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Simon Popp
De bonnes nouvelles
Je ne suis pas parano au point où je
m'inquiète de ce que peuvent faire des informations que des firmes comme
Microsoft, Google, YouTube, Amazon, Kindle, etc. ont sans aucun doute dû
rassembler jusqu'à présent dans leurs bases de données sur mon auguste personne. Ni de ce qu'ils en ont fait.
La seule chose qui m'agace un peu, c'est
la quantité de pubs qu'ils ou elles réussissent à m'envoyer quand je
me branche sur leurs sites. Amazon-Kindle, en particulier, me tape un
peu sur les nerfs quand, après avoir acheté à partir de leur site
l'oeuvre complète de Victor Hugo pour 1.99$ on me suggère de compléter
ma «bibliothèque» en me procurant les oeuvres également complètes de Zola, Chateaubriand
ou Balzac (et au même prix), mais si le clic supplémentaire que
ce ou ces offres m'imposent pour passer outre est semblable à celui
que je dois faire pour avoir accès, pour le même prix, à l'oeuvre de
John Ruskin, je ne dis pas non.
(Note : la première fois que Ruskin
m'a été offert, c'était il y a des années de cela, ça a été par -
si je m'en souviens bien - l'UCLA qui, pour la somme dérisoire de
1.600$, [sic] était prêt à me le faire parvenir sur une dizaine de
CD... - Les temps ont bien changé depuis...)
De toutes façons, d'autres firmes m'ont
offert des logiciels pour bloquer les pubs en provenance des sites précités. -
J'en utilise un pour Google. - Et puis reste toujours la solution
d'inscrire dans son logiciel de courriel, par exemple, les noms des abuseurs dans une liste de personae non gratae. Et puis quand
on veut vraiment la paix, on peut toujours se brancher en mode incognito
ou, dans le cas de YouTube de télécharger ce que l'on veut regarder, ce
qui supprime la plupart des pubs. - Les pare-feux et autres
logiciels me protègent du reste.
Quoiqu'il en soit, même sans protection,
il arrive souvent que les choix qu'on me propose ou qu'on ne me
propose pas, notamment sur YouTube, ne me déplaisent pas du
tout.
Ainsi, dans la plus récente liste des vidéos qu'on
m'a suggérés, j'ai constaté récemment que le nom de William
Lane Craig n'apparaissait plus.
J'ai déjà parlé de lui, ici.
Qui est ou qui fut William Lane Craig ?
Un théologien-philosophe-conférencier qui a fait le tour du monde à
promouvoir l'existence de Dieu utilisant une méthode qui, répétée ad
nauseam, fonctionnait à peu près comme ceci :
D'abord, il insistait toujours, dans les
multiples débats auxquels il participait, pour être le premier
intervenant et, au cours de son intervention, il avançait cinq ou six
arguments basés sur : l'ontologie, le fine-tuning de l'univers,
l'impossibilité qu'une morale objective puisse exister sans un principe
indépendant de la volonté humaine (lire : sans Dieu), les évidences irréfutables (sic) de la résurrection
de Jésus-Christ, etc., arguments qu'il faisait suivre en terminant par
un énoncé au cours duquel il disait que celui qui allait le suivre
devait, avant d'avancer ses propres arguments, démolir les siens.
Cette dernière partie de son discours
consistait en un vieux truc en art oratoire dont le principal est d'empêcher
son opposant d'énoncer ses propres arguments car il est généralement
admis que : pour contredire un argument, il
faut deux fois plus de temps qu'il en faut pour en énoncer un.
Ce n'est qu'après avoir fait face pendant
plusieurs mois à des adversaires disons de «son calibre» qu'il s'est
cru invincible et puis toc ! Ce qu'il a pu alors, comme on dit en langue
vulgaire, «en manger une», puis une autre et une autre. Aux mains de
Sam Harris, Lawrence Krauss, Christopher Hitchens et Sean Carroll ; pour
ne nommer qu'eux.
La technique utilisée par Sam Harris, si
je me souviens bien, fut de dire au départ, qu'il ne perdrait pas son
temps à démontrer la fausseté des avancés de Craig car tous et chacun
avaient été rejetés, et de plusieurs façons, par d'éminents spécialistes
et que ces démonstrations étaient disponibles, et en détails par
dessus le marché sur Internet. Et de là, il avança ses propres
arguments que, naturellement, William Lane Craig ne put rejeter faute de
s'y être préparé. - Mais celui qui qui ridiculisa le plus Craig fut
sans doute Sean Carroll dont les arguments, précédés de ceux de Craig,
peuvent être écoutés et vus sur YouTube :
https://www.reasonablefaith.org/videos/debates/craig-vs.-carroll-new-orleans/
Un délicieux moment à passer pour voir
comment on dégonfle un pompous windbag comme dirait Copernique.
Un autre bon moment, qui parce qu'il ne
s'est pas produit, fut le nombre de fois que Craig a insisté
publiquement ou via son site pour dire que ses arguments étaient
valables puisque le plus célèbre athée de la planète, Richard
Dawkins, refusait de le rencontrer dans un duel oratoire, ce qui
signifiait qui'il (Dawkins) était incapable de démontrer la non-véricatité
de ses arguments. - Ce à quoi, Dawkins finit par répondre que
le charlatanisme de Craig n'ajouterai rien à son CV tandis que son nom,
celui de l'athée par excellence qu'il était, mentionné dans celui de
Craig ne réussirait qu'à le rendre un peu plus crédible.
