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Simon Popp
Les autres
Deux choses :
Quand on me dit "Ce
n'est pas ton genre...", "Tu n'aimeras pas...",
"Tu n'est pas fait pour...", "Tu vas
t'ennuyer...", etc., etc., c'est-à-dire qu'on me laisse
sous-entendre que non seulement je ne me connais pas, mais qu'on me
connaît au point où l'on peut savoir à l'avance ce que je vais penser
ou comment je vais réagir dans certaines situations, j'en arrive
à me demander si ce que je pense, moi, des goûts des autres n'est pas
tout aussi tordu et irréaliste. - Faut dire que l'on vit dans sa peau
et non pas dans celles des autres.
Dans le même ordre d'idées,
il est rare que je pense à ce que les autres peuvent penser de mon
auguste personne. Personnellement, même à mes plus proches amis, il
m'arrive rarement de penser et je me dis qu'ils doivent faire exactement
la même chose.
D'où :
Dans le premier cas, je
me fis non pas à ce que les autres me disent, mais à ce que je suis
convaincu d'être en me basant - et c'est là où je les surpasse en
exactitude et en profondeur - sur mon expérience et mes habitudes de
vie. - Et dans le deuxième, je me fiche et me suis toujours fiché de
ce que l'on peut ou pouvait penser de moi sauf quand, dans le passé,
leurs rélexions pouvaient affecter directement ou indirectement mon
avenir. Dans ma carrière, par exemple.
J'avance, ce matin, ces
deux points parce que je songe de plus en plus à demain, à mes
lendemains, à mon avenir et ce qu'on m'en dit ou plus particulièrement
ce qu'on me prévoit qui me semble de plus en plus en contradiction avec
ce que j'en pense.
Je sais fort bien, par
exemple, qu'éventuellement je ne pourrai pas vivre dans l'environnement
où je vis présentement alors qu'on me dit que jamais je pourrai m'en débarraser
; de passer du centre-ville et à sa proximité de son quartier des
spectacles, de ses bibliothèques, libraires, cinémas et, tant qu'à y
être, de ses restaurants et endoits l'où sert des boissons distillées
et fermentées. - C'est que l'on ne sait pas, ce que l'on ne voit pas,
ce qu'on refuse de constater, c'est que, dans mon appartement, avec vue
sur l'hôtel de ville, l'UQAM et la Place Ville-Marie, je passe la
majeure partie de mon temps, rideaux fermées, derrière le clavier de
mon ordinateur ou dans d'obscurs bouquins quand je ne suis pas en
train de visionner des documentaires sur l'histoire, la philosophie, la
fabrication des archets de violon (en Auvergne, au XVe siècle) ou de
regarder des films de la glorieuse époque du noir et blanc. - Réalise-t-on,
vraiment, que neuf fois sur dix, je vais au restaurant, la plupart du
temps seul, et toujours avec un livre ? - La Place des arts ? J'y
suis allé deux ou trois fois dans les derniers cinq ans. - Au concert ?
J'ai assisté à exactement trois récitals au cours des derniers dix
ans. - Au cinéma ? Même chose : quatre ou cinq films au cours de la même
période. - Et je ne fréquente que trois ou quatre établissements (où
l'on sert de la nourriture et ce que je mentionnais ci dessus : des
breuvages distillés ou fermentés) où je m'assieds toujours à la même
place sans, la plupart du temps, ne dire que quelques mots aux serveurs
et serveuses.
Remarquez qu'il n'y a pas
si longtemps, jamais il me serait venu à l'idée que j'allais me rendre
à l'âge où je suis rendu - ça aussi, on ne prévoit pas - sauf que
j'ai appris récemment que, sans être immortel, il était plus que
probable que je sois encore là pour quelques années encore (mais dans
quel état !) car, comme tout le monde, j'obéis aux lois que la
statistique nous impose. Aussi, pour ne pas prendre de chances et rester
dans l'appart que j'occupe et où je sais que je vais m'ennuyer car ça
a déjà commencé, je préfère accorder à mon éventuel futur -
c'est-à-dire aux années qui me restent - une certaine attention.
Où j'en suis ?
J'ai en tête ce qui était,
il y a quelques mois déjà, un projet plus ou moins vague et qui se précise
de jour en jour. Il consiste à déménager hors du centre-ville et dans
un espace équivalent à à peu près la moitié de celui que j'occupe
depuis vingt ans (!) où se sont accumulées des inutilités sans
nombre. - Ceux à qui j'en ai parlé, sans en préciser les détails
m'ont tous dit les choses que j'ai citées dans le paragraphe précédent
et au début de cette chronique : que ce n'est pas mon genre, que je
n'aimerai pas où je veux allaer, que je ne suis pas fait pour ça et,
surtout, que je vais m'ennuyer. - Ajoutez à cela, "que ce suis
un homme de ville et que, loin de tout..."
À ce genre de remarques,
je suis habitué. Tenez :
Destiné au professorat
(sic), on m'a dit - à vingt ans déjà - que je faisais fausse route en
allant travailler dans une grosse boîte où j'allais être un numéro
et que je n'y resterais pas longtemps. J'y suis resté sept ans. Quand
je l'ai quitté pour me joindre à un autre plus petit, on m'a parlé
d'insécurité, d'incertitude, de tout sauf de ce qui me semblait de
prime importance à l'époque : d'indépendance. Dans cette «insécurité»,
je suis resté deux fois et demi plus longtemps. Et quand j'ai voulu,
après ce temps, voler de mes propres ailes, ça a été l'enfer. On me
voyait en faillite, avec des vêtements en loques, parmi ceux qui font
la queue pour la soupe du jour chez les Soeurs de la Miséricorde. Çette
misère a duré plus longtemps que les deux autres emplois précédents.
Que de fois j'ai pensé
à une boutade entendu dans un film - avec des dialogues d'Audiard
propablement - où un type accoudé à un zinc disait à un autre
(je cite de mémoire) ; «J'ai été enfant de coeur, employé de
bureau, pilier de bar et même été membre de la Légion étrangère
tout en étant un communiste convaincu. Ça vous donne une idée des
conneries que j'ai entendues dans la vie...»
