Université de Napierville

André Viau


(1910-1992)

Gabriel Legendre, fils d'un bûcheron-cultivateur-homme-à-tout-faire et parfois navigateur, celui qu'on connaît aujourd'hui sous le nom d'André Dédé Viau est né le 9 juillet 1910 dans un village qui fait maintenant partie de Saint-Paul-du-Nord et qui s'appelait à l'époque Mille-Vaches [1].

Orphelin dès l'âge de 6 ans, Gabriel fut élevé quelque temps par un grand oncle maternel, Joseph Nolet, près de Frédéricton au Nouveau-Brunswick, puis, à la mort de celui-ci (en 1921) fut ramené par sa mère à Québec (plus précisément à Lévis) pour y être confié aux frères des Écoles Chrétiennes.

C'est un élève peu studieux qui s'intéresse plus au train-train des ouvriers de la menuiserie de la rue d'à côté qu'à l'arithmétique, la grammaire ou le catéchisme.

Il fait sa première communion, reçoit le sacrement de confirmation, est servant de messe et suit les cours de l'abbé Martel (une fois par semaine) mais il n'est pas, selon les religieux qui lui enseignent, matériel à vocation religieuse.

Sa première fugue, il l'a fait en 1923. On le retrouve dans le quartier Saint-Roch à Québec où, pour survivre, il est devenu harmoniciste, polisseur de soulier, livreur et même chanteur et danseur dans des soirées où la moralité de l'époque n'est pas nécessairement un pré-requis...

À sa deuxième fugue, l'année suivante, il se rend jusqu'aux Trois-Rivières où il est arrêté au bout de quelques semaines pour le vol d'un pain (ou était-ce une «brioche» ? - Le rapport officiel parle de pièce de boulangerie). On le renvoie à Lévis.

À sa troisième fugue, en 1925 - il a alors 15 ans -, il change de nom, ayant lu sur une affiche publicitaire le nom de «Viau» sur une boîte de biscuit, et pousse l'audace jusqu'à aller s'engager à la menuiserie tout près de son collège (on disait hospice à ce moment-là). Il y est accepté en qualité d'apprenti. - Les Frères, avertis de cet état de chose, renoncent à le ramener en leur sein. - Adieu Gabriel Legendre, bienvenue André Viau.

Ce travail l'intéresse plus ou moins et après quelques mois, muni d'une lettre de recommandation de son employeur, il se rend à la gare du Palais, à Québec, où on l'engage comme boy à bord de ces trains qui vont de Montréal à Québec. - Quelque temps plus tard, il est de ceux qui font le trajet entre Halifax et Vancouver et découvre ainsi tout ce vaste pays qu'est le Canada, les voyageurs huppés, les grands hôtels et les grandes villes que sont Montréal, Winnipeg, Toronto... de même que les villages de Medecine Hat et Kopoolong.

Au cours d'un de ces voyages, en 1929, il fait la rencontre de Stompin' Joe Milton, un chanteur-guitariste de l'Alberta qui l'impressionne beaucoup.

Stompin' Joe est à ce moment-là au faîte de sa gloire. Il est en demande de Kenora (Ontario) à Prince Rupert (Colombie-Britannique). Dans ses contrats, la plupart du temps rédigés sur des dos d'enveloppes [2], il est stipulé qu'il aura une suite à l'hôtel local, deux bouteilles de whiskey et de quoi «satisfaire ses besoins normaux d'homme en santé». (Nous laissons à nos lecteurs ce que cette dernière clause pouvait signifier.)

Ses vêtements proviennent d'un tailleur de Sioux City, Iowa. À son annulaire de la main droite, il arbore un diamant en provenance de New York. Il a des dents d'une blancheur éclatante et, à chaque arrêt du train sur lequel il voyage, hommes et femmes s'empressent de venir le saluer.

André - qu'on appelle également «Andrew», ou «Andy» est ébloui.

Il décide à son tour de devenir «vedette». Il a 19 ans.

S'étant fait faire - sur mesure - un complet du dernier chic à Toronto (bien avant le «Je m'voyais déjà» d'Aznavour), il débarque, le six juin 1930, à Montréal et décide qu'il en a assez de la vie nomade. Il n'a que soixante dollars en poche et décide, nonobstant  la crise qui est en train de s'installer, qu'il sera «fameux».

De ce six juin 1930 au douze décembre 1939, il s'essaie à trente-six métiers :

De joueur de guitare à chanteur, de calleur de set à maître de cérémonies, il est d'abord au Blue Passport, rue de Montigny à Montréal (sorte de précurseur du Blue Paradise) de 1931 à la fin de 1932 ; à partir de 1933, il est annonceur au poste CHLP de dix-huit heures à vingt heures chaque soir ; en 1934, il anime les samedis soirs des Soirées Canadiennes à la Palestre Nationale ; le dimanche, il est gigueur dans des différentes salles de danse et puis aussi «Monsieur Black Horse» (bière de l'époque), endisquant tour à tour sous les noms de Frank Desrosiers, Jean Ducharme, Serge Letendre et Le Divin de l'Empire (sic). En 1935, il ouvre le «Diamond Grill» et fait promptement faillite.

Dans ses mémoires, il raconte que n'ayant pu trouver au Québec et dans la Nouvelle-Angleterre «la gloire» qu'il recherchait, il s'est dit qu'il serait peut-être préférable de faire comme si et s'étant fait refaire une garde-robe à la hauteur, il prit le premier train pour New York et débarqua un beau matin de juin (1936) à nulle autre place qu'au Waldorf Astoria décidé de mener une vie à la hauteur de ses ambitions jusqu'à, dit-il, «on découvrit qui j'étais vraiment».

Le hasard voulut qu'il rencontre la journée même de son arrivée le richissime texan Fred Williams de la célèbre Williams Petroleum qui, devant ses manières sûres, sa connaissance des usages dans la haute société de l'époque et ses goûts extravagants en fit immédiatement son homme de confiance. - John de Brouin venait de naître.

On connaît la suite.


De l'oeuvre sur disque d'André Viau (sous ses différents pseudonymes), il faut retenir différents sets callés remarquables par leur intensité. - Un film, également, tourné à New York au cours d'une soirée vers la fin de 1938 nous le montre dansant une gigue, puis un clog avec une adresse que les Frères Legris auraient pu lui envier.


[1] Du nom de la Seigneurie du même nom, concédée en 1653, à Robert Giffard, déjà seigneur de Beauport (1634) et de Saint-Gabriel (1647). - (Renseignement fourni par Madame Jocelyne Duffort de Pincourt.)

[2] Toutes les citations en italiques (ou à peu près) sont tirées des mémoires d'André Viau intitulées «Mes vies» (Presses de l'Avenir, 1978).

 

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Voir également à :

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Tit-homme Caseault,

Mary Travers,

Les frères Legris,

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