Anyway :
Pour ne plus me suggérer William Lane
Craig, merci Messieurs (1)
de chez YouTube de vous êtes rappelé un peu qui je suis, surtout de
m'avoir fait connaître, récemment, Sir Martin Rees.
(1) On aura compris qu'en utilisant
le mot «Messieurs», j'étais bien conscient d'utiliser un mot servant
à résumer : les hommes, femmes, noirs, blancs, catholiques,
protestants, associés, actionnaires (anonymes ou non), arabes,
mexicains, aveugles (ou non), néophytes (en informatique), savants,
homosexuels... à l'emploi de YouTube.
***
D'autres problèmes dont je n'ai pas à m'occuper
Ne possédant qu'une seule demeure, je
suis content de n'avoir à m'occuper que d'un compte de taxes foncières.
Sur le terrain de ma résidence
secondaire, il n'y a pas d'arbre. Je n'ai, ainsi, pas à ramasser des
feuilles mortes à l'automne.
N'ayant pas de piano, mes déménagements
sont moins difficiles à planifier.
N'ayant jamais pratiqué (ou à peu près)
de sport, j'ai encore des jointures qui fonctionnent et un dos
relativement sain.
Ne possédant pas de choses de grandes
valeurs (ou du moins facilement revendables), les cambrioleurs m'inquiètent
moins.
Ne circulant jamais dans les quartiers chauds
des villes que je fréquente, j'ai moins peur d'être assassiné en
pleine rue.
N'exerçant que rarement mon droit de
vote, je ne me suis jamais, également, senti coupable d'avoir élu un crétin comme député ou
maire .
En vacances, ne sachant pas exactement où,
en auto, je m'en vais, je me trompe rarement de routes.
Les athées, me semble, ont une bonne
attitude. Ayant mené plus ou moins une vie comme tous les croyants, ils
n'auront pas perdu leur temps à adorer un dieu qui pour eux était
inexistant. Ils seront surpris mais, je crois pas déçu, en mourant, d'apprendre
qu'il y en avait bel et bien un (ou plusieurs). Tandis que les
pratiquants de la vraie religion (par rapport aux autres), risquent,
eux, d'être fort déçus que leur Dieu était le mauvais ou qu'il
n'y en avait tout simplement pas.
Simon
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Herméningilde Pérec
Sagesse
Vous savez ce à quoi j'ai pensé
au cours du mois qui vient de se terminer ?
«Ce à quoi j'ai pensé...»...
une façon de parler. Il me faudrait écrire, pour être exact «Ce
à quoi le Professeur
m'a fait penser.»
Il me disait que le concept des
générations tel que décrit par Simon est sans doute juste, et,
peut-être même, tout à fait réel mais, s'il laisse
sous-entendre que notre génération est moins intelligente,
moins renseignée, moins réaliste que celle qui nous suit et
celle qui suivra cette autre, il est sans doute bon de se
rappeler que notre génération descend en droite ligne de
gens qui ont connu les guerres, la famine, les persécutions
religieuses, la peste et d'autres calamités comme les Jeux et
Sapiences du Moyen-Âge, l'astrologie, les chiffres romains et
les conquistadors.
Faut croire que nos ancêtres
étaient plus robustes et avaient plus de courage, de patience et
de résilience que nous et que nos descendants en auront.
H. Pérec
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Copernique Marshall
Shakespeare, Sainte-Beuve et...
Jackson Pollock
Je ne connais pas beaucoup de
grands lecteurs. Pas autant, c'est sûr, que Simon en connaît.
Par «grands lecteurs», nous nous entendons tout de même tous
les deux que ce ne sont pas ceux qui lisent continuellement, à raison, par exemple, de
deux ou trois livres par mois ou qui se tapent régulièrement des
briques de 3.000 pages :
Il est facile de lire trois romans Harlequin
dans un même mois - probablement plus facile d'en écrire autant...
- ou parcourir régulièrement un ou plusieurs volumes d'une
encyclopédie par semaine.
Disons qu'un «grand lecteur», pour nous, c'est
quelqu'un qui, par ses lectures (et elles n'ont pas besoin d'être
nombreuses), cherchent à se renseigner, à comprendre le
monde dans lequel il vit. Il se contente pas de lire des choses
qui lui confirment ce qu'il sait déjà, mais celles qui entrent
souvent en contradiction avec ses pensées.
Mais Simon va plus loin :
Il dit qu'au delà des
informations contenues dans des phrases, des paragraphes et des
chapitres qui s'enchaînent de façon plus ou moins ordonnée, il
y a des auteurs et que lire correctement, c'est tenter de découvrir
comment ces auteurs regardent, voient et comprennent l'univers
dans lequel eux et nous vivons.
PAS essayer de savoir comment
ni pourquoi ils en sont arrivés là car qui de nous peut savoir
exactement comment et pourquoi nous pensons d'une certaine manière.
"Laissons, dit-il, aux
psychologue et au psychiatres le loisir de se pencher sur cet épineux
problème. En attendant, contentons-nous de penser et de vivre."
Un vrai contre-Sainte-Beuve.
Et Pollock ? Je me demandais
l'autre jour ce à quoi les épisodes chaotiques de sa vie
pouvaient m'aider à mieux comprendre ses toiles.
Tout ce qui précède ?