J'en suis là et
nonobstant ce qu'on peut en penser, je sais que mon avenir sera heureux
sauf si je reste là où je suis.
Permettez que je me cite
?
6 février 2014 :
Parfois, il faut se rendre à l'évidence
: les gens - même nos plus proches - ne nous connaissent pas ou très
peu. - À cause, sans doute, de notre "personnalité
sociale" sur laquelle George [Gauvin] semblait insister le
mois dernier, me citant, citant Paul [Dubé] citant Proust... (Attendez
qu'on cite "Gauvin, citant Popp, citant Paul citant
Proust...")
Je vous en reparle aujourd'hui
parce que, avant hier, je repensais à Georges Smiley, que j'ai
mentionné dernièrement, et à qui John Le Carré fait dire, dans
je-ne-sais-plus quel roman, qu'il voulait, à la retraite, devenir un "inoffensif
excentrique". (*)
Je suis bien d'accord, comme me
suggérait, peu de temps après, un de mes amis [...] de
laisser tomber l'épithète "inoffensif", mais pour
l'excentricité, vous repasserez : je suis un excentrique de la pire
espèce et, lisant Copernique, le mois dernier, je me suis aperçu,
qu'avec son habitude de déjeuner (luncher) tous les jours au même
endroit, je n'étais pas le seul. D'ailleurs, ne le sommes-nous pas
tous un peu ?
Un aparté (ou
serait-ce une parenthèse ?) :
Oui, cher ami, je te promets que,
lorsque je me promènerai tout seul et que je marmonnerai, je n'aurai
pas un mégaphone.
(*)
De Paul :
La citation ci-dessus
[concernant l'excentricité] à laquelle se réfère Simon provient de
«Tinker, Taylor, Soldier, Spy" de le Carré qui fait dire
à George Smiley :
«I have been
reviewing my situation [...] and I have come to a very grave
decision. After a lifetime of living by my wits and on my memory, I
shall give myself up full time to the profession of forgetting. I'm
gonna put an end to some emotional attachments which have long
outlived their purposes [...] this house... my whole past. I
shall sell up and by a cottage in the Cotswold, I think - Steeple
Aston sounds about right - and there I shall establish myself as a
mild eccentric, discursive, withdrawn but possessing one or two
loveable habits such as muttering to myself as I bumble around some
innocent pavements.».
Qui se traduit à peu
près comme ceci :
«Ayant [récemment]
revu ma situation, j'ai pris une grave décision. J'ai décidé, après
avoir passé ma vie à vivre de mon intelligence et de ma mémoire,
de consacrer le reste de mes jours à me débarrasser de ces choses
auxquelles je suis resté attaché par habitude et qui ne
servent plus à rien depuis longtemps. Je vais vendre cette maison
et m'acheter une bicoque dans les Cotswold, aux environs de Steeple
Aston, et là, je vais me transformer en un inoffensif eccentrique
qui change d'idées constamment qui est reclu, mais qui possédera
deux ou trois charmantes habitudes comme celle de se parler tout
seul en arpentant des bouts de chemin sans intérêt.»
(Version filmée -
celle mettant en vedette Alec Guinness - et non celle du roman qui
diffère quelque peu.)
***
Ouais... je me dois des excuses
À tous eux dont j'ai
traités d'amnésiques, d'ignares et de stupides (mais pas nécessairement
dans cet ordre). je suis, cet hiver, tout aussi déconcerté que vous
avez pu l'être à l'époque où il m'arrivait encore de parler non pas
de climat, mais de température et plus particulièrement de météorologie.
- De grâce, quand même, avant de lire le reste, faites-moi la faveur
de consulter un peu à droite et à gauche pour savoir qu'il y a une
différence entre ce qu'on appelle le climat et ce qu'on appelle la température.
Ne faites pas comme les Trumpistes américains qui partiquent la
politique de l'autruche pour sauver six cents jobs de mineurs au
Minnesota.
Après, au fil des ans,
avoir pelleté deux pieds de partiellement nuageux, être resté pris
deux jours à Sept-Iles à cause d'une tempête de neige... au mois de
juin, après avoir connu une invasion de sauterelles (fin des années
quarante ?) et m'être promené en soulier verni la veille du Jour
de l'An, je dois, aujourd'hui, m'incliner devant tout ce qu'on a connu
(j'écris ceci, mi-février) depuis le début de décembre, à Montréal,
Province de Québec, au Canada, cet hiver. - Certains Parisiens, parmi
lesquels il doit exister des nonagénaires, me comprendront. Surtout
depuis qu'ils ont reçus, le huit ou neuf du mois courant, huit à dix
centimètres de neige. Eux, pauvres bougres qui n'ont jamais vu une
souffleuse de leur vie.
Par la même ocasion,
j'aimerais profiter de l'ocasion pour traiter...
D'ignares, de stupides,
de mal renseignés et de va-te-faire-voir-ailleurs, tous ceux qui
croient que nous sommes plus renseignés sur ce qui se passe dans le
monde d'aujourd'hui que nos arrières grands-parents pouvaient l'être
en 1900 grâce au journaux et à la qualité des journaux imprimés et
la radio et la télévision qui nous diffusent en direct tout ce qui se
passe sur notre planète.
Relisez, messieurs, dames
ce qu'on publiait à leur époque.
Simon
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Herméningilde Pérec
Encabaner
J'ai cherché par curiosité la source - l'éthymologie
- de ce verbe qui, au Québec, veut dire, dans sa forme pronominale
(s'encabané) «s'enfermer dans sa demeure» (cabane)... pour un temps plus ou
moins long à cause de la température extérieure et voici la définition
j'ai trouvé :
«Mettre des vers à soie sur des claies» (Littré )
Un canadianisme, que je me suis dit, mais non : grâce à
Wiktidico, j'ai appris que Daniel
Schneidermann, le journaliste français, l'a utilisé dans le sens qu'on
lui connaît d'«enfermer» («de s'enfermer») au cours de
son émission (?) le neuf heure quinze - à propos de La solution du
Chiffon (?) :
«Tesson fait partie de la famille. On ne va tout
de même pas encabaner papy, aujourd'hui à son âge.»
