Vol. XXXIII,  n° 10 - v. 4.6 Le seul hebdomadaire de la région publié une fois par mois Le lundi 5 juin 2023

Édition finale


Juin

Dimanche Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
        1
Ouverte du Ritz à Paris
 1898
2
Naissance du 
Marquis de Sade
1740
3
Naissance de
Joséphine Baker
1906
4
De Gaule en Algérie
"Je vous ai compris."
1958
5
Mort de Louis X
Le Hutin
1316
6
Débarquement
en Normandie
1944
7
Naissance de 
Paul Gauguin
1848
8
Paraît Le Discours
de la méthode
1637
9
Mort de
Néron
68
10
Création du
Bas-Canada
1791
11
Naissance de
John Constable
1776
12
Naissance de
Pierre Corneille
1606
13
Mort d'
Alexandre le Grand
323 av. J.-C.
14
Naissance de 
Ernesto Guevara
1928
15
Jean Sans terre signe
La Grande Charte
1215
16
Pétain élu chef
Gouvernement
1940
17
Assemblée Nationale :
Les états généraux
1789
18
Naissance de
Miguel de Cervantès
1547
19
Maximilien
fusillé au Mexique
1867
20
Naissance de
Jacques Offenbach
1819
21
Louis XVI arrêté
à Varennes
1791
22
Promulgation de 
l'Acte de Québec
1774
23
Naissance de
Alan Turing
1912
24
Fête nationale
du Québec
(depuis 1977)
25
Naissance de
George Orwell
1903
26
Fondation de l'
O.N.U.
1945
27
Mutinerie du
Potemkine
1905
28
Naissance d'
Henri VIII Tudor
1491
29
Naissance de 
Pierre Paul Rubens
1577
30
Mort de
Simone Veil
2017
 

 


Votre première visite sur le site de l'Université de Napierville ?

Lisez cette page : Un monde à découvrir

 

 
Ce numéro :

Contenu :

Marcel Proust - Fannie Bussières McNicoll - Marianne Théberge-Guyon (UQAM) - Marianne Di Croce - Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ-CSN - Michio Kaku - Monsieur Tranquille - Mouloudji - Albert Maerten - Lamartine - Napoléon - Philippe Noiret - Catherine Demongeot - Benjamin McEvoy - Shakespeare - Gide - Green - Jocye - Ruskin - Pline le Jeune - Saint-Simon - Euripide - Baudelaire - Homère - Poe - John Le Carré - Wittgenstein - Bertrand Russel - Dick Fosbury - Gutenberg, Newton, Darwin, Kekulé, Einstein - Sherlock Holmes - Oscar Wilde et Charles III.

Pour l'édition courante du Castor, cliquez ICI.

Éditorial  

À quand les vacances ?

«L'année à peine a fini sa carrière» comme disait le regretté Lamartine (Alphonse de, né en 1790 et décédé en 1869) que nous - j'entends par là : nous tous, directement ou indirectement membres de l'UdeNap - sommes déjà en train de préparer celle qui s'en vient et qui débutera dans moins de quatre-vingt-dix jours en un moment que nous nommons, à tort d'ailleurs, la rentrée. puisque nous nous en éloignons jamais, que ce soit physiquement ou en pensées...

Voilà comment débutait ce que nous désirions publier hier, le lundi 5, lorsque une série de pannes électriques variant de quelques secondes à plusieurs minutes ont complètement paralysé les communications entre nos installations informatiques et ce n'est que depuis hier (nous écrivons ceci le jeudi 8) que nous avons pu rétablir un contact stable  non seulement entre nos installations, mais avec celui du serveur qui sert à publier, chers lecteurs et chères lectrices, cet hebdomadaire que, nous l'espérons, vous sert de phare dans la mer houleuse des sources d'information à votre disposition.

C'est les doigts croisés que nous espérons être en mesure de vous le faire faire parvenir le plus tôt possible.

Nous reviendrons sur la question des vacances lors de notre numéro de juillet.

La direction

P.-S. (À propos de nos doigts croisés) : Il peut paraître curieux que les responsables d'un organe de diffusion comme Le Castor™ croient en ce geste digne de la plus pure superstition. Rien de tel effleure leur esprit, mais apparemment, ils ont été informés que, dans certaines circonstances, il peut s'avérer utile.

 
Chroniques  

Les chroniques précédentes de nos correspondants pourront être
à nouveau consultées quand elles auront été révisées et reclassées.

    Simon Popp  

Y'a plus d'auteurs, y'a plus de lecteurs, y'a plus d'libraires...

En mettant les pieds dans une librairie il n'y a pas longtemps... - Je ne vous dirai pas laquelle, mais elle est située sur le chemin de la Côte-des Neiges (à Montréal), près de la rue Jean-Brillant, côté ouest, et à l'étage - ...j'ai constaté, pour la nième fois, que les librairies sont aujourd'hui des établissement où l'on vend plus de jouets et de bibelots que de livres même si on y distribue, depuis plusieurs années, en plus des magazines et divers imprimées, des films et des CD. 

Cette visite m'a tout de suite fait penser à une chanson de Mouloudji que paul m'a refilée au début du mois dernier : Tout fout l'camp.

La voici :

Tout fout l'camp
(Paroles et musique de Cris Carol et Mouloudji)

Faut dire qu'il y a longtemps que j'ai appris que les librairies - pardon : non pas les libraires, mais les libraires - aussi bien à Montréal qu'à Québec, Lyon et même Paris - se font de plus en plus rares. La plupart sont disparus dans la nuit des temps (emportés dans la noirté sans retour, etc.) et leurs remplaçants, qui ont eu, comme toute monde, à faire face à des fins de mois de plus en plus fréquents, ont dû se convertir en brocanteurs, en revendeurs de livres d'occasion ou en spécialistes du genre littérature ésotérique, romans policiers ou même livres dits de luxe ou de la largeur d'une table basse.