C'est réponse à un ami qui m'écrivait
l'autre jour, en lisant La vie mode d'emploi de
Georges Pérec que :
"La Vie Mode d'emploi est une oeuvre d'un obsédé existentiel usant de procédés formels d'écriture en raison de son lourd Cahier de charges (contraintes imposées, déplacements rigides selon la mouvance du cavalier sur un jeu d'échecs pour décrire le lieu, les personnages y vivant ou y ayant vécu avec force et détails, etc. Trop, c'est trop.
Ayant dépassé la moitié du volume, je commence à me morfondre sérieusement. Que de répétitions voulues, bien sûr, par l'auteur sauf que les plafonds, les planchers, les murs et les tableaux, j'en ai marre. Heureusement, que ses contes et nouvelles intercalés ici et là sont brillantissimes. J'aime le chapitre où Valene le peintre se peint sur sa toile et le peintre de sa toile se peint...jusqu'à épuisement de l'espace barbouillable.
Je dois réfléchir davantage aux propos qui suivent. J'aime simplifier pour comprendre alors que Perec complexifie à souhait pour nous écarter sciemment ce qu'il veut nous dire au juste. Je résume. La vie est un puzzle à résoudre dont chaque pièce s'intercale (s'insère) petit à petit dans notre existence (aquarelles de Bartlebooth) puis survient le jeu de rassembler les pièces en différé de notre évolution (Winckler), le lent et constant vieillissement. Et à la fin (mort), il ne reste presque rien.... 21 grammes, le poids de l'âme. (Quelques pièces restantes de l'assembleur Winckler avec l'aide passionnée de Morellet, l'homme de trois doigts en moins)."
Say what ?
Copernique
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Jeff Bollinger
Et le compte est...
Depuis quelques
jours, J'essaye de comprendre certaines règles concernant les
sports, notamment la façon dont y calcule les points pour déterminer
le ou les gagnants. Pour mes deux fils, Thomas et Frédéric.
Au tennis, par
exemple, pourquoi compte-t-on les coups d'abord en quinze (deux
fois) puis en dix et qu'il faut, si j'ai bien compris, au moins
deux fois dix points pour gagner un jeu et... six jeux pour
gagner un set, mais avec au moins deux sets d'avance et gagner
deux ou trois (?) pour gagner un match.
Au football, c'est
la folie furieuse :
D'abord, il y a
une différence entre le football canadien et le football américain
:
Le football
canadien se joue sur un terrain mesurant 110 verges de long par
65 verges de large comparativement à 100 et 53 et 1/3 (?) aux
États-Unis. Le nombre de joueurs sur ce terrain est de 12 par
équipe au
Canada, 11 aux États-Unis. Le nombre d'essais (tentatives pour
faire avancer le ballon dans la zone de l'adversaire est de
trois au Canada, quatre aux États-Unis.
Quant aux points
:
Un touché
(ballon transporté jusque dans la zone de l'adversaire) vaut
six points, mais lorsque suivi d'un converti, on lui ajoute un
point.
Un ballon que
l'on frappe du pied (ce qui est relativement rare au FOOTball)
entre deux pylônes (?) qui servent de but, mais par dessus, un
troisième qui les relie entre eux, vaut trois points.
J'ai à peine
oser demander pourquoi au Basket, la dernière minute de jeu
peut durer plusieurs minutes tandis que les points se calculent
selon la distance entre les pieds du lanceur et le panier.
Quant aux pénalité,
coins, lancers francs ou lancers de punitions au Football qui se
joue ailleurs dans le monde, c'est-à-dire sauf au Canada et aux
États-Unis (et qui se joue, lui, uniquement avec les
pieds...)...
Heureusement, je
n'ai pas eu à me renseigner sur le Cricket...
Jeff
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Georges Gauvin
Ma génération
Why don't you f...
away ?
[Rires]
Deux vidéos :
Si vous n'aimez pas le
premier, passez au deuxième.
https://www.youtube.com/watch?v=qN5zw04WxCc
https://www.youtube.com/watch?v=zqfFrCUrEbY
Georges
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Fawzi Malhasti
Morceau choisi
Shakespeare and
Company
En ce temps-là, je n’avais pas d’argent pour acheter des livres. Je les empruntais à la bibliothèque de prêt de «
Shakespeare and Company » ; la bibliothèque-librairie de Sylvia Beach, 12, rue de l’Odéon, mettait en effet, dans cette rue froide, balayée par le vent, une note de chaleur et de gaieté, avec son grand poêle, en hiver, ses tables et ses étagères garnies de livres, sa devanture réservée aux nouveautés et, aux murs, les photographies d’écrivains célèbres, morts ou vivants. Les photographies semblaient être toutes des instantanés, et même les auteurs défunts y semblaient encore pleins de vie. Sylvia avait un visage animé, aux traits aigus, des yeux bruns aussi vifs que ceux d’un petit animal et aussi pétillants que ceux d’une jeune fille, et des cheveux bruns ondulés qu’elle coiffait en arrière, pour dégager son beau front, et qui formaient une masse épaisse, coupée net au-dessous des oreilles, à la hauteur du col de la jaquette en velours sombre qu’elle portait alors. Elle avait de jolies jambes. Elle était aimable, joyeuse et pleine de sympathie pour tous, et friande de plaisanteries et de potins. Je n’ai jamais connu personne qui se montrât aussi gentil envers moi.