Quoiqu'il en soit, je suis
resté encabané pendant presque tout un mois récemment. De
la
mi-janvier à la mi-février. À cause de ce que Simon a appellé le mois
dernier «ce qui nous est tombé sur la tête».
Rien d'anormal
sauf qu'après quelques jours je me suis senti vieux. Surtout durant les périodes
d'accalmie, lorsque le mercure indiquait une température que tout Québécois
de souche considère confortable (alors qu'elle paralyserait des villes
comme Lyon ou Paris) et que le soleil se pointait durant quelques heures
et même, une fois, - je m'en souviens - deux jours , l'un après
l'autre. -
Les trottoirs étaient glacés et, tomber à mon âge, surtout avec les
deux ou trois kilos que j'ai en trop (un reliquat du temps des fêtes),
j'ai cru bon de ne pas m'aventurer dehors surtout que mon médecin m'a
interdit de me briser une jambe ou une hanche, chose qu'il considère «plus
de mon âge». Je me suis ennuyé à cause des
souvenirs qui me sont remontés en mémoire notamment celui où, jeune,
passer un samedi soir à la maison était une catastrophe. Plus tard,
j'ai appris que non seulement ce n'était pas une catastrophe, mais une véritable
bénédiction, mais ces samedis étaient beaucoup trop récents pour que
je m'en souvienne. - Mémoire à court terme, mémoire à long terme. - Début
d'Alzheimer ? - Non car on me dit qu'atteint de cette affreuse maladie,
on ne s'en aperçoit pas. Et comme m'a dit le même médecin, qui ne veut
pas que je me brise un membre, ne serait-ce qu'une petit bout d'un de mes
tibias (ou serait-ce mes péronnées ?), les tests qu'il m'a fait passer (à mon insu, dois-je ajouter ?)
se sont avérés négatifs de ce côté Curieux, ces «côtés».
J'ai une jambe légèrement atteinte de rhumatisme. l'autre pas. Et
pourtant elles ont le même âge. Allez comprendre pourquoi. - J'ai des
amis également, des ex-collègues. Tous de ma génération. Nous nous
voyons à l'occasion. Certains sont en fauteuil roulant (déjà) ;
d'autres ont peine à se tenir debout plus de cinq minutes. Et d'un autre
«côté», il y en a qu'on se demande pourquoi ils ne sont pas encore à
la retraite. On est vieux, me disait l'un d'entre eux
peu avant Noël, car parmi nos sujets de conversation, revient toujours
la santé. La santé et, comme je viens de le démontrer la mémoire. Il
n'en demeure pas moins que, compte tenu de notre état, nous sommes, même
vieux, heureux. Merci d'être là.
Herméningilde Pérec P.-S. : Je viens
de lire la chronique de Simon. - Il a raison : à son âge, j'aurais pensé
comme lui et aurais mieux planifié mon avenir. Ainsi, je ne me serais pas ennuyé
le mois dernier.
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Copernique Marshall
Chez le libraire
Je vieillis. J'en suis au point où je
connais plus les livres que la plupart des employés des grandes
librairies et, étant client d'Amazone-Kindle, je suis régulièrement étonné
des suggestions qu'on me fait au fur et à mesure que je récupère les
fichiers des livres que je veux lire. Il m'a suffit, par exemple, de télécharger
tout Proust et tout Balzac (au prix dérisoire de deux ou trois
dollars... chacun)
qu'on m'a suggéré au même prix tout Racine, tout Corneille, tout
Hugo, tout Tacite... - Idem, sauf pour le prix, en ce qui concerne les thrillers de le Carré ou les essais de
Hitchens. -
Et ces suggestions me sont faites par un programme informatique digne de
certains libraires.
Paraît que, pour les pièces musicales,
ce type de logiciel ne fonctionne pas très bien (chez Apple, en
particulier). Pour le moment, on en est revenu à des connaisseurs qui
planifient des listes en fonction de certains critères qu'eux seuls
connaissent. - Félicitations,
Apple ! Vous venez de réinventer la radio.
Ce qui m'amène à vous parler de la manière
que j'avais trouvée, il y a quelques années pour choisir mes livres et
dont je me sers toujours aujourd'hui. C'était
avant que je me dresse une liste d'auteurs à lire :
D'abord, je jette un coup d'oeil sur le comptoir des
livres à rabais. Nous ne sommes pas en France, ici, et les libraires ne
sont pas obligés de nous vendre leurs livres en bas d'un prix fixe sans le consentement de
l'auteur et, conséquemment, l'on trouve de tout à
des prix dérisoires. Et comme je lis rarement des livres en grande
demande...
Puis je regarde l'impression : la grosseur
des fontes, les marges, la longueur et l'espacement des lignes. Ensuite la forme ; si
le livre est divisé en chapitres, si, dans le cas d'un essai, il y a un
index ; si ces paragraphes ne dépassent pas une page ou même une demi-page
et si les chapitres sont de longueur égale. - Si je me suis permis de me
rendre jusque là, je lis les deux trois premières phrases et la fin du
premier chapitre et, si tout va bien, je jette un coup d'oeil sur la dernière
phrase du dernier chapitre. - Et là seulement, et seulement à ce moment là,
je décide si ça vaut la peine de passer à la caisse.
Hélas, quand il s'agit d'un des mes auteurs
favoris, je passe par dessus tout ce qui précède. - Raison pour laquelle
j'ai tant de livres qui ne servent à rien dans ma bibliothèque.
***
Du français à l'anglais
de l'Occident à l'Orient
Ce qui suit se veut une réponse partielle à Jeff qui, dans sa chronique d'aujourd'hui, parle de l'apprentissage
de la lecture et divers commentaires de Simon à propos de l'Occident et
de l'Orient qu'il souligne dans ses remarques sur un livre de Lao-tseu
concernant Tao-tö King préfacé par Étiemble qu'on retrouvera dans la
section ««Notes de lecture» de ce Castor™.