Il y a belle lurette que Monsieur Tranquille [*] est disparu de même qu'un vieux bonhomme qui se spécialisait dans les livres sur les arts de la scène, près Mabillon, et à qui je rendais visite à chaque fois que j'étais de passage à Paris. Le dernier vrai libraire que j'ai connu fut un certain Albert Maerten qui pilotait le Chez Bertrand, Place Ville-Marie, un établissement fermé depuis longtemps. Ses plus grandes qualités ? Il connaissait les goûts de ses clients et, au courant des dernières parutions, il faisait l'acquisition systématique de divers livres car il savait qu'ils allaient les acheter.

[*] Henri Tranquille (1916-2005). Il ouvrit en 1937 une petite librairie qui demeure aujourd'hui légendaire. C'est là que furent mis en vente les 400 exemplaires du Manifeste du Refus global, en 1948. Elle fut aussi le lieu, en 1950, d'une manifestation organisée à l'occasion du centenaire de la mort d'Honoré de Balzac, malgré l'interdiction du clergé catholique québécois. - Voir la page qu'Encyclopédia lui a consacrée. - À lire : Monsieur Livre d'Yves Gauthier - Edition Septentrion, 2005 :

Mais pour en revenir à la chanson de Mouloudji, je serai malhonnête de ne pas mentionner qu'en dernier, il ajoute : 

C'est moi p't'êt' moi qui vieillis...

N'empêche que si je ne suis pas de ceux qui parlent constamment du «Bon vieux temps» (en souhaitant en silence qu'il ne revienne jamais), il m'arrive de regretter celui où l'on était pas obligé de mentionner, comme on le fait aujourd'hui à un ou une jeune préposé(e) au clavier d'un ordinateur que Hugo s'épelait avec un "H", que Proust, se prononçait "Proust" et non "Proulx" et que Truman Capote n'était pas une marque de prophylactique.

De ces libraires qui se sont transformés en revendeurs de livres d'occasion, j'en fréquente quelques uns dont celui mentionné dans la section "publicité" de nos éditions, un autre sur la petite rue Emery, en face du Cinéplex du Quartier Latin (à Montréal), un troisième rue Mont-Royal et je m'arrête toujours chez les bouquinistes qui se sont installés dans le grand corridor de la Grande Bibliothèque du Québec.

J'y trouve toujours mon compte. Y compris beaucoup de livres invendables ailleurs :  ceux qui neufs coûtent les yeux de la tête et méritent un détour (biographies, oeuvres complètes en format "Bouquins", etc.) ou des livres imprimés il y a cinquante, cent ans et que plus personne ne lit : Montaigne, Sainte-Beuve, Léautaud et même Gide.

Une autre chose que j'ai remarquée depuis quelques années, c'est le nombre croissant de petits éditeurs qui publient à compte d'auteurs des dizaines, voir même des centaines, de plaquettes, de fascicules ou recueils de poésie en tous genres de même que des premiers romans dont on n'en verra jamais un deuxième écrit par la plupart de leurs auteurs. Et cela m'attriste beaucoup car ça donne l'illusion que la littérature est florissante alors que, jetant un coup d'oeil sur ce qui se publie aujourd'hui, particulièrement dans les grandes boites, il me paraît de plus en plus que ce qu'on dit être de la "littérature" n'est que dérisoire pour ne pas dire futile. À croire que plusieurs de ces éditeurs  à compte d'auteurs ne sont que des intermédiaires entre ceux qui se croient auteurs et des imprimeurs et des intermédiaires souvent subventionnés[*].

[*] J'en ai connu un, en particulier, dont la source principale de revenus était justement des subventions. Sa tactique ? Il achetait à vil prix le droit (copyrights) de livres depuis longtemps épuisés dont qu'il ajoutait à son catalogue les auteurs de ces mêmes liveres (sans jamais les réimprimer), mais qui, en nombre, démontrait qu'il était un éditeur majeur.

Ces livres me fascinent souvent parce que, sauf de rares exceptions, ils ne vendront jamais sauf aux membres de la famille et aux proches amis de ceux qui les ont écrits et qui se sont crus un jour écrivains et qui ne cesseront jamais de s'être crus non seulement dignes d'être publiés, mais surtout d'avoir été mal compris.

À la rigueur, je peux comprendre que l'écriture, dans un sens large, peut être considérée, surtout en poésie, comme une sorte de catharsis c'est-à-dire  une purgation de ces sentiments qu'on ne peut exprimer autrement que par écrit, mais ce n'est pas toujours le cas. - Elle a le mérite, quand même, de faire penser leurs auteurs autrement qu'en vagues impressions même si certains persistent à croire que la publication est une des rares activités au moyen de laquelle on se distingue de la masse.

Borgès disait que publier était secondaire à un véritable écrivain. Pour ma part, je persiste et signe : l'écriture est une forme absolument efficace de thérapie intellectuelle, l'équivalent, pour l'esprit, des exercices qu'on nous suggère pour nous tenir en forme physiquement. Parce que l'hygiène mentale, ça existe. Ça consiste à se débarrasser de ces idées qui nous reviennent sans cesse et auxquelles nous ne portons pas attention mais qui finissent par nous préoccuper incessamment parce que nous ne les résolvons pas : les fins de mois qui débutent vers le trois ou le six, le patron auquel il faudra bien un jour faire face, les promesses qu'on se fait et qu'on ne réalise jamais ou même des trivialités comme le ou la conjointe qui persiste à laisser sa tasse de café sur le comptoir de la cuisine jamais la rincer ou qui a cessé de s'habiller convenablement le lendemain de son voyage de noce, le chien du voisin qui jappe sans cesse, etc. 

Tout cela n'a rien à voir avec les libraires (et les librairies) qui disparaissent, vous allez me dire. Alors passons à autre chose :

Dites-moi, par exemple, ce à quoi vous pensez dans les heures que vous passez au volant de votre auto entre votre domicile et votre lieu de travail (et vice versa), chaque semaine et posez-vous la question : est-ce un endroit où vous pouvez penser sérieusement ?

Je ne me le suis jamais demandé. Pourquoi ? Parce que j'ai toujours trouvé idiot de demeurer loin de mon lieu de travail.

...