J’étais très intimidé quand j’entrai pour la première fois dans la librairie et n’avais même pas assez d’argent sur moi pour m’inscrire à la bibliothèque de prêt. Sylvia me dit que je pourrais verser le montant du dépôt de garantie quand j’en aurais les moyens, et me donna ma carte, et me dit que je pourrais emporter autant de livres que je voudrais.
Elle n’avait aucune raison de me faire confiance. Elle ne me connaissait pas, et l’adresse que je lui avais donnée, 74, rue du Cardinal-Lemoine, était, certes, des plus misérables. Mais Sylvia était délicieuse et charmante et hospitalière, et derrière elle, du haut en bas des murs, et en profondeur jusqu’à l’arrière-boutique qui prenait jour sur la cour intérieure de l’immeuble, il y avait, sur des étagères et des étagères, toutes les richesses de sa bibliothèque. Je commençai par Tourgueniev et pris les deux volumes des
Récits d’un chasseur ainsi que l’un des premiers livres de D. H. Lawrence, je crois que c’était
Amants et Fils, et Sylvia me dit de prendre d’autres livres encore si je voulais. Je choisis
La Guerre et la Paix dans l’édition de Constance Garnett et
Le Joueur et autres contes de Dostoïevski.
«Vous ne reviendrez guère avant longtemps si vous lisez tout
cela, dit Sylvia.
— Je reviendrai payer, dis-je, j’ai de l’argent chez moi.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire, répondit-elle, vous paierez quand cela vous conviendra.
— Quand Joyce vient-il ? demandai-je.
— Quand il vient, c’est généralement très tard dans l’après-midi, dit-elle. Vous ne l’avez encore jamais vu ?
— Nous l’avons vu déjeuner en famille chez Michaud, dis-je, mais il n’est pas poli de regarder les gens pendant qu’ils mangent, et Michaud est un restaurant cher.
— Vous prenez vos repas chez vous ?
— Souvent, en ce moment, dis-je. Nous avons une bonne cuisinière.
— Il n’y a pas de restaurant à proximité dans votre quartier, n’est-ce pas ?
— Non, comment le savez-vous ?
— Larbaud y a vécu, dit-elle, il aimait beaucoup le quartier, à ce détail près.
— Pour trouver un bon restaurant, pas cher, il faut aller jusqu’au Panthéon.
— Je ne connais pas ce quartier. Nous prenons nos repas à la maison. Vous et votre femme devriez venir un de ces jours.
— Attendez de voir si je vous paie, dis-je. Merci beaucoup quand même.
— Ne lisez pas trop vite », dit-elle.
Notre foyer, rue du Cardinal-Lemoine, était un appartement de deux pièces, sans eau chaude courante, ni toilette, sauf un seau hygiénique, mais non pas entièrement dépourvu de confort pour qui était habitué aux cabanes du Michigan. C’était un appartement gai et riant, avec une belle vue, un bon matelas et un confortable sommier posé à même le plancher et des tableaux que nous aimions, accrochés aux murs. Quand je rentrai, ce jour-là, avec mes livres, je parlai à ma femme de la merveilleuse librairie que j’avais découverte.
« Mais, Tatie, il faut aller payer dès cet après-midi, dit-elle.
— Bien sûr, dis-je. Allons-y ensemble, et ensuite nous irons nous promener le long des quais.
— Descendons par la rue de Seine pour voir toutes les galeries de tableaux et les devantures des magasins.
— Bien sûr, nous pouvons aller n’importe où et nous arrêter dans un café où l’on ne nous connaîtra pas et où nous ne connaîtrons personne, pour prendre un verre.
— On pourra prendre deux verres.
— Et puis on pourra manger quelque part.
— Non. N’oublie pas que tu dois de l’argent à la librairie.
— Bon. Nous rentrerons dîner ici et nous ferons un gentil repas avec du vin de Beaune qu’on pourra acheter à la coopérative d’en face. On voit d’ici, par la fenêtre, le prix marqué à la devanture. Et après, nous lirons et nous irons nous coucher et nous ferons l’amour.
— Et nous n’aimerons jamais personne d’autre que toi et moi.
— Non. Jamais.
— Quel bon après-midi et quelle bonne soirée ! Maintenant on ferait mieux de déjeuner.
— J’ai très faim, dis-je. J’ai travaillé dans un café et n’ai pris qu’un café crème.
— Comment est-ce que ça a marché, Tatie ?
— Je crois que c’est bien. Je l’espère. Qu’est-ce que nous avons pour déjeuner ?
— Des petits radis et du bon foie de veau avec de la purée de pommes de terre et une salade d’endives. Une tarte aux pommes.
— Et nous pourrons lire tous les livres du monde et même les emporter si nous partons en voyage.
— Est-ce que ce serait honnête ?
— Bien sûr.
— Est-ce qu’elle a Henry James aussi ?
— Bien sûr.
— Seigneur ! dit-elle. Quelle chance que tu aies découvert cet endroit.
— Nous avons toujours de la chance », dis-je, et comme un imbécile je ne touchai pas de bois. Et dire qu’il y avait partout du bois à toucher dans cet appartement.
Ernest Hemingway - Premier
chapitre de : Paris
est une fête (A Moveable Feast) - Traduit de l'anglais
par Marc Saporta - Gallimard (Folio) - 2012.
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Fawzi
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De notre disc jockey - Paul Dubé
White noise
J'ai eu beau chercher la traduction en français de cette expression, je n'ai rien trouvé.