Vous excuserez ma concision et probablement la confusion
de ce qui suit mais il est minuit et je dois être à l'aéroport avant
six heures demain matin.
Jeff mentionne brièvement dans sa chronique que
le bilinguisme serait une source de problèmes semblables à ceux qu'éprouvent les jeunes qui font leurs premiers pas à l'école et qui
savent lire par rapport à ceux qui ne le savent pas, les premiers allant
peut-être trouver ennuyeux d'entendre leurs professeurs expliquer d'abord
ce qu'est un alphabète, la différence entre une consonne et une
voyelle, comment les deux se combinent, des syllabes et des
mots et comment ces mêmes mots finissent par former des phrases et
ainsi de suite.
Simon, lui, attire notre attention sur la méconnaissance
totale par les Occidentaux de l'approche orientale à la spiritualité et
à la philosophie et comment cette méconnaissance entraîne une incompréhension
importante de la part d'un individu né à l'Ouest qui, de ce fait doit, pour
en saisir le sens, se soumettre à un apprentissage qui est forcément inutile de la part
d'un autre qui, lui, est né en Orient.
Il s'agit là de deux problèmes analogues au niveau de
l'enseignement - et il est nécesaire que ceux dont c'est le métier
en en soit conscients - , mais des problèmes qui demandent des solutions différentes.
En revenant à celui de ceux qui savent lire et de ceux
qui ne le savent pas, il s'agit là d'une situation et non d'un véritable
problème et d'une situation qui peut se corriger facilement. Les étudiants
ou écoliers peuvent, par exemple, être divisés en deux groupes à
qui l'on soumet des travaux différents. Or ces deux groupes sont presque
identiques car ils n'en forment qu'un à la sortie des classes, la base de
leur langue étant la même. Bref : ce n'est qu'une question de temps
avant qu'un groupe rattrape l'autre au niveau de la lecture, les deux
utilisant, dans leur langage parlé, les mêmes expressions et le même
vocabulaire.
Il en est tout autre du bilinguisme (j'entends par là
un étudiant d'une langue qu'on veut éduquer dans une autre) et le
rapport Orient-Occident où la culture entre en jeu.
Un élève familier avec The Walrus and the
Carpenter de Lewis Carroll ne compendra pas une référence à Le
loup et le chien de la Fontaine et il aura, ainsi, non seulement à
apprendre une nouvelle langue, mais .également tout un bagage culturel
dont il ignore à peu près tout et c'est dans la communication entre ceux
qui ont été éduqués dans l'une ou l'autre culture que surgiront des
problèmes que la division en deux d'une même classe ne saurait régler.
Il en est de même pour ce qui est de la philosophie
orientale qui - permettez-moi de schématiser - vise la non-identité
alors que tout l'Ouest est marqué par l'individualisme, parfois à
outrance.
Les sources sont différentes et les chemins ou les
buts visés sont diférents sinon opposés ; d'où cette difficulté, cher
Jeff et cher Simon, que vous connaissez très bien et qui consiste à
exiger de part et d'autre un certain abandon de ce qui est son soi pour
en adopter un autre.
On peut, si je peux lire entre les lignes, devenir très
connaisseur, savant même, dans une langue différente, dans une culture
différente (j'insiste) et même une approche philosophique ou une
spiritualité opposée à la nôtre, mais je doute qu'on puisse appartenir
à deux groupes en même temps.
Je n'ai pas suivi la carrière d'Étiemble, mais à
lire ce que Paul en dit, il m'apparaît plus que probable qu'il soit
demeuré dans sa culture occidentale initiale d'où, peut-être, cette «savanterie» qui émerge (je me
fie sur Simon - Je n'ai pas lu) dans ses écrits
car, à ma connaissance, la culture orientale est faite de simplicité et
de raffinement dans son expression alors qu'en lisant le compte-rendu de
Paul, il semblerait que ce soit tout le contraire.
Espérant que ces lieux communs... etc.
Et excusez-moi encor une fois pour la
confusion, mais je vous avais averti : je dois être à l'aéroport avant
six heures demain matin.
Copernique
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Jeff Bollinger
L
M
Jeff
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Fawzi Malhasti
Morceau choisi
Épilogue
(Extrait d'un poème de Louis Aragon)
Cette vie aura passée comme un grand château triste que tous les
vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre
n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains
armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on ne peut plus
baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la
victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu
vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans
les yeux
Et ce qui l'en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que
pour eux le vent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur
quatre fois y battre
Quitte à en en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon
souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et
son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux
comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de
lassitude
Vous aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le
prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le plis des
habitudes
Bien sur vous me direz que c'est toujours comme
cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de
chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas
leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter
un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur
quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon
souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et
son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux
comme plâtre
Songez qu'on arrête jamais de se battre et
qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est
comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le
bien
Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le
soleil insensé de la victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés
Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de
l'histoire
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur
quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon
souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et
son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux
comme plâtre
Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour savoir en triompher. Le chant n'est pas moins beau quand il
décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans
les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est
l'ensemble des chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se
taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu'il
a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une
hypothèse
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur
quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon
souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et
son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux
comme plâtre
Fawzi
P.-S. : Ce poème a été mis en musique par Jean
Ferrat :
https://www.youtube.com/watch?v=RRVdZx9ABDU
(*)
(*) Cette page n'est
pas diffusée dans certains pays.
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De notre disc jockey - Paul Dubé
Country and... what ?
On posa un jour la question suivante à Thelonius
Monk : «Quels genres de musique écoutez-vous ?» Thelonius répondit
: « Tous les genres de musique.» - L'interviewer lui posa une
deuxième question : «Y compris le Country and Western ?»
- Thelonius se tourna alors vers son gérant et lui dit : «Est-ce
que le Monsieur est sourd ?»
Eh bien, voici :
De John Price et Steve Goodman - version David
Allan Coe.