Notes :

1- On dit que les livres sont hors-prix aujourd'hui. Je n'en suis pas si sûr. Je me souviens que les premiers livres de poche en provenance de France coûtaient, fin des années cinquante, 60 cents chacun. C'était à une époque où le salaire minimum n'avait pas encore dépassé 1$ de l'heure. - Vérification faite (voir la feuille de calcul sur ce site), le même livre devrait se vendre 6$ aujourd'hui. Un peu plus, me direz-vous, mais pensez au premier volume de la collection La Pléiade que je suis procuré (le tome I d'À la recherche du Temps perdu - Proust, édition Clarac, Ferré, 1954): 12$. - C'est 120$ aujourd'hui. Pas pour rien qu'il faille débourser pour la dernière édition, même éditeur, en coffret de deux volumes... 240$ - Nous avons tous un mémoire courte pour certaines choses. 

*

Changer d'idée

Vous savez quoi ? J'ai appris depuis quelque temps que j'étais une des rares personnes de ma connaissance qui, à deux secondes-près, pouvaient changer d'idées.

Je sais que ça peut paraître exagéré dire une chose semblable, surtout à ceux qui me connaissent, mais c'est vrai : vous n'avez qu'à me citer deux statistiques, un fait, une rumeur, que je remets en mettre en doute des conceptions que j'ai depuis des années. Bon d'accord : vous aurez un peu de difficultés à me faire comprendre que Proust est un mauvais écrivain, que la Callas n'a jamais su chanter ou que le soleil ne tourne pas autour de la terre, mais je me renseigne souvent avant d'avancer quoi que ce soit. Surtout en rapport avec des choses comme :

  • Tous les politiciens sont des gens qu'on peut acheter et revendre

  • Le budget de la Province de Québec serait plus équilibré si on on cessait de distribuer des prestations de bien-être social à ceux qui ne le méritent pas

  • Les avocats sont tous malhonnêtes

  • Les plus populaires de ceux qui commentent la politique à la radio ou à la télévision sont les seuls qui disent la vraie vérité

  • Le bois est le moyen le plus écologique et le moins dispendieux pour chauffer une maison. Surtout en campagne.

  • Apple a toujours pratiqué une politique de petits prix pour ses produits dans lesquels l'obsolescence n'est jamais planifié

  • Enfin... vous voyez ce que je ceux dire.

Mais c'est toujours la même chose :

Quand on me dit "Je vote libéral" et que je demande pourquoi, on me prend pour un vil séparatiste et quand on me dit "Je vote souverainiste" et que... on me prend pour libéral réactionnaire.

Quand on me dit "Je crois en Dieu' et que je me demande pourquoi, on me dit athée. Et vice versa d'ailleurs.

Dois-je continuer ?

Mais oui :

Quand je demande qu'on me précise un point de vue, un lieu, un endroit, une personne... on me dit que j'interromps tout le temps celui qui parle. - C'est mon côté inintelligent et désorganisé.

Simon

1...]
  Jeff Bollinger

Intelligence et intelligence (2)

Mon propos du mois dernier n'était pas de démontrer que l'intelligence humaine était supérieure ou inférieure à ce qu'on appelle aujourd'hui l'intelligence artificielle (IA ou AI), mais qu'il s'agissait tout simplement d'une "intelligence" différente et que, conséquemment, on ne pouvait pas comparer l'une à l'autre ni trouver, entre elles, des similarités.

Mais voilà qu'aux commentaires que j'ai reçus, j'ai cru comprendre qu'on s'intéressait beaucoup plus aux résultats entre un joueur d'échec humain versus un joueur d'échec programmé ou, pire encore, aux différences qui pourraient exister entre les différents types d'intelligence humaines comparées à celle très limitée (pour le moment, on me le jure) de l'IA... - Et je vous épargne comment elle, cette intelligence humaine, pouvait être modifiée, trompée, manipulée, triturée, arnaquée, augmentée, réduite, droguée, dupée... ou tout simplement se manifester.

Elle était simple pourtant et j'insiste :

 L'intelligence humaine est, d'une façon très générale, un aspect de l'activité du cerveau qui implique, entre autres, la capacité de raisonner, de planifier, de résoudre des problèmes, de penser de manière abstraite, de comprendre des idées complexes, d'apprendre rapidement et d'accumuler une certaine expérience. Elle ne consiste pas en une somme de connaissances du type encyclopédique ni en une compétence académique et ne se mesure pas nécessairement via des tests. Elle se manifeste par une certaine capacité à comprendre son environnement, en saisissant et donnant un sens aux choses et à déduire ce qui doit être fait selon les circonstances.

Il me semble que cette définition est claire, limpide et tout à fait appropriée lorsqu'il s'agit de la comparer à l'intelligence artificielle qui, elle, mériterait d'être définie car ses manifestations actuelles sont celles d'un animal de cirque à qui on aurait enseigner des trucs, mais un animal qui peut les exécuter à une vitesse vertigineuse.

Chose certaine, comme le souligne le physicien et futurologue américain Michio Kaku, de toutes structures, agencements ou organismes qui existent dans l'univers connu, le cerveau humain et l'oeil sont les plus complexes que nous avons jusqu'à présent tenté de comprendre ; plus complexes que les planètes, les étoiles, galaxies et tous ceux que l'humanité a pu, au fil des siècles, créer : les avions supersoniques, les satellites et fusées interplanétaires de même que les plus puissants ordinateurs. Or, ces structures, agencements ou organismes, nous ne les comprenons encore que vaguement. Cela nous donne à penser que ces intelligences artificielles que nous sommes en train de créer, nous les comprendrons pas plus que nous comprenons en ce moment nos cerveaux et nos yeux et, encore moins l'interaction entre les deux. De là à leur laisser, à ces intelligences, le choix quant à notre avenir est une chose sur laquelle nous pouvons toujours exercer un certain contrôle. Ou non.  Ce choix, depuis que nous existons, nous  l'avons laissé entre les mains de dirigeants qui n'étaient pas nécessairement sans reproche, mais depuis l'avènement de la science - disons vers le début du XVIIe siècle -, il semblerait qu'on veuille en décider autrement, mais les tentatives en ce moment, à la lueur de ce qui se passe au niveau climatique, ne nous laisse pas entrevoir un avenir très brillant.