Oh, je l'ai vue traduite par des
choses comme
bruit de fond, activité sonore nulle et même vacarme comme dans
le vacarme en provenance d'un réfectoire (noise in a school cafeteria). Parfois on lui associe une caractéristique particulière comme dans
le son (ou bruit) de la circulation (traffic noise), mais jamais on l'associe à une autre définition qui n'a aucun rapport direct avec un son ou un bruit quelconque, quoique, à l'origine, elle se rapporte à quelque chose que l'on pouvait entendre. Il s'agit du contenu vide de sens, par exemple, d'un discours électoral où beaucoup de phrases sont prononcées, mais rien
n'est dit ; ou encore d'une musique composée, certes, de notes ou d'airs agréables, mais qui n'expriment aucun sentiment.
Du white noise, on peut en entendre à profusion dans la musique
baroque : Telemann, Haendel, Vivaldi, Rameau et - ne vous en déplaise
Messieurs-Dames - le grand Jean-Sébastien Bach lui-même furent de sérieux compositeurs de
white noise. Quand même, l'ensemble de leurs oeuvres est loin
d'être composé uniquement de white noise, mais à écouter beaucoup de leurs pièces de circonstances (la rencontre fortuite d'un
flûtiste et d'un claveciniste dans leur village ou la présence de deux violonistes et d'un luthiste dans leur paroisse la veille de Pâques), on peut se demander ce
pourquoi de trop nombreuses pièces de ce genre font encore partie
de leur et du répertoire des musiciens d'aujourd'hui.
Remarquez que, ce
qui, aux premières mesures semble être tout à fait, disons le mot
: insipide, peut se terminer par un moment inoubliable. Le prélude
de la suite pour violoncelle no. 1 de Bach, par exemple (BMW 1007) ;
qui consiste essentiellement en une succession d'arpèges. - Ce n'est
pas très long : à peu près deux minutes et demi. Le voici,
interprété par Jacqueline du Pré :
Cliquez ici :
Sauf que le white noise n'est pas limité à la musique
dite classique. On l'a utilisé et on l'utilise encore de nos
jours pour remplir, je soupçonne, des disques où une ou deux pièces,
souvent, qu'une seule vaut la peine d'être écoutée. Sans compter
toutes les «musiques» qui ne sont là que pour remplir des vides
; à la radio, au théâtre ou au cinéma. Et je n'ajouterai pas
nombreuses idioties qu'on entend dans les restaurants, les
ascenseurs, au supermarché et même dans les W.C. d'endroits chics.
Là où j'ai beaucoup
de difficultés à en entendre, c'est dans les endroits - je n'en
nommerai aucun - où l'on dit qu'on peut y écouter de l'authentique
musique de jazz. Vous devez en connaître tout autant que moi.
Le problème, ce n'est pas que le white noise existe, c'est qu'à force de l'écouter ou de
n'entendre que lui, l'on finit par croire que seule cette musique
existe et qu'il est bon ton ou normal de n'écouter qu'elle et de ne pas perturber inutilement sa
faculté d'être ému ou - et là je fonce littéralement dans ce qui me semble important - de découvrir un monde nouveau, d'entendre quelque chose qui développera en soi ces clichés dont parle Proust dans sa célèbre tirade sur l'art.
Dire qu'on m'a encore
suggéré il y a à peine quelques jours d'écouter le Trio Play
Bach de Jacques Loussier.
Je ne vous ai jamais
dit, je crois, que je me suis procuré, lors de sa seule (?) visite
à Montréal, des billets pour aller voir live ce trio à la
Place des Arts. Ça fait quand même un bout de temps de cela.
Raison ? je voulais entendre Pierre Michelot à la contrebasse, un
bonhomme que j'ai toujours considéré comme un des grands à son
instrument.
Je suis sorti à
l'entracte tellement tellement Loussier m'avait écoeuré avec son white
noise à la Bach. Si au moins, ça avait du Offen...
Pour nos suggestions et enregistrements précédents,
cliquez
ICI.
paul
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Lectures
Note :
Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.
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Romans policiers - 1
Je ne me souviens plus, si c'était Simon
ou Paul (*), qui écrivait
ici, il n'y a pas longtemps, sur les générations en insistant
sur le fait qu'il était difficile de se libérer des poncifs, lieux
communs et préjugés de sa génération ; qu'il était quasi impossible,
sauf superficiellement, de se mettre dans la peau de ceux qui
nous ont précédé ou celle de ceux qui nous suivent (ou qui
vont nous suivre) ; que nous sommes tous en quelque sorte
prisonniers d'une forme de pensée, d'une vision du monde provenant d'une période qui s'étend
tout au plus sur une vingtaine ou une trentaine d'années, c'est-à-dire
du moment où cette vision s'est formée en nous, généralement entre notre dixième ou quinzième
anniversaire et notre
quarantième.
(*) Les deux. Dans l'édition de septembre.
Simon à propos de Proust, Louis-Ferdinand Céline, Joyce et les
imposteurs et que reprenait Paul dans sa chronique dite de
disc jockey en se référant aux amateurs des Beatles et d'Elvis.-
Note de l'éditeur.
Oh, c'est toujours possible, après 40
ans, mais cela
demande un effort considérable. Cela consiste à abandonner les fondements mêmes
d'une personnalité qu'on croit fixe et à laquelle on s'est habitué et aller au-delà de ce que l'on est ; se
mettre dans l'état de celui qui se regarde se regardant ; se
replonger dans un temps où ses idées étaient encore à l'état
embryonnaire et reconsidérer sérieusement ce qui nous a influencé
et que nous avons conservé, sans oublier ce à côté
de quoi l'on est passé.