You Never Even Call Me By My
Name
Cliquez sur la note : 
P.-S. : Pour, quand même, ceux qui
croient que la musique Country and Western est sans humour, je voudrais ajouter
qu'après avoir écouté la version originale (de Price et
Goodman), David Allan Coe leur a écrit pour leur dire que les
paroles de leur chanson étaient banales et qu'elles ne réflétaient
pas l'esprit Western. Aussi a-t-il ajouté un couplet supplémentaire
où tous les poncifs du genre furent réunis. Ce couplet se lit à peu
près comme ceci : «Le jour où, ivre au volant de mon
pickup, j'étais allé sous la pluie chercher ma mère qui
sortait de prison, elle fut happée par un train et elle est morte
avant que je n'arrive.», i.e. :
«Well I was drunk the day
my mom got out of prison and I went to pick her up in the rain
but before I could get to the station in my pick up truck she
got
runned over by a damned old train.»
***
Pour ceux cependant qui détestent ce genre
de musique, j'ai d'autre chose à vous proposer aujourd'hui. C'est rare,
curieux, tout à fait inattendu et c'est de nature à faire fuire 99% des ennuyeux qui
voudraient vous rendre visite.
C'est du compositeur polonais Krzysztof Eugeniusz Penderecki, né en
1933, un autre inconnu vous allez me dire, mais qui demeure l'auteur, entre autres, de 8 symphonies, 2 opéras et de
nombreuses musiques de chambre dont deux quatuors pour violons, alto et violoncelle dont je
voudrais vous faire entendre le premier, interprété par le
défunt quatuor Lasalle qui l'a créé en
1961 et enregistré en 1968 chez Deutsche Gramophone.
Attention : c'est très particulier et
les silences ne sont pas des erreurs. Ça ne dure heureusement que
sept minutes.
Et quel rapport avec ce quatuor et l'Helikopter-Streichquartett de
Stockhausen ? - Voir au début de ce présent numéro -. Aucun
sinon qu'ils sont tous les deux des expériences, ce dernier
devant simuler les quatre intrumentistes jouant, ensemble, leur
partition individuelle en tournoyant autour de l'auditeur...
Bonne écoute !
Cliquez sur la note : 
paul
Notes :
Pour nos suggestions et
enregistrements précédents, cliquez ICI.
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Lectures
Note :
Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.
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The Stranger in the Wood
Michael Finkel
Alfred A. Knof (Pengouin Random House) - 2017
(Disponible
en français sous le titre de " Le dernier ermite ",
traduit pas Johan Frederik Hel Guedj -
À la maison d'édition Lattès - 2017)
et
Tao-tö king par Lao-tseu
(Traduit du chinois par Liou Kia-Hway - Préface d'Étiemble)
NRF Gallimard - 1999
Le rapport entre ces deux livres ? -
Il y en a deux. Un, plutôt personnel, qui se résume assez facilement
: les deux m'ont été suggérés par la même pêrsonne. - L'autre
est que le premier fait plus ou moins référence directement au deuxième
ainsi qu'à d'autres du même genre.
Le premier :
Participant à une rencontre entre des
représentants du gouvernement américain venus offrir de l'aide à
divers écrivains britanniques refugiés aux USA au cours de la Deuxième
Grande Guerre, W. Somerset Maughan, le plus connus et le plus
lus d'entre eux, aurait répondu, avec son bégaiement légendaire :
«Oui, vous pouvez nous aider : fichez-nous la paix !» - Il
pouvait se le permettre, étant immensément riche, mais dans le cas
de Michael Finkel, l'auteur de la biographie de Christopher Thomas Knight
qui a passé 27 ans de sa
vie, seul, complètement coupé du monde au milieu des forêts de l'état
du Maine, il serait loisible de se demander, s'il n'aurait pas dû,
justement, ficher la paix à ce dernier qui a connu une destinée hors
du commun.
En bref, Christopher Thomas Knight décida,
à l'âge de vingt ans, sans avertir qui que ce soit, de se retirer du monde en entrant tout simplement
dans la nature sauvage du nord-est américain, près d'un petit
village et de deux «étangs» au beau milieu de nulle part,
mais où, dans les environs immédiats, se trouvaients des centaines
d'habitations, la plupart saisonnières, qu'il visita par la suite, régulièrement,
la nuit, pour y voler ce dont il avait de besoin :
de la nourriture, des vêtements, des ustensiles de cuisine, un
matelas, des batteries, des radios, un téléviseur, des réservoirs
de gaz propane etc. - Cela dura de 1986 à son arrestation, en train
de commettre son six ou sept centième cambriolage, en avril 2013 et son incarcération jusqu'en octobre
de la même année où il fut condamné à divers travaux
communautaires et autres obligations comme celle de demeurer à un
endroit précis, de trouver du travail, etc., la cour, appelée à juger son
cas, n'ayant pas trouvé d'autres peines qui eurent pu être adéquates
à cet individu hors du commun.
De là, via un semblant d'amitié,
Michael Finkel entra en contact avec lui et pendant deux, trois ans,
il a réuni suffisamment d'informations pour publier son «Stranger
in the Wood» où, oui, on peut percevoir un effort sérieux pour
comprendre le comportement de ce curieux ermite via des rencontre avec
les gens qui l'ont connu, ses nombreuses victimes, les avocats mêles
à son affaire, les policiers qui ont procédé à son arrestation, y
compris des médecins, des psychiatres,
des aide-sociaux susceptibles d'expliquer son retrait de la société
(autisme, syndrome d'Asperger, schizophrénie, etc.), mais rien de tout
cela ne nous laisse vraiment comprendre qui était (et qui est
toujours) Christopher Thomas Knight, aujourd'hui âgé de 52 ans et
qui vit depuis trois ans à nouveau parmi les membres de sa
famille et qui ne veut voir personne, y compris ce Michael à qui
il a demandé à plusieurs reprises de ne plus entrer en communication
avec lui et, finalement, de lui ficher la paix.