Voir également aujourd'hui, le mot de la fin,

Copernique.

   Copernique Marshall

«Face au plagiat, des professeurs appellent à un moratoire
     sur le développement de l’IA.»

C'est ce qu'on pouvait lire dans La Presse (version électronique) du lundi 15 mai dernier sous la plume de Fannie Bussières McNicoll.

À l'appui :

«Le niveau d’écriture [n'est pas] pas celui que je [connais] de ces étudiants. Les références [ne sont] pas liées au bon domaine. Il y [a] beaucoup de drapeaux rouges qui se [lèvent].» - Marianne Théberge-Guyon (UQAM)

«Je n’ai pas l’impression d’avoir reçu beaucoup de copies qui ont eu recours à l’IA. J’ai fait des avertissements sérieux. Mais c’est comme mettre un "plaster" sur une hémorragie. » - Marianne Di Croce, professeure de philosophie au Cégep de Saint-Jérôme.

et ceci :

«La Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui représente 85 % des professeurs de cégep et 80 % des chargés de cours d’université, a mandaté il y a plusieurs mois un comité interne pour réfléchir à l’utilisation de l’IA en éducation, à ses impacts et à des pistes de solution.

«Il en a résulté un rapport d’une centaine de pages que Radio-Canada a pu consulter et qui recommande notamment l’imposition d’un moratoire, comme l’ont fait des experts de l’intelligence artificielle.»

Commenté comme suit :

«Il faut mobiliser les directions et les enseignants pour leur dire que cette utilisation tous azimuts [de l’IA] doit être balisée. Il faut pour l’instant prendre un pas de recul et prendre au sérieux les impacts qu’elle peut avoir [...] Nous, ce qu’on craint, c’est que l’intelligence artificielle mène éventuellement à une école artificielle. » - Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ-CSN

Etc. et ad nauseam !

Mettons fin à tout ce qui pourrait déranger la façon d'enseigner.

Tant qu'à y être :

Mettons fin à tout ce qui pourrait déranger la façon d'enseigner.

Cessons tous progrès.

Ce qu'on aurait dû faire il y a longtemps.

Y'a trop d'idées révolutionnaires dans l'air.

Ainsi : 

Dans le cas de Galilée, ce n'est pas l'emprisonnement à demeure qu'on aurait dû lui imposer, mais instaurer un moratoire permanent sur l'enseignement de l'astronomie. Ainsi, aujourd'hui, on ne serait pas aux prises avec la remise en question du Bing Bang ni de ces folles théories d'univers parallèles ou  mutidimensionelles et autre concepts tout aussi farfelus.

(Sans même amener sur le sujet les économies qu'on aurait pu faire en n'envoyant pas dans l'espace des télescopes du genre Hubble ou James Webb dans l'espace.)

*

Et si au lieu de souhaiter un moratoire sur l'IA, les enseignants, les instituteurs et les professeurs d'aujourd'hui essayaient d'enseigner à leurs élèves comment se servir de sites comme celui de ChatGP ? Parce que ChatGP, ce n'est qu'un début.

Ex. :

«Voici une traduction de la première scène de Hamlet de Shakespeare telle que proposée par ChatGP. - Dites-nous ce que vous en pensez..

ou :

«Voici ce que ChatGP dit du réchauffement de la planète. - Commentez son exactitude ou sa non-exactitude...»

Encore une de ces idées qui me viennent quand je pense un peu trop...

J'oublie tout le temps que le rôle des enseignant n'est pas d'enseigner à penser, mais à penser comme eux et tout ceux qui les ont précédés. 

D'où ma suggestion permanente et qui consiste à détruire tous les ordinateurs, divers livres et l'Internet qui nous dirigent de plus en plus vers cette calamité qu'est l'AI et de créer plus en plus de bibliothèques.

Copernique

   Fawzi Malhasti


Texte choisi

Voyage de noce

Ça faisait bien longtemps qu'on ne vous avait pas vue
Tous les deux
Un matin de printemps vous aviez disparu
Tous les deux
Dans la chambre est resté le lit tout ouvert
Pour vous deux
Où déjà ce soir-là vos corps se sont offerts
Tous les deux
Vous avez dû en faire un beau voyage de noces
En montagne.
Vous avez dû en faire des châteaux comme les gosses
En Espagne
Vous trouverez aussi le bouquet de lilas
Blanc et bleu
Cueilli dans le jardin je l'avais posé là
Pour vous deux
Surtout ne riez pas en le voyant fané
Tous les deux
C'est le seul souvenir que je pouvais garder
De vous deux
Vous avez dû en faire un beau voyage de noces
En montagne
Vous avez dû en faire des châteaux comme les gosses
En Espagne
Et puis me revoilà comme il y a longtemps
Avec vous deux
Rien ne peut s'oublier pas même avec le temps
Qui se fait vieux
Je ne veux pas savoir si vous avez gardé
Tous les deux
L'amour de ce printemps que vous m'aviez volé
Tous les deux
Vous avez dû en faire un beau voyage de noces
En montagne
Vous avez dû en faire des châteaux comme les gosses
En Espagne
Moi je n'ai jamais fait de beau voyage de noces
En montagne
Pourtant j'en avais fait des châteaux comme les gosses
En Espagne

Paroles et musique de : Henri Leca / Jean-Louis Rochette / Jean Talvat

Que voici, chanté par Clairette :

Voyage de noce...

Fawzi

L'extrait du mois


Au tour de Napoléon...

Heureusement vlà ltrain qu’entre en gare, ce qui change le paysage. La foule parfumée dirige ses multiples regards vers les arrivants qui commencent à défiler, les hommes d’affaires en tête au pas accéléré avec leur porte-documents au bout du bras pour tout bagage et leur air de savoir voyager mieux que les autres.

Gabriel regarde dans le lointain ; elles, elles doivent être à la traîne, les femmes, c’est toujours à la traîne ; mais non, une mouflette surgit qui l’interpelle :

Chsuis Zazie, jparie que tu es mon tonton Gabriel.
C’est bien moi, répond Gabriel en anoblissant son ton. Oui, je suis ton tonton.

