne sont que des détails. En
relisant en profondeur une oeuvre quelconque, on finit par
comprendre ce qu'un auteur a essayé et parfois réussi admirablement
à écrire ce qu'il tenait à nous dire en utilisant certains
personnages très spécifiques et non d'autres, certains faits et non
tous les faits d'une histoire connue de tous et chacun, en deux
cents plutôt que cinq cents pages, en insérant une métaphore ici,
une analogie là, de longues phrases plutôt que des courtes, certains
mots plutôt que d'autres...
N'est-ce pas ainsi que l'on en apprend plus sur les
gens qui nous adressent la parole ? En portant plus une attention à
la manière dont ils nous parlent plutôt qu'aux choses qu'ils nous
disent ?
Combien de gens ont lu sans y attacher la moindre
importance à la phrase qui débute À la recherche du Temps perdu
("Longtemps je me suis couché de bonne heure.") sans
de demander pourquoi le narrateur s'est, "longtemps, couché
de bonne heure" et pourquoi il semble avoir cessé. Peut-être
aurait-il pu comprendre pourquoi Proust a insisté pour écrire ces
huit mots avant de passer immédiatement à ce qui suit : les rêvasseries
d'un homme qui n'arrive pas à dormir... avant d'en arriver à
Combray, "de loin, à dix lieues à la ronde", pour
ensuite parler d'une tasse de thé, d'un madeleine, d'un personnage et
de ce qui s'est passé dans sa vie vingt ans auparavant... (D'autant
plus que ce n'est pas chronologiquement que cela est raconté !)
Un ami me disait récemment que je n'aimais pas les
livres, je n'aimais que la littérature.
Ce n'est pas faux.
Chose certaine : j'attache plus d'importance aux
auteurs qu'à leurs livres. Ils m'ont tant fait découvrir des choses
qu'il m'arrive parfois de leur demander conseil.
Ah ! la chance d'avoir comme amis, dévoués, sincères
et qui m'ont toujours dit la vérité comme Proust, Shakespeare, Gide,
Green, Jocye, Ruskin, Pline le Jeune... sans compter leurs amis :
Saint-Simon, Euripide, Baudelaire, Homère, Poe...
Ces temps-ci ? Je suis en grande conversation avec
John Le Carré et... un bonhomme très difficile à comprendre :
Wittgenstein. Heureusement, pour ce dernier, j'ai Bertrand Russel pour
m'éclairer
paul
Il y a dix ans dans le Castor™
Jeff
Bollinger
Courrier, vous avez dit courrier ?
J'ai reçu plus de courrier à propos de mon ami Serge (je vous ai dit que c'était un nom fictif) et son syndrome d'Asperger que tout le courrier reçu depuis qu'on m'a demandé d'écrire une chronique régulière dans cet hebdomadaire qui paraît, oui, je sais à toutes les deux
semaines [*].
[*] Le Castor™
paraissait deux fois par mois à l'époque. (Note de l'éditeur)
Certains m'ont dit qu'enfin quelqu'un leur avait expliqué ce qu'était ces être "étranges"
(sic) que l'on rencontre au cours de sa vie alors que d'autres m'ont signalé que je n'avais donné qu'une explication très limitée de ce qu'était ce syndrome d'Asperger et que j'aurais dû me taire. Alors permettez que je continue :
Les Anglais ont une très belle expression pour décrire ceux qui ne limitent pas leurs pensées à des paramètres précis
("thinking out of the box"), expression pour laquelle le site Linguee [ http://www.linguee.fr/ ] (un excellent outil de traduction soit dit en passant) traduit par
"penser hors des sentiers battus". Elle me revient régulièrement quand je pense à mon ami qui, un jour, m'a demandé - alors que nous échangions des courriels électroniques ce que je pensais du
"Fosbury flop". N'ayant aucune idée ce que c'était, je suis allé sur le WEB pour, apprendre à ma grande surprise, qu'il s'agissait d'une technique [sportive] de saut en hauteur qu'un athlète, Dick Fosbury, utilisa pour remporter une compétition lors des Jeux olympiques d'été de 1968 à Mexico.
"Que le diable m'emporte, me suis-je dit. Voilà que Serge s'intéresse au sport
!" - Mais non : c'était une manière de m'expliquer qu'on pouvait utiliser d'autres méthodes que les classiques pour faire quelque chose. - Et de là, il me cita les noms de - tenez-vous bien - Gutenberg, Newton, Darwin, Kekulé, Einstein et... Sherlock Holmes.
Pour Kekulé, il m'a fallu faire des recherches, mais, le lendemain, je
me suis replongé dans le premier récit du fameux détective de Baker Street (Londres)
dont j'ai relu et relu au moins trois fois les aventures. J'y appris, dès le premier chapitre de
"Une étude en rouge" ("A Study in Scarlet"), que Sherlock Holmes se fichait magistralement de savoir si la terre tournait autour du soleil ou autour de la lune
"car ça ne lui servait absolument rien dans son métier" en précisant qu'un cerveau humain avait une certaine capacité et que
"l'encombrer de connaissances inutiles étaient non seulement une perte de temps, mais une habitude dont il fallait se débarrasser."