«Stranger in the Wood» est composé
de 28 chapitres, certains se suivant, d'autres étant des parenthèses
formées de diverses réflexions. - On peut les diviser en trois
groupes :
Un premier qui raconte la vie de Christopher Knight en tant qu'ermite, à commencer par les
circonstances qui ont mené à son arrestation.
Un deuxième qui consiste en des
informations sur sa vie avant son retrait de la société et ce qui
lui est arrivé pendant et après son arrestation.
Et un troisième composé de réflexions
diverses sur les sources probables de son comportement où s'entremèlent de
longues dissertations sur l'autisme, le syndrome d'Asperger, les
maladies mentales, la schizophrénie, l'effet de la solitude sur
l'homme en général, le tout accompagnées d'ennuyants appartés sur les ermites du Moyen-Âge, les monastères, divers cas
d'isolement tels que les soldats japonais qui sont restés plusieurs
années seuls sur de petites îles du Pacifique bien longtemps après
la fin de la guerre, le dernier membre d'une tribu amazonienne qui a
toujours refusé tout contact avec le reste du monde, la médiation
orientale dont, trois allusions et même références distinctes au livre de Tao-tö king
(par Lao-tseu), sujet de la deuxième partie de cette chronique.
Somme toute, nous avons trouvé que le
premier de ces volets était la partie la plus intéressante de
l'ensemble sans doute parce qu'elle s'apparentait à l'inoubliable
récit du naufragé Robinson Crusoë.
Le deuxième est sans intérêt. On y
relate des faits qui n'offrent aucune explication sur la décision de
Christopher Knight de se retirer du monde et la plupart des
informations qu'on y retrouve concernant les racontars et mésaventures
des victimes de ses cambriolages sont tout à fait inutiles.
Finalement, le troisième volet n'est
qu'une suite sans fin de lieux communs et de réflexions
pseudo-philosophiques. qui ont sans doute attiré l'attention de
celui qui nous a suggéré de lire ce Tao-tö king que
nous venons de mentionner.
The Stranger in the Woods ou Le
dernier ermite aurait pu faire l'objet d'une courte nouvelle (a short
story) qui se serait terminé avec des questions laissées sans réponse
car un Christopher Thomas Knight, ça ne s'explique pas ; ça se
constate, un point, c'est out.
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Christopher Thomas Knight
lors de sa comparution en cour
le 28 octobre 2013
Passons maintenant au Tao-tö King de Lao-tseu :
En décembre
2016, parlant de
«De l'âme» de François Cheng, Paul Dubé disait que ce [genre de livre] était
«destiné à un public qui n'avait
aucune raison de le lire sauf par des lecteurs qui voudraient se rassurer
qu'ils sont dans
la bonne voie et d'autres qui ne le liront pas, mais qui devraient». - J'ai
eu la même impression, en février 2017, en
lisant «La
source que je cherche» de Lytta Basset...
«lisant ?»... une façon de parler : j'ai beaucoup de difficultés à me
pencher sur ce genre d'écriture qu'on ne saurait classer adéquatement.
S'agit-il de philosophie, de spiritualité, de réflexions sur le sens
de la vie ?
Sur Le phénomène
humain de Teilhard de Chardin, Copernique citait, le
mois dernier, son plus ardent critique en la personne de Peter
Brian Medawar :
«J'ai lu et étudié Le phénomène
humain
avec une réelle détresse, même avec le désespoir. Au lieu de nous
tordre les mains sur la situation humaine, nous devons nous occuper de ces parties qui sont entièrement remédiables, surtout à la crédulité qui permet aux gens d'être pris par un tel sac de trucs comme celui-ci. Si c'était une crédulité innocente, passive, elle serait excusable; hélas, c'est une volonté active d'être trompé.»
Évidemment, on ne peut pas accuser
tous les écrivains - qui se permettent de philosopher ou d'expliquer à
tous et chacun le sens de la vie - d'essayer de berner leur public.
Certains sont très sincères, mais la sincérité ne mène pas nécessairement
à la vérité et il est évident que les voies vers la vérité des
uns ne peuvent pas être les voies vers la vérité des autres, et c'est
de cette façon que j'approche tous les livres qui se veulent une
solution à l'incompréhensibilité de la vie et c'est ainsi, en
particulier, que je lis, avec un grand scepticisme, tous les livres,
orientaux ou non, dont le contenu est formé d'aphorismes, de phrases à
triple sens ou de conseils si déguisés qu'on ne sait si c'en sont.
Que dire, dans ces conditions d'un
livre comme celui de Lao-Tseu qui observent toutes le règles du genre
? - On en lit un passage. on en tire une pensée qui a beaucoup de sens
puis, quelques pages plus loin, cette pensée est remplacée par une
autre, de quoi se demander si on a bien compris le passage précédent. -
La Bible, dans son ensemble, fonctionne de cette façon. - D'où la
quantité terrifiante d'éxégètes qui se sont penchés sur ce genre
de textes. Et qui se sont contredits et continuent de se contredire deux
mille ans plus tard.
Autre chose : ne comptez pas sur Étiemble
pour vous guider. Sa savante préface n'est qu'une explication de plus
sur celle de ses prédécesseurs et on y fait référence à d'autres
volumes tout aussi édifiants et sans doute plus obscurs.
Conclusion :
À lire des livres comme ce Tao-tö
king qui exige une connaissance approfondie de la pensée orientale, en
Occidentaux que nous sommes, pourquoi ne préférerions-nous pas La
Rochefoucauld qui a écrit autant de pensées tout aussi vagues et
discontinues (et qu'on peut retourner dans tous les sens) ? Ou mieux,
encore, les fables de La Fontaine qui ont le mérite au moins d'être
admirablement bien écrites.
Simon
P.-S. : Mais tandis que j'en suis là, voici d'autres livres que je ne lirai pas :
(Je suis gentil, je vous ai digitaliser les deux côtés de leur couverture.
Pour un agrandissement, vous n'avez qu'à cliquer sur chacune des photos.)