La gosse se mare. Gabriel, souriant poliment, la prend dans ses bras, il la transporte au niveau de ses lèvres, il l’embrasse, elle l’embrasse, il la redescend.

– Tu sens bien bon, dit l’enfant.
– Barbouze de chez Fior,
explique le colosse.
– Tu m’en mettras un peu derrière les oreilles ?
– C’est un parfum d’homme.
– Tu vois l’objet,
dit Jeanne Lalochère s’amenant enfin. T’as bien voulu t’en charger, eh bien, le voilà.
– Ça ira,
dit Gabriel.
– Je peux te faire confiance ? Tu comprends, je ne veux pas qu’elle se fasse violer par toute la famille.
– Mais, manman, tu sais bien que tu étais arrivée juste au bon moment, la dernière fois. 
– En tout cas,
dit Jeanne Lalochère, je ne veux pas que ça recommence. 
– Tu peux être tranquille,
dit Gabriel.
– Bon. Alors je vous retrouve ici après-demain pour le train de six heures soixante. 
– Côté départ,
dit Gabriel.
– Natürlich,
dit Jeanne Lalochère qui avait été occupée. A propos, ta femme, ça va ? 
– Je te remercie. Tu viendras pas nous voir ?
– J’aurai pas le temps.
– C’est comme ça qu’elle est quand elle a un jules,
dit Zazie, la famille ça compte plus pour elle. 
– Au rvoir, ma chérie. Au rvoir, Gaby.

Elle se tire.
Zazie commente les événements  :

– Elle est mordue.

Gabriel hausse les épaules. Il ne dit rien. Il saisit la valoche à Zazie. Maintenant, il dit quelque chose :

– En route, qu’il dit.

Et il fonce, projetant à droite et à gauche tout ce qui se trouve sur sa trajectoire. Zazie galope derrière.

– Tonton, qu’elle crie, on prend le métro ?
– Non.
– Comment ça, non ?

Elle s’est arrêtée. Gabriel stope également se retourne, pose la valoche et se met à espliquer. 

– Bin oui : non. Aujourd’hui, pas moyen. Y a grève.
– Y a grève.
– Bin oui : y a grève. Le métro, ce moyen de transport éminemment parisien, s’est endormi sous terre, car les employés aux pinces perforantes ont cessé tout travail.
– Ah les salauds,
s’écrie Zazie, ah les vaches. Me faire ça à moi.
– Y a pas qu’à toi qu’ils font ça,
dit Gabriel parfaitement objectif.
– Jm’en fous. N’empêche que c’est à moi que ça arrive, moi qu’étais si heureuse, si contente et tout de m’aller voiturer dans lmétro. Sacrebleu, merde alors.
– Faut te faire une raison, dit Gabriel dont les propos se nuançaient parfois d’un thomisme légèrement kantien.

Et, passant sur le plan de la cosubjectivité, il ajouta :

– Et puis faut se grouiller : Charles attend.
– Oh ! celle-là je la connais,
s’esclama Zazie furieuse, je l’ai lue dans les Mémoires du général Vermot.
– Mais non, dit Gabriel, mais non, Charles, c’est un pote et il a un tac. Je nous le sommes réservé à cause de la grève précisément, son tac. T’as compris ? En route.

Il resaisit la valoche d’une main et de l’autre il entraîna Zazie.
Charles effectivement attendait en lisant dans une feuille hebdomadaire la chronique des cœurs saignants. Il cherchait, et ça faisait des années qu’il cherchait, une entrelardée à laquelle il puisse faire don des quarante-cinq cerises de son printemps. Mais les celles qui, comme ça, dans cette gazette, se plaignaient, il les trouvait toujours soit trop dindes, soit trop tartes. Perfides ou sournoises. Il flairait la paille dans les poutrelles des lamentations et découvrait la vache en puissance dans la poupée la plus meurtrie.

– Bonjour, petite, dit-il à Zazie sans la regarder en rangeant soigneusement sa publication sous ses fesses.
– Il est rien moche son bahut,
dit Zazie.
– Monte,
dit Gabriel, et sois pas snob.
– Snob mon cul, dit Zazie.
– Elle est marante, ta petite nièce,
dit Charles qui pousse la seringue et fait tourner le moulin.

D’une main légère mais puissante, Gabriel envoie Zazie s’asseoir au fond du tac, puis il s’installe à côté d’elle. Zazie proteste.

– Tu m’écrases, qu’elle hurle folle de rage.
– Ça promet
, remarque succinctement Charles d’une voix paisible.

Il démarre. On roule un peu, puis Gabriel montre le paysage d’un geste magnifique.

– Ah ! Paris, qu’il profère d’un ton encourageant, quelle belle ville. Regarde-moi ça si c’est beau. 
– Je m’en fous,
dit Zazie, moi ce que j’aurais voulu c’est aller dans le métro. 
– Le métro ! beugle Gabriel, le métro ! ! mais le voilà ! ! !

Et, du doigt, il désigne quelque chose en l’air. Zazie fronce le sourcil. Essméfie.

Le métro ? qu’elle répète. Le métro, ajoute-t-elle avec mépris, le métro, c’est sous terre, le métro. Non mais.
– Çui-là, dit Gabriel,
c’est l’aérien.
– Alors, c’est pas le métro.
– Je vais t’esspliquer, dit Gabriel. Quelquefois, il sort de terre et ensuite il y rerentre. 
– Des histoires.

Gabriel se sent impuissant (geste), puis, désireux de changer de conversation, il désigne de nouveau quelque chose sur leur chemin.

– Et ça ! mugit-il, regarde ! ! le Panthéon ! ! !
– Qu’est-ce qu’il faut pas entendre
, dit Charles sans se retourner.

Il conduisait lentement pour que la petite puisse voir les curiosités et s’instruise par-dessus le marché.

– C’est peut-être pas le Panthéon ? demanda Gabriel.

Il y a quelque chose de narquois dans sa question.

– Non, dit Charles avec force. Non, non et non, c’est pas le Panthéon. 
– Et qu’est-ce que ça serait alors d’après toi ?