C'est à quoi il m'est venu à l'esprit
quand j'ai pensé écrire quelques commentaires sur les romans policiers
dont,
par exemple, ceux que je lis - quand il m'arrive encore d'en lire - ne dépassent guère
en genres ceux
que je lisais dans les années ou j'en lisais régulièrement et,
pourquoi, j'éprouve de la
difficulté à comprendre pourquoi ceux qui en écrivent aujourd'hui
(pas tous, mais un bon nombre) semblent vouloir systématiquement
oublier les règles établis par ceux qui les ont précédés.
Pour renouveler le genre ? Pour faire
nouveau ? Pour créer un nouveau style de suspens ?
Elles étaient pourtant très simples,
ces règles :
- Un meurtre, un vol, un crime était
commis.
- Entrait en scène un policier, un détective,
un personnage chargés d'en trouver le coupable.
- Les faits étaient exposés un à un,
parfois en détails pour que le lecteur puisse découvrir lui-même ce
coupable.
- Suivait l'arrestation, la mort, parfois
même la fuite de ce coupable.
- Fin du suspense.
Oh, il y en a eu des variantes sur
ces règles, mais elles ne s'éloignaient très peu d'une certaine
structure :
- Les crimes n'étaient pas décrits,
ni expliqués : on était tout simplement à la recherche d'un
criminel notoire auquel, comme cela arrivait souvent dans certains romans,
le personnage central se trouvait accidentellement confronté.
- Ces crimes avaient été commis dans
une chambre parfaitement close, à bord d'un paquebot, d'un train, en
plein champs... ou il s'agissait d'une série de meurtres en série, de
vols inexplicables et même d'absences de preuves qui
auraient pu, au départ, démontrer qu'un crime avait été commis.
- Ceux à qui la découverte du ou des
coupables d'une situation se servaient de leur logique, de leur
intuition ou utilisaient des pièges...
Ce qui était important dans ces plus ou
moins définies structures, c'était qu'on apprenait le nom ou les noms
du ou des coupables qu'à la fin et que le déroulement de l'enquête était
mené par un personnage central.
Cela faisait partie du suspense.
Depuis, à moins que je me trompe, on a
bouleversé ces règles :
-
On apprend, premier exemple, dès les
premières pages le nom du coupable, la façon qu'il a utilisé pour
commettre son crime et jusqu'à la raison de son geste. Le suspense se
transforme non plus dans la découverte de ces fait, mais dans la méthode
que l'enquêteur finira pour les découvrir et conséquemment découvrir
en même temps le coupable.
- Qu'il n'y a pas, deuxième exemple, de
crimes ni de coupable, mais une situation dans laquelle le personnage
central se trouve par hasard mêlé et de laquelle il doit s'extirper,
i.e. : au mauvais endroit, au mauvais moment.
- Le crime, troisième exemple, est sans
importance. Tout le récit tourne autour d'un criminel, souvent un
psychopathe et tout ce qui doit nous intéresser, c'est comment il en
est arrivé là et ce qui se passe dans sa tête.
Ne viennent, essentiellement dans le même
genre, les romans d'espionnage
(qui sont rédigés la plupart du temps dans une chronologie tout à fait
particulière), les romans dits d'action où
le héros est un super-homme capable d'escalader des montagnes, conduire
un hélicoptère, tirer un fusil à la manière d'un franc-tireur, etc.,
les pseudos-romans biographiques où le sympathique rédacteur finit par
n'être qu'un criminel, et ainsi de suite.
Le cinéma a beaucoup influencé le roman
policier classique.
De l'énigme, il nous a enseigné à
attacher plus d'importance à la personnalité d'un enquêteur qu'à son travail. Qui ne connaît
pas aujourd'hui ou qui n'a pas son enquêteur favori : Sherlock Holmes,
Jules Maigret, Father Brown, Miss
Marple,
Hercule Poirot... ? Le crime est devenu secondaire par rapport aux
manies, au style de vie de ces personnages. -
D'autant plus qu'ils sont devenus de véritable êtres en presque en
chair et en os : Basil
Rathbone a longtemps été le véritable Sherlock Holmes et Jean Gabin
fut un temps le vrai commissaire Maigret. Et qui n'associe pas, de nos
jours, David Suchet à Hercule Poirot ?
C'est sur tous ces aspects - romans
policiers classiques, romans modernes, enquêteurs célèbres, comédiens...
auxquels j'ai pensé qu'il serait intéressant de faire le point, mais,
en ce premier volet (je ne sais encore combien il y en aura), il y a un côté
littéraire sur lequel je voudrais tout d'abord attirer votre attention car,
si, parmi les livres, commentaires articles que j'ai lus, il y en a un
qui m'a beaucoup plus (j'y reviendrai le mois prochain), je tenais
aujourd'hui à vous en signaler le début d'un autre qui est celui d'un
roman de Georges Simenon, un roman rarement cité car ce n'est pas un
des meilleurs, mais qui éclaire, chose rare car Simenon est un exemple
parfait d'un auteur neutre, effacé, au style indéfinissable, les
questions qu'il se posait avant d'écrire :
«C'est déroutant ! Tout à l'heure, que dis-je, il y a un instant encore, en
écrivant mon titre, j'étais persuadé que j'allais commencer mon récit comme on commence un roman et que la seule différence consisterait en la véracité.