***
Narcisse et Goldmund
(Traduit de l'allemand par Fernand Delmas)
Herman Hesse
Calmann-Lévy 1948
J'ai parlé de ce livre en
août dernier soulignant que je n'étais pas friand de la littérature
allemande à cause de la trop grande difficulté que j'avais avec la
langue... allemande, difficulté que j'attribuais à mon peu de
connaissances de sa structure, de son vocabulaire et de sa stylistique qui,
évidemment, n'ont rien en commun avec les langues romanes que je
connais et même avec les langues anglaises (car il en existe plusieurs). Et j'ai ajouté
que, peut-être, je n'avais pas encore connu de bons traducteurs
allemand-français.
Et voilà, j'ai lu, avec beaucoup
d'attention quand même ce Narcisse et Goldmund parce qu'un ami
m'en avait vanté au plus au point ses qualités. Cela m'a pris
plusieurs semaines, comme vous avez pu le constater, attiré que j'ai
été entre temps par d'autres écrits plus compatibles avec mes goûts
et mon caractère. Et vous savez quoi ? Je n'ai pas changé d'idée :
la littérature allemande et moi ne feront jamais bon ménage. Et
encore pire : j'ai trouvé ce livre d'un prodigieux ennui.
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Outre la langue sur laquelle je ne
reviendrai pas, je n'ai pas compris qu'on puisse se servir d'un fond
moyen-âgeux et de deux personnages qui empruntent des chemins différents
pour écrire ce qui visiblement est un essai (au sens de «forme littéraire»)
sur le sens de la vie en démontrant que deux points de vue complètement
différents peuvent, en étant confrontés l'un à l'autre, être non
mutuellement contradictoires et amener celui qui les confronte à un
certain enrichissement.
Pourquoi ne pas écrire tout simplement un véritable essai ?
Peut-être que Herman Hesse a voulu, à
travers un roman, rejoindre un public qui n'est pas familier avec ce
style de littérature, mais il semble avoir oublié qu'on ne peut pas
traiter en détails des sujets comme l'art ou la spiritualité au
moyen de récits plus ou moins imagés sinon sommairement. Que cela
puisse encourager ses lecteurs à pousser plus loin ses recherches
demeurent à être prouvé.
Mon avis est qu'il ne faut plus que
je lise ce genre de livres qui, du point de vue littéraire, n'ont pas
l'attrait que la littérature - la véritable littérature - a sur mon
pauvre cerveau trop habitué à lire comment on écrit sur un sujet
que par le sujet en lui-même ou des essais déguisés en romans où
tout est traité - je dis le mot ? - superficiellement.
Attention hein : je ne dis pas que Narcisse
et Golmund est un livre sans intérêt, mal écrit et inutile, je
dis que je ne peux pas m'habituer à ces styles d'écriture.
Simon
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L'extrait du mois
L'abbé Dubois par
Saint-Simon
(Comme le souligne Marie-Paule de
Weerdt-Pilorge dans son «Tout Saint-Simon» [Bouquins - Robert
Laffont- 2017] - voir à la fin - Saint-Simon, pour plusieurs raisons, a une dent contre Guillaume
Dubois, abbé puis cardinal [1656-1720]. - Dubois, au terme d'une
irrésistible ascension, a réussi à passer d'un état proche du néant
- valet répétiteur de latin du duc de Chartres - à une situation
dominante absolue : cardinal puis Premier ministre du Régent. - Dubois
lui a également volé l'affection et la confiance du duc d'Orléans
et... il est également fou.)
L’abbé Dubois étoit un petit homme maigre, effilé, chafouin, à perruque blonde, à mine de fouine, à physionomie d’esprit, qui étoit en plein ce qu’un mauvais françois appelle un sacre
[oiseau de proie], mais qui ne se peut guère exprimer autrement. Tous les vices combattoient en lui à qui en demeureroit le maître. Ils y faisoient un bruit et un combat continuel entre eux. L’avarice, la débauche, l’ambition étoient ses dieux ; la perfidie, la flatterie, les
servages [la flagornerie], ses moyens ; l’impiété parfaite, son repos ; et l’opinion que la probité et l’honnêteté sont des chimères dont on se pare, et qui n’ont de réalité dans personne, son principe, en conséquence duquel tous moyens lui étoient bons.
Il excelloit en basses intrigues, il en vivoit, il ne pouvoit s’en passer, mais toujours avec un but où toutes ses démarches tendoient, avec une patience qui n’avoit de terme que le succès, ou la démonstration réitérée de n’y pouvoir arriver, à moins que, cheminant ainsi dans la profondeur et les ténèbres, il ne vit jour à mieux en ouvrant un autre boyau. Il passoit ainsi sa vie dans les sapes [tranchées que l'on creuse devant un mur pour le faire tomber],.
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Guillaume Dubois
(Source : Wikipedie)
Le mensonge le plus hardi lui étoit tourné en nature avec un air simple, droit, sincère, souvent honteux. Il auroit parlé avec grâce et facilité, si, dans le dessein de pénétrer les autres en parlant, la crainte de s’avancer plus qu’il ne vouloit ne l’avoit accoutumé à un bégayement factice qui le déparoit, et qui, redoublé quand il fut arrivé à se mêler de choses importantes, devint insupportable, et quelquefois inintelligible. Sans ses contours et le peu de naturel qui perçoit malgré ses soins, sa conversation auroit été aimable.
Il avoit de l’esprit, assez de lettres, d’histoire et de lecture, beaucoup de monde, force envie de plaire et de s’insinuer, mais tout cela gâté par une fumée de fausseté qui sortoit malgré lui de tous ses pores et jusque de sa gaieté, qui attristoit par là. Méchant d’ailleurs avec réflexion et par nature, et, par raisonnement, traître et ingrat, maître expert aux compositions des plus grandes noirceurs, effronté à faire peur étant pris sur le fait ; désirant tout, enviant tout, et voulant toutes les dépouilles. On connut après, dès qu’il osa ne se plus contraindre, à quel point il étoit intéressé, débauché, inconséquent, ignorant en toute affaire, passionné toujours, emporté, blasphémateur et fou, et jusqu’à quel point il méprisa publiquement son maître et l’État, le monde sans exception et les affaires, pour les sacrifier à soi tous et toutes, à son crédit, à sa puissance, à son autorité absolue, à sa grandeur, à son avarice, à ses frayeurs, à ses vengeances. Tel fut le sage à qui Monsieur confia les mœurs de son fils unique à former, par le conseil de deux hommes qui ne les avoient pas meilleures, et qui en avoient bien fait leurs preuves.