La narquoiserie du ton devient presque offensante pour l’interlocuteur qui, d’ailleurs, s’empresse d’avouer sa défaite.

– J’en sais rien, dit Charles.
– Là. Tu vois.
– Mais c’est pas le Panthéon.

C’est que c’est un ostiné, Charles, malgré tout.

– On va demander à un passant, propose Gabriel.
– Les passants, réplique Charles, c’est tous des cons.
– C’est bien vrai, dit Zazie avec sérénité.

Gabriel n’insiste pas. Il découvre un nouveau sujet d’enthousiasme. 

– Et ça, s’exclame-t-il, ça c’est…

Mais il a la parole coupée par une euréquation de son beau-frère.

– J’ai trouvé, hurle celui-ci. Le truc qu’on vient de voir, c’était pas le Panthéon bien sûr, c’était la gare de Lyon.
– Peut-être,
dit Gabriel avec désinvolture, mais maintenant c’est du passé, n’en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c’est chouette comme architecture, c’est les Invalides…
– T’es tombé sur la tête,
dit Charles, ça n’a rien à voir avec les Invalides. 
– Eh bien,
dit Gabriel, si c’est pas les Invalides, apprends-nous cexé.
– Je sais pas trop, dit Charles, mais c’est tout au plus la caserne de Reuilly. 
– Vous,
dit Zazie avec indulgence, vous êtes tous les deux des ptits marants.

Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t’y conduirai.

– Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con...

Raymond Queneau
Zazie dans le métro
Gallimard - 1959

Philippe Noiret (Gabriel) et Catherine Demongeot (Zazie)
dans Zazie dans le métro
un film de Louis Malle (1960)

1*]

Lectures


Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.

 

Lire, relire et relire en profondeur

Parmi les sites que je fréquente assidûment, il y en a un, en anglais, que je ne manque jamais de vérifier les pages qui s'y ajoutent presque quotidiennement Il s'agit d'un site sur la littérature [de tous les pays] où l'on peut trouver des résumés - de romans, par exemple -, des biographies d'auteur, des listes de livres à lire, des critiques, des analyses simples ou détaillés et même très détaillées de grands classiques ainsi que divers conseils sur comment approcher ces grands livres qu'on voudrait lire, mais dont la difficulté nous semble insurmontable. Ajouter à cela un club de lecture en ligne où des centaines, voire même des dizaines de milliers de lecteurs sont abonnés.

Ce site c'est celui d'une personne qui se dit d'abord grand lecteur, mais également auteur, conférencier, professeur, titulaire d'une université sans limite ("hardcore"), un certain Benjamin McEvoy, sympathique comme tout, pas snob pour deux sous, et qui se présente comme suit :

«J'aime la littérature jusqu'au plus profond de moi-même, et je trouve chacune de mes pensées consumée par les grands sujets de la lecture. Lorsque je ne suis pas en train de lire voracement un grand livre ou de planifier des conférences de longue durée, je parle avec d'autres lecteurs passionnés du monde entier.

«Quelques-uns de mes domaines de prédilection pour donner des conférences incluent : Shakespeare et la production théâtrale élisabéthaine, la philosophie de l'éternel retour de Nietzsche, l'ekphrasis dans la poésie et les romans (des Odes de Keats à Moby Dick de Melville), les lectures freudiennes de Proust et les lectures proustiennes de Freud, la développement de personnages psychologiquement complexes dans la littérature (de Don Quichotte à Anna Karénine), et comment les premiers lecteurs ont lu leurs premiers Grands Livres... [etc.]»

Vous trouverez son site à l'adresse suivante :

https://benjaminmcevoy.com/

(Ne vous en faites pas si ce site vous paraît d'une grande complexité car il contient des centaines et des centaines de pages qui semblent s'en aller dans toutes les directions, mais dans lesquelles, quand on s'y plonge régulièrement, on s'y retrouve facilement.)

Parmi les sujets qu'il aborde, celui qui a récemment attiré mon attention c'est celui que je mentionne dans le titre de cet article : Lire, relire et relire en profondeur.

 Pourquoi ? Parce que ce qui m'a toujours étonné chez certains lecteurs, même chez ceux qui lisent abondamment, il y en a qui s'imposent des limites en parcourant souvent de façon superficielle les textes qu'ils choisissent de lire. Ce sont ceux qui n'attachent, dans les romans, par exemple, aucune importance aux personnages, à leur manière de s'exprimer, à la façon dont ils sont décrits, au style utilisé par l'auteur pour les mettre en scène, bref : aucune importance sinon au côté narratif et qui, dans leur compréhension et même le plaisir qu'ils ont à lire en côté anecdotique (l'histoire qu'on y raconte), soit aux "bons mots" qu'ils retiennent ou certaines idées qui leur viennent à l'esprit jusqu'à parfois quelques informations qu'ils peuvent en retirer. - L'exemple parfait de ce que je dis là et Dieu sait combien de fois je l'ai entendu, c'est : "Je ne vois pas l'intérêt que j'aurais à lire [tel ou tel roman]. J'ai déjà vu le film !" - Oui, mais même le film, ils ne s'aventureront pas à le regarder une deuxième fois ; et surtout pas pour comprendre pourquoi la chronologie des faits n'est pas la même que dans le roman dont il a été tiré ou que certains de ses personnages n'y figurent pas...

C'est ce qui me fait dire qu'un grand lecteur aura toujours un grand intérêt à relire le livre qu'il vient de terminer :

  • Quand il aura connu, enfin, les personnages qui s'y trouvent, il comprendra mieux et plus pourquoi ces personnages utilisent certains mots quand ils s'expriment, et de là ce qu'ils disent.
  • Sachant qu'un des interlocuteurs dans un bar consomment plus d'alcool qu'un autre, il saura pourquoi au fur et à mesure que les dialogues se poursuivent son discours est devenu de moins en moins incohérent.
  • Ayant appris au cinquième chapitre qu'untel est un fieffé  menteur, il n'attachera plus d'importance à ce qu'il a dit au premier,
  • Et ainsi de suite.