Et c'est ainsi que je me suis à envier encore plus mon ami dont la capacité de
"penser hors des sentiers battus" et de ne retirer que
l'essentiel de toutes les connaissances est renversante. - Une autre des caractéristiques des Aspies...
... dont la plus difficile est sans doute leur difficulté à comprendre ce qui se passe dans la tête des autres, tout comme il est difficile de comprendre ce qui se passe dans leurs têtes qui, contrairement à ce qu'on peut s'imaginer - parce qu'ils sont souvent si concentrés sur un sujet quelconque, qu'ils perdent la notion de leur entourage - peuvent penser à plusieurs choses à la fois.
J'ai vu, par exemple, Serge, au beau milieu d'une conversation, sortir un carnet de sa poche et y écrire un mot, une phrase et même une équation mathématique n'ayant aucun rapport avec ce dont nous discutions.
Cela a souvent eu pour effet de choquer les gens en compagnie de qui il
se trouve. - Que voulez-vous ? Les aspies, règle générale, n'ont aucune idée des conventions sociales ou des rapports qui puissent exister entre humains ; surtout les rapports d'ordre émotif ou affectif.
Je lisais l'autre jour qu'ils pouvaient être charmants, captivants et même séduisants, mais pendant seulement de courtes périodes et que, s'ils prolongeaient ces périodes, il leur fallait souvent des heures pour rétablir la certaine paix dont ils ont de besoin et qui est au centre de leur univers.
Existe une anecdote à propos d'Oscar Wilde qui était, on le sait, brillant en société :
Un soir, ayant oublié sa cane ou un objet quelconque chez ceux qui l'avait reçu et y était
retourné une heure après son départ. Alors, raconta son hôte, on vit une créature totalement dépourvue de politesse, complètement épuisée, ayant peine à s'exprimer.
"Il avait tout donné au cours de la soirée. Il ne lui restait plus
rien...".
Est-ce que Oscar Wilde était Asperger ? Probablement pas ; certainement pas avec ses réparties et son sens de l'humour légendaire, mais cela explique beaucoup ce que doivent ressentir les aspies quand on les force à demeurer longtemps en compagnie de plusieurs personnes.
Pour cela, je ne tiens pas précisément à être un aspie, mais pour le reste, l'intéressante solitude dans laquelle il vive, leurs pensées hors du commun, leurs extraordinaires talents et ces choses qu'ils font si facilement alors qu'elles nous demandent beaucoup d'efforts,
j'avoue que je suis un peu jaloux.
Et en terminant deux autres choses :
La première est compréhensible : il y a des endroits où Serge refuse de mettre les pieds : les hôpitaux, les salons funéraires, les églises, les amphithéâtres. Et c'est de peine qu'on peut l'amener au cinéma ou au concert. Quant aux cocktails, il est consentant à s'y présenter quelques minutes... à condition que tous les gens présents aient une étiquette où leurs noms et la firme pour laquelle ils travaillent soient inscrits.
La deuxième l'est moins ; sachez qu'avant l'âge de treize ou quatorze ans, les quatuors (à cordes ou autres) n'étaient, pour lui, qu'une cacophonie d' instruments qui émettaient des sons séparément ; qu'il lui a fallu des heures pour
apprendre qu'ils jouaient ensemble une ou des pièces de musique unique(s).
Marcel
Proust
Une suite à une causerie animée
par Paul Dubé en la Librairie Côté Gauche
le cinq mai 2022
Le mot de la fin
«[Comparée à un ordinateur] la personnalité
d'un être humain est fondamentalement insondable. Elle est le résultat
d'activités très complexes et fait partie d'un système tout aussi
complexe. Il existe, par exemple, plus de liens dans les rapports
qu'ont les neurones d'un cerveau humain qu'il existe de particules subatomiques dans l'univers
et ce dans une proportion inimaginable. - Vous pourrez à ce propos en
apprendre plus en consultant Gerald Edelman [*].
- Aussi, il n'est pas déraisonnable de penser que chacun de
nous est un phénomène de la nature qui ne peut pas être totalement
compris et donc reproduit mécaniquement et ce de toutes les facons
qu'on puisse entrevoir car la probabilité que l'on puisse comprendre
ce que nous sommes est extraordinairement faible. Il en résulte que l'étude de la personnalité
est quelque chose de très audacieux, arrogant et voué à l'échec.»
- D'après Jordan Peterson -
Why it's so hard to understand ourselves.
[*]
Gerald Maurice Edelman est un biologiste américain, né en 1929 à New York et décédé en 2014. - Voir sa page sur
Wikipédia.
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