Dans l'histoire de la musique européenne
de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, Fabio Gunther Michael
Claude-Jehan de Marshall-Goërström, né en 1842, demeure une énigme.
Son père, médiocre violoniste d'origine
italienne mais issu d'une famille implantée en Islande dès la fin du
XVIIe siècle, épousa, on le sait, la fille d'un riche marchand de
Turku (Finlande) appartenant à la haute bourgeoisie turkoise et
descendant de commerçants d'Ukraine qui avait les faveurs de Nicolas
Ier de Russie dont la Finlande était à l'époque un grand-duché.
Il envoya son fils d'abord étudier à
Kiev (cathédrale de Sainte-Sophie) mais le jeune Fabio y fut renvoyé dès
1857 parce qu'il ne profitait guère de l'enseignement qu'on y donnait.
Fabio poursuivit néanmoins ses études musicales à Berlin, puis Paris
et finalement en Italie (Aceto
puis Rome) où il fut, pendant cinq ans, l'élève de Giacomo Unide et
de Roberto Unaltro.
Doué d'une intelligence vive mais
incapable de se plier longtemps aux exigences de la théorie et de la
syntaxe musicales, il ne tarda pas à abandonner le genre sacré auquel
il s'était jusqu'à ce moment-là dévoué et se tourna vers la
composition de valses et d'opéras-bouffes.
De retour dans son pays en 1865, il se
vit confier la direction de l'orchestre symphonique de Despoo, en
banlieue d'Helsinki (vingt minutes en dehors des heures de pointe), où
il a fallu qu'il compose avec des musiciens n'ayant jamais connu autre
chose que de la musique d'origine belge. - Peu enclins aux nouveautés,
ces musiciens forcèrent le jeune Fabio à adopter un répertoire basé
sur les thèmes folkloriques de son pays jusqu'en 1871, année où il épousa
la jeune Maria Kürenfjord qui le libéra de toutes contingences matérielles.
(De cette période datent
diverses compositions dont le cycle "Il Raggazo
Bello", une oeuvre relativement sombre [piano,
barytons, ténor et soprano] qui ne fut reprise qu'en 1945 lors de
chute de Berlin et qui aujourd'hui compte parmi les grandes
compositions polyphoniques du XIXe siècle.)
Le couple s'étant retiré à la campagne
(entre Hurdu et Lebadudoo), Fabio se mit à la composition d'études
symphoniques, aujourd'hui oubliées, puis passa à des "Humoresques"
pour piano et hautbois qui eurent tôt fait de faire connaître son nom
à la cour de Russie où l'empereur lui commanda des sonates et un
concerto pour piano et orchestre, oubliés également. - Brûlés en
fait.
En 1894, de passage à Oslo pour une
vague question d'héritage, il fait la rencontre du Grand Marshall qui
l'invita à venir passer quelques mois à Napierville où, séduit par
l'atmosphère culturelle qui y régnait, il décida d'y passer plusieurs
mois composant des motets polyphoniques, de la musique de chambre pour
instruments anciens ("Das Licht vor der Schwärzung",
"La viola quebrada" et "O
livro dos versos") et de la musique de scène (Crasibule
et Pharice, Titonius Andronicus, Noël en Samarie, Le
conciliateur, etc.) dont certains passages nous sont restés sous la
forme de gigues, clogs et buck and wings.
De retour dans son pays natal, il ouvre
une salle de théâtre expérimental puis un music-hall, une entreprise
de stores vénitiens (verticaux) et finalement un cabaret où il
s'essaye à nouveau à la musique religieuse, le temps de faire
faillite.
Il meurt en 1901 ayant passé les dernières
années de sa vie à composer de la musique pour piano bastringue et des
messes pour l'Église
Pentateutique des Saints de la Septième Venue du Christ.