Mais ces exemples ne sont que des détails. En relisant en profondeur une oeuvre quelconque, on finit par comprendre ce qu'un auteur a essayé et parfois réussi admirablement à écrire ce qu'il tenait à nous dire en utilisant certains personnages très spécifiques et non d'autres, certains faits et non tous les faits d'une histoire connue de tous et chacun, en deux cents plutôt que cinq cents pages, en insérant une métaphore ici, une analogie là, de longues phrases plutôt que des courtes, certains mots plutôt que d'autres...

N'est-ce pas ainsi que l'on en apprend plus sur les gens qui nous adressent la parole ? En portant plus une attention à la manière dont ils nous parlent plutôt qu'aux choses qu'ils nous disent ?

Combien de gens ont lu sans y attacher la moindre importance à la phrase qui débute À la recherche du Temps perdu  ("Longtemps je me suis couché de bonne heure.") sans de demander pourquoi le narrateur s'est, "longtemps, couché de bonne heure" et pourquoi il semble avoir cessé. Peut-être aurait-il pu comprendre pourquoi Proust a insisté pour écrire ces huit mots avant de passer immédiatement à ce qui suit : les rêvasseries d'un homme qui n'arrive pas à dormir... avant d'en arriver à Combray, "de loin, à dix lieues à la ronde", pour ensuite parler d'une tasse de thé, d'un madeleine, d'un personnage et de ce qui s'est passé dans sa vie vingt ans auparavant... (D'autant plus que ce n'est pas chronologiquement que cela est raconté !)

Un ami me disait récemment que je n'aimais pas les livres, je n'aimais que la littérature.

Ce n'est pas faux.

Chose certaine : j'attache plus d'importance aux auteurs qu'à leurs livres. Ils m'ont tant fait découvrir des choses qu'il m'arrive parfois de leur demander conseil.

Ah ! la chance d'avoir comme amis, dévoués, sincères et qui m'ont toujours dit la vérité comme Proust, Shakespeare, Gide, Green, Jocye, Ruskin, Pline le Jeune... sans compter leurs amis : Saint-Simon, Euripide, Baudelaire, Homère, Poe...

Ces temps-ci ? Je suis en grande conversation avec John Le Carré et... un bonhomme très difficile à comprendre : Wittgenstein. Heureusement, pour ce dernier, j'ai Bertrand Russel pour m'éclairer

   paul 

Il y a dix ans dans le Castor 


  Jeff Bollinger


Courrier, vous avez dit courrier ?

J'ai reçu plus de courrier à propos de mon ami Serge (je vous ai dit que c'était un nom fictif) et son syndrome d'Asperger que tout le courrier reçu depuis qu'on m'a demandé d'écrire une chronique régulière dans cet hebdomadaire qui paraît, oui, je sais à toutes les deux semaines [*].

 [*] Le Castor™ paraissait deux fois par mois à l'époque. (Note de l'éditeur)

Certains m'ont dit qu'enfin quelqu'un leur avait expliqué ce qu'était ces être "étranges" (sic) que l'on rencontre au cours de sa vie alors que d'autres m'ont signalé que je n'avais donné qu'une explication très limitée de ce qu'était ce syndrome d'Asperger et que j'aurais dû me taire. Alors permettez que je continue :

Les Anglais ont une très belle expression pour décrire ceux qui ne limitent pas leurs pensées à des paramètres précis ("thinking out of the box"), expression pour laquelle le site Linguee [ http://www.linguee.fr/ ] (un excellent outil de traduction soit dit en passant) traduit par "penser hors des sentiers battus". Elle me revient régulièrement quand je pense à mon ami qui, un jour, m'a demandé - alors que nous échangions des courriels électroniques ce que je pensais du "Fosbury flop". N'ayant aucune idée ce que c'était, je suis allé sur le WEB pour, apprendre à ma grande surprise, qu'il s'agissait d'une technique [sportive] de saut en hauteur qu'un athlète, Dick Fosbury, utilisa pour remporter une compétition lors des Jeux olympiques d'été de 1968 à Mexico. "Que le diable m'emporte, me suis-je dit. Voilà que Serge s'intéresse au sport !" - Mais non : c'était une manière de m'expliquer qu'on pouvait utiliser d'autres méthodes que les classiques pour faire quelque chose. - Et de là, il me cita les noms de - tenez-vous bien - Gutenberg, Newton, Darwin, Kekulé, Einstein et... Sherlock Holmes.

Pour Kekulé, il m'a fallu faire des recherches, mais, le lendemain, je me suis replongé dans le premier récit du fameux détective de Baker Street (Londres) dont j'ai relu et relu au moins trois fois les aventures. J'y appris, dès le premier chapitre de "Une étude en rouge" ("A Study in Scarlet"), que Sherlock Holmes se fichait magistralement de savoir si la terre tournait autour du soleil ou autour de la lune "car ça ne lui servait absolument rien dans son métier" en précisant qu'un cerveau humain avait une certaine capacité et que "l'encombrer de connaissances inutiles étaient non seulement une perte de temps, mais une habitude dont il fallait se débarrasser."

Et c'est ainsi que je me suis à envier encore plus mon ami dont la capacité de "penser hors des sentiers battus" et de ne retirer que l'essentiel de toutes les connaissances est renversante. - Une autre des caractéristiques des Aspies...

... dont la plus difficile est sans doute leur difficulté à comprendre ce qui se passe dans la tête des autres, tout comme il est difficile de comprendre ce qui se passe dans leurs têtes qui, contrairement à ce qu'on peut s'imaginer - parce qu'ils sont souvent si concentrés sur un sujet quelconque, qu'ils perdent la notion de leur entourage - peuvent penser à plusieurs choses à la fois.

J'ai vu, par exemple, Serge, au beau milieu d'une conversation, sortir un carnet de sa poche et y écrire un mot, une phrase et même une équation mathématique n'ayant aucun rapport avec ce dont nous discutions.

Cela a souvent eu pour effet de choquer les gens en compagnie de qui il se trouve. - Que voulez-vous ? Les aspies, règle générale, n'ont aucune idée des conventions sociales ou des rapports qui puissent exister entre humains ; surtout les rapports d'ordre émotif ou affectif.