***
À propos d'un livre de Marie-Paule de
Weerdt-Pilorge :
Pour ceux qui se disent incapables
d'aborder les 4,000 ou 5,000 pages des Mémoires de Saint-Simon,
les 1,000 pages du Tout Saint-Simon sous la direction de Marie-Paule de
Weerdt-Pilorge paru en novembre dernier dans la collection Bouquins
(Robert Laffont) est une bonne façon d'aborder le plus grand
chroniqueur-mémorialiste que la littérature française ait produit. -
Sous la forme d'un dictionnaire, Madame Weerdt-Pilorge, avec la
collaboration de Marc Hersan, François Ravier et plusieurs autres nous
présente
l'univers dans lequel Saint-Simon a vécu, les principaux personnages qu'il a
croisés, les faits saillants de ce qu'il a vu, entendu et auxquels il fut
mêlé tout en dressant un tableau extraordinaire de son époque.
L'on sait que Saint-Simon excellait
dans ses descriptions et portraits et plutôt que d'avoir à chercher
constamment dans son oeuvre les plus représentatifs exemples de son
style et les plus vitrioliques de ses croquis ou tableaux, ce livre
permet de retrouver facilement une bonne partie de l'essentiel de ses
Mémoires avec des rubriques qui vont du cardinal Alberoni à Vauban
en passant par les bâtards de Louis XIV, la princesse de Conti, le
cardinal Dubois (ci-dessus), les grands d'Espagne, Fénélon, les
guerres, le duc d'Harcourt, La Rochefoucauld, la marquise de
Maintenon, le Palais-Royal, etc., etc.

Nul besoin de se munir d'arbres généalogiques
ou de chercher dans des dictionnaires du 17e siècle la signification
de mots disparus, ce volume, comme dit son sommaire, rassemble les
meilleures séquences du vaste tableau de moeurs laissé par
Saint-Simon, classées par thèmes, accompagnés de longs extraits
choisis et commentés par de grands spécialistes.
Le meilleur livre sur Saint-Simon que
j'ai lu depuis la parution chez Seuil de Saint-Simon par lui-même de
François-Régis Bastide en 1967.
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On pourra en lire
un peu plus chez
Fabula à l'adresse qui suit :
Fabula
- Tout Saint-Simon
Simon

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Le courrier
Herr Martin Maurer - Rohrbach, Deutschland
Non, Herr Maurer, pas OPEC ni OPEP : Hope Hicks,
l'ex-directrice des communications du Président Trump..
Mr. Emil C. Nygaard - Palmetston North,
Nouvelle-Zélande
Vous devez sans doute faire référence à
Misakao
Shitake, celui connu dans le monde occidental sous le nom de «forçat
du haîku» ou de la «machine à fabriquer des haîkus».
M. Javier Lesage - Calgary, Alberta
«Applaudir après la fin d'un film dans un cinéma
est l'équivalent de donner un pourboire à une poupée gonflable.»
(Bill Maher)
M. Gabriel Hale - Punyelroo, Australie
Immigrer aux USA ? - Vérifiez vos statistiques. - le
salaire moyen d'une famille est présentement, aux États-Unis, de 51.000
$ (US) par année - l'équivalent de 64,000 $ australiens ou 40,000
Euros (après taxes) - et sans auto, sans câble (TV), sans vacances
et sans animal domestique, cette famille accumule une dette de 50 $ par
mois.
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Dédicace
Cette
édition du Castor est dédiée à :
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Sir Ernest Henry Shackleton
(1874-1922)
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Le mot de la
fin
«Tant va la cruche à l'eau qu'enfin la caravane passe.»
G. Pellerin.
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Autres sites à
consulter

Webmestre : France L'Heureux

Webmestre : Éric Lortie
Webmestres : Paul Dubé et Jacques Marchioro
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Notes et autres avis
Clauses et conventions :
Le Castor™ de
Napierville est le fruit de plusieurs interventions de la part d'une
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Viennent ensuite
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mois.
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Si le Castor™ de
Napierville a un siège social, il n'a pas de salle de rédaction et
compte tenu de la situation géographique de chacun de ses
collaborateurs, tout le ci-dessus processus se déroule in auditorium
c'est-à-dire en présence du public via l'Internet.
Nous prions nos lecteurs,
etc.
Historique :
Fondé en 1900 par le Grand Marshall, le CASTOR DE NAPIERVILLE fut, à l'origine, un hebdomadaire et vespéral organe créé pour la défense des intérêts de l'Université de Napierville et de son quartier. - Il est, depuis le 30 septembre 2002, publié sous le présent électronique format afin de tenir la fine et intelligente masse de ses internautes lecteurs au courant des dernières nouvelles concernant cette communauté d'esprit et de fait qu'est devenu au fil des années le site de l'UdeNap, le seul, unique et officiel site de l'Université de Napierville.
De cet hebdomadaire publié sur les électroniques presses de la Vatfair-Fair Broadcasting Corporation grâce à une subvention du Ministère des Arts et de la Culture du Caraguay, il est tiré, le premier lundi de chaque mois, sept exemplaires numérotés de I à VII, sur papier alfa cellunaf et sur offset ivoire des papeteries de la Gazette de Saint-Romuald-d'Etchemin et trois exemplaires, numéroté de 1 à 3, sur offset de luxe des papeteries Bontemps constituant l'édition originale, plus trois exemplaires de luxe (quadrichromes) réservés au Professeur Marshall, à Madame France DesRoches et à Madame Jean-Claude Briallis, les deux du Mensuel Varois Illustré.
Autres informations :
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