«Or, voilà que je découvre soudain ce qui fait
l'artifice du roman, ce qui fait qu'il ne peut jamais être l'image de la vie :
le roman a un commencement et une fin ! [...]
«Je me souviens que, tout jeune, j'en dévorais
à raison de trois par jour, et qu'ils me laissaient tous insatisfait. La dernière page lue, je soupirais :
'Mais après ?' - Pourquoi était-ce fini, puisque tous les personnages n'étaient pas mort ? Pourquoi l'auteur décidait-il ainsi, à son gré, gratuitement, qu'à un moment donné il n'avait plus rien qu'une page blanche avec le nom de l'imprimeur ?
«Aujourd'hui, ce n'est plus la fin qui me gêne : c'est le commencement.»
(Georges Simenon - Les trois crimes de mes amis.)
À +
Copernique
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L'extrait du mois
Raymond Quenau et Les Invalides
... Gabriel hausse les épaules. Il ne dit rien. Il saisit la valoche à Zazie. Maintenant, il dit quelque chose.
— En route, qu’il dit.
Et il fonce, projetant à droite et à gauche tout ce qui se trouve sur sa trajectoire. Zazie galope derrière.
— Tonton, qu’elle crie, on prend le métro ?
— Non.
— Comment ça, non ?
Elle s’est arrêtée. Gabriel stoppe également, se retourne, pose la valoche et se met à espliquer.
— Bin oui : non. Aujourd’hui, pas moyen. Y a grève.
— Y a grève ?
— Bin oui : y a grève. Le métro, ce moyen de transport éminemment parisien, s’est endormi sous terre, car les employés aux pinces perforantes ont cessé tout travail.
— Ah les salauds, s’écrie Zazie, ah les vaches. Me faire ça à moi.
— Y a pas qu’à toi qu’ils font ça, dit Gabriel parfaitement objectif.
— Jm’en fous. N’empêche que c’est à moi que ça arrive, moi qu’étais si heureuse, si contente et tout de m’aller voiturer dans lmétro. Sacrebleu, merde alors.
— Faut te faire une raison, dit Gabriel dont les propos se nuançaient parfois d’un thomisme légèrement kantien.
Et, passant sur le plan de la cosubjectivité, il ajouta :
— Et puis faut se grouiller : Charles attend.
— Oh ! celle-là je la connais, s’esclama Zazie furieuse, je l’ai lue dans les Mémoires du général Vermot.
— Mais non, dit Gabriel, mais non, Charles, c’est un pote et il a un tac. Je nous le sommes réservé à cause de la grève précisément, son tac. T’as compris ? En route.
Il resaisit la valoche d’une main et de l’autre il entraîna Zazie.
Charles effectivement attendait en lisant dans une feuille hebdomadaire la chronique des cœurs saignants. Il cherchait, et ça faisait des années qu’il cherchait, une entrelardée à laquelle il puisse faire don des quarante-cinq cerises de son printemps. Mais les celles qui, comme ça, dans cette gazette, se plaignaient, il les trouvait toujours soit trop dindes, soit trop tartes. Perfides ou sournoises. Il flairait la paille dans les poutrelles des lamentations et découvrait la vache en puissance dans la poupée la plus meurtrie.
— Bonjour, petite, dit-il à Zazie sans la regarder en rangeant soigneusement sa publication sous ses fesses.
— Il est rien moche son bahut, dit Zazie.
— Monte, dit Gabriel, et sois pas snob.
— Snob mon cul, dit Zazie.
— Elle est marante, ta petite nièce, dit Charles qui pousse la seringue et fait tourner le moulin.
D’une main légère mais puissante, Gabriel envoie Zazie s’asseoir au fond du tac, puis il s’installe à côté d’elle.
Zazie proteste.
— Tu m’écrases, qu’elle hurle folle de rage.
— Ça promet, remarque succinctement Charles d’une voix paisible.
Il démarre.
On roule un peu, puis Gabriel montre le paysage d’un geste magnifique.
— Ah ! Paris, qu’il profère d’un ton encourageant, quelle belle ville. Regarde-moi ça si c’est beau.
— Je m’en fous, dit Zazie, moi ce que j’aurais voulu c’est aller dans le métro.
— Le métro ! beugle Gabriel, le métro !! mais le voilà !!!
Et, du doigt, il désigne quelque chose en l’air.
Zazie fronce le sourcil. Essméfie.
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— Le métro ? qu’elle répète. Le métro, ajoute-t-elle avec mépris,
le métro, c’est sous terre, le métro. Non mais.
— Çui-là, dit Gabriel, c’est l’aérien.
— Alors, c’est pas le métro.
— Je vais t’esspliquer, dit Gabriel. Quelquefois, il sort de terre et ensuite il y rerentre.
— Des histoires.
Gabriel se sent impuissant (geste), puis, désireux de changer de conversation, il désigne de nouveau quelque chose sur leur chemin.
— Et ça ! mugit-il, regarde ! le Panthéon !!
— Qu’est-ce qu’il faut pas entendre, dit Charles sans se retourner.
Il conduisait lentement pour que la petite puisse voir les curiosités et s’instruise par-dessus le marché.
— C’est peut-être pas le Panthéon ? demande Gabriel.
Il y a quelque chose de narquois dans sa question.
— Non, dit Charles avec force. Non, non et non, c’est pas le Panthéon.