Je lisais l'autre jour qu'ils pouvaient être charmants, captivants et même séduisants, mais pendant seulement de courtes périodes et que, s'ils prolongeaient ces périodes, il leur fallait souvent des heures pour rétablir la certaine paix dont ils ont de besoin et qui est au centre de leur univers.

Existe une anecdote à propos d'Oscar Wilde qui était, on le sait, brillant en société :

Un soir, ayant oublié sa cane ou un objet quelconque chez ceux qui l'avait reçu et y était retourné une heure après son départ. Alors, raconta son hôte, on vit une créature totalement dépourvue de politesse, complètement épuisée, ayant peine à s'exprimer. "Il avait tout donné au cours de la soirée. Il ne lui restait plus rien...".

Est-ce que Oscar Wilde était Asperger ? Probablement pas ; certainement pas avec ses réparties et son sens de l'humour légendaire, mais cela explique beaucoup ce que doivent ressentir les aspies quand on les force à demeurer longtemps en compagnie de plusieurs personnes.

Pour cela, je ne tiens pas précisément à être un aspie, mais pour le reste, l'intéressante solitude dans laquelle il vive, leurs pensées hors du commun, leurs extraordinaires talents et ces choses qu'ils font si facilement alors qu'elles nous demandent beaucoup d'efforts, j'avoue que je suis un peu jaloux.

Et en terminant deux autres choses :

La première est compréhensible : il y a des endroits où Serge refuse de mettre les pieds : les hôpitaux, les salons funéraires, les églises, les amphithéâtres. Et c'est de peine qu'on peut l'amener au cinéma ou au concert. Quant aux cocktails, il est consentant à s'y présenter quelques minutes... à condition que tous les gens présents aient une étiquette où leurs noms et la firme pour laquelle ils travaillent soient inscrits.

La deuxième l'est moins ; sachez qu'avant l'âge de treize ou quatorze ans, les quatuors (à cordes ou autres) n'étaient, pour lui, qu'une cacophonie d' instruments qui émettaient des sons séparément ; qu'il lui a fallu des heures pour apprendre qu'ils jouaient ensemble une ou des pièces de musique unique(s).

Faut dire qu'on ne l'invite pas souvent...

Pour en apprendre un peu plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d%27Asperger

... où vous apprendrez que, depuis 2010...

Et bonne semaine.

Jeff

P.-S. : Pour la photo ? Jeff était plus jeune à l'époque. (Note de l'éditeur)

Dédicace


Cette édition du Castor est dédiée au :

  

Roi Charles III
(1948 - )

Pages recommandées


Toulouse-Lautrec : L'oeuvre lithographique complète  
370 photos   

Schubert
un essai de Paul Dubé
94 extraits sonores, 45 photos, 5 vidéos, 7 annexes et de nombreux liens.

Éphémérides
Là où s'accumulent les inclassables

Best Sellers et Prix littéraires
Une causerie autour
de la lecture

René Char
Un essai à la Simon Popp

Marcel Proust
Une suite à une causerie animée
par Paul Dubé en la Librairie Côté Gauche
le cinq mai 2022

Le mot de la fin


«[Comparée à un ordinateur] la personnalité d'un être humain est fondamentalement insondable. Elle est le résultat d'activités très complexes et fait partie d'un système tout aussi complexe. Il existe, par exemple, plus de liens dans les rapports qu'ont les neurones d'un cerveau humain qu'il existe de particules subatomiques dans l'univers et ce dans une proportion inimaginable. - Vous pourrez à ce propos en apprendre plus en consultant Gerald Edelman [*]. - Aussi, il n'est  pas déraisonnable de penser que chacun de nous est un phénomène de la nature qui ne peut pas être totalement compris et donc reproduit mécaniquement et ce de toutes les facons qu'on puisse entrevoir car la probabilité que l'on puisse comprendre ce que nous sommes est extraordinairement faible. Il en résulte que l'étude de la personnalité est quelque chose de très audacieux, arrogant et voué à l'échec.»

- D'après Jordan Peterson - Why it's so hard to understand ourselves.

[*] Gerald Maurice Edelman est un biologiste américain, né en 1929 à New York et décédé en 2014. - Voir sa page sur Wikipédia.

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Note : 

Le Castor™, entièrement subventionné par les Éditions Vatfair-Fair de St-Romuald d'Etchemin, ne perçoit aucun paiement de la part des établissements ci-dessous mentionnés, ni faveurs, ni considérations spéciales.


Toujours se renseigner (heures d'ouverture, etc.) avant de se rendre sur place

Burgundy Lion
2496 ouest, rue Notre-Dame
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(https://www.burgundylion.com/fr/bienvenue


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329 rue Victoria
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Librairie Côté gauche
33 rue du Marché, 
Salaberry-de-Valleyfield, Québec

https://fr-ca.facebook.com/librairiecotegauche/

 
4115-A rue St-Denis
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Aurist & Acoustic

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Fondé en 1900 par le Grand Marshall, le CASTOR DE NAPIERVILLE fut, à l'origine, un hebdomadaire et vespéral organe créé pour la défense des intérêts de l'Université de Napierville et de son quartier. - Il est , depuis le 30 septembre 2002, publié sous le présent électronique format afin de tenir la fine et intelligente masse de ses internautes lecteurs au courant des dernières nouvelles concernant cette communauté d'esprit et de fait qu'est devenu au fil des années le site de l'UdeNap, le seul, unique et officiel site de l'Université de Napierville.

De cet hebdomadaire publié sur les électroniques presses de la Vatfair-Fair Broadcasting Corporation grâce à une subvention du Ministère des Arts et de la Culture du Caraguay, il est tiré, le premier lundi de chaque mois, sept exemplaires numérotés de I à VII, sur papier alfa cellunaf et sur offset ivoire des papeteries de la Gazette de Saint-Romuald-d'Etchemin et trois exemplaires, numéroté de 1 à 3, sur offset de luxe des papeteries Bontemps constituant l'édition originale, plus trois exemplaires de luxe (quadrichromes) réservés au Professeur Marshall, à Madame France DesRoches et à Madame Jean-Claude Briallis, les deux du Mensuel Varois Illustré.

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