— Et qu’est-ce que ça serait alors d’après toi ?
La narquoiserie du ton devient presque offensante pour l’interlocuteur qui, d’ailleurs, s’empresse d’avouer sa défaite.
— J’en sais rien, dit Charles.
— Là. Tu vois.
— Mais c’est pas le Panthéon.
C’est que c’est un ostiné, Charles, malgré tout.
— On va demander à un passant, propose Gabriel.
— Les passants, réplique Charles, c’est tous des cons.
— C’est bien vrai, dit Zazie avec sérénité.
Gabriel n’insiste pas. Il découvre un nouveau sujet d’enthousiasme.
— Et ça, s’exclame-t-il, ça c’est…
Mais il a la parole coupée par une euréquation de son beau-frère.
— J’ai trouvé, hurle celui-ci. Le truc qu’on vient de voir, c’était pas le Panthéon bien sûr, c’était la gare de Lyon.
— Peut-être, dit Gabriel avec désinvolture, mais maintenant c’est du passé, n’en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c’est chouette comme architecture, c’est les Invalides…
— T’es tombé sur la tête, dit Charles, ça n’a rien à voir avec les Invalides.
— Eh bien, dit Gabriel, si c’est pas les Invalides, apprends-nous cexé.
— Je sais pas trop, dit Charles, mais c’est tout au plus la caserne de Reuilly.
— Vous, dit Zazie avec indulgence, vous êtes tous les deux des ptits marants.
— Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire,
si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t’y conduirai.
— Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con.
— Qu’est-ce qui t’intéresse alors ?
Zazie répond pas.
— Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu’est-ce qui t’intéresse ?
— Le métro.
Gabriel dit : ah. Charles ne dit rien. Puis, Gabriel reprend son discours et dit de nouveau :
ah.
— Et quand est-ce qu’elle va finir, cette grève ? demande Zazie en gonflant ses mots de férocité.
— Je sais pas, moi, dit Gabriel, je fais pas de politique.
— C’est pas de la politique, dit Charles, c’est pour la croûte.
— Et vous, msieu, lui demande Zazie, vous faites quelquefois la grève ?
— Bin dame, faut bien, pour faire monter le tarif.
— On devrait plutôt vous le baisser, votre tarif, avec une charrette comme la vôtre, on fait pas plus dégueulasse. Vous l’avez pas trouvée sur les bords de la Marne, par hasard ?
...
Raymond Queneau - Zazie dans le métro
- Gallimard, 1959
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Le courrier
M. Grégoire Walsh, Paris
XVIIIe
Le mot anglais «challenger»
(début du 14e siècle) vient du mot français «chalengier» (12e
ou 13e siècle) qui signifiait à l'origine «revendiquer ou prétendre
à».
Il fait partie de ces mots
français qui sont passés à l'anglais et qui parfois nous sont revenus
sous une autre forme et qu'on a, à tort qualifier d'«anglicismes».
Exemples :
Flirt - qui est une
adaptation de l'expression française «conter fleurette»
Toast - issu du verbe
français «toster» (du latin tostus) qui signifiait rôtir
Butler - issu du vieux
français «bouteiller» qui était «le grand officier de la couronne
chargé de l'intendance du vin».
Budget - qui, en anglais,
provient de l'ancien français «bougette», un sac de cuir dans lequel
le trésorier de la couronne mettait de l'argent.
Mail - issu du mot français
«malle», sac dans lequel on transportait le courrier
À noter que le mot «people»
provient de «peuple».
Mme Ludmida Latendresse,
St-Isidore-Ducasse, Caraguay
François Busnel est né le
8 mai 1969 à Argenteuil (Val-d'Oise).- François Bouchedelle est le né
le lendemain à Delsville dans l'ancien comté d'Argenteuil.
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Dédicace
Cette
édition du Castor est dédiée à :
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Emmeline
Pankhurst (1858-1928)
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Le mot de la
fin
«Le Ruisseau de Wilton se situe au cœur des Grandes Plaines, au nord du Bosquet du Berger, sur la gauche de la Pointe de Dobb, juste au-dessus des falaises qui forment la Constante de Planck. La terre est arable et se trouve principalement au sol. Une fois Tan, les vents tourbillonnants en provenance des plateaux de l'Alta Kicka déferlent à travers champs, soulèvent les paysans occupés à leurs besognes, et les déposent des centaines de kilomètres plus au sud, où ils se réinstallent souvent et ouvrent des boutiques. Par une grise matinée de juin, un mardi, Comfort Tobias, la gouvernante des Washburn, entra chez ses employeurs comme chaque jour depuis dix-sept ans. Le fait d'avoir été licenciée neuf ans plus tôt ne l'empêchait pas de venir faire le ménage, et les Washburn ne l'appréciaient que davantage depuis qu'ils avaient cessé de lui verser son salaire. Avant de travailler pour les Washburn, Tobias murmurait à l'oreille des chevaux dans un ranch du Texas, mais elle était entrée en dépression nerveuse le jour où un cheval lui avait répondu, en chuchotant lui
aussi :
"Ce qui m'a le plus sidérée, se souvient-elle, c'est qu'il connaissait mon numéro de Sécurité sociale." »
Woody Allen - Sans foi ni matelas (L'erreur est humaine
[Mere Anarchy] - Traduction de Nicolas Richard - Flammarion, 2007)
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Autres sites à
consulter
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Webmestre : France L'Heureux

Webmestre : Éric Lortie
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