Vol. XXVIII,  n° 7 Le seul hebdomadaire de la région publié une fois par mois Le lundi 5 mars 2018

Un rappel :

4 mars 1971

"Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus... 
 Vous êtes ma jeunesse lointaine...
"  (Courteline)

 

 

 


Ce numéro : 

Simon Pop pense à son avenir et au climat. Pour le climat, il serait difficile de l'en empêcher : il était là, lui, le 4 mars 1971 - photo ci-dessus -. il y a 47 ans (plus un jour) et il tient à rappeler à la masse si fine et si intelligente de nos lecteurs de ne pas se réjouir trop vite de la température relativement clémente de ces derniers jours. - L'hiver ne se termine officiellement que le 21 courant et officieusement entre la mi-mars et la mi-avril

Monsieur Pérec, se décabanisant, nous remercie d'être là.

Paul est au Country and Western, mais également à un quatuor encore plus inusité que l'Helikopter-Streichquartett de Stockhausen dont il nous a déjà parlé et qui n'a été joué et enregistré qu'une seule fois, en 1993 par le Elysian Quartet à bord de quatre hélicoptères et que vous pourrez écouter sur you Tube en tapant tout simplement «stockhausen string quartet». 

Jeff nous entretient sur ce qu'il comprend de la lecture et plus précisément de son apprentissage et des problèmes particuliers que cet apprentissage lui pose quant à l'éducationnement de ses enfants.

Copernique semble avoir passé le dernier mois chez son libraire et être occupé sans bon sens quoique à la dernière minute... vous verrez.

Tout ça plus la revue d'un livre sur un... ermite... un autre sur le... taoisme et un troisième dont l'auteur est Hermann Hesse.

On vous cite également et on vous parle de Saint-Simon.

Un des grands poèmes d'Aragon est également joint.

Et nous sommes certain d'en avoir oublier des bouts.

Ah oui :

Georges... euh Georges... ben... Georges !

Bonne lecture à tous et à toutes

La direction

          


Chroniques


 

Pour les chroniques précédentes de nos correspondants cliquez sur ce lien .
      Simon Popp

Les autres

Deux choses :

Quand on me dit "Ce n'est pas ton genre...", "Tu n'aimeras pas...", "Tu n'est pas fait pour...", "Tu vas t'ennuyer...", etc., etc., c'est-à-dire qu'on me laisse sous-entendre que non seulement je ne me connais pas, mais qu'on me connaît au point où l'on peut savoir à l'avance ce que je vais penser ou comment je vais réagir dans certaines situations,  j'en arrive à me demander si ce que je pense, moi, des goûts des autres n'est pas tout aussi tordu et irréaliste. - Faut dire que l'on vit dans sa peau et non pas dans celles des autres.

Dans le même ordre d'idées, il est rare que je pense à ce que les autres peuvent penser de mon auguste personne. Personnellement, même à mes plus proches amis, il m'arrive rarement de penser et je me dis qu'ils doivent faire exactement la même chose.

D'où :

Dans le premier cas, je me fis non pas à ce que les autres me disent, mais à ce que je suis convaincu d'être en me basant - et c'est là où je les surpasse en exactitude et en profondeur - sur mon expérience et mes habitudes de vie. - Et dans le deuxième, je me fiche et me suis toujours fiché de ce que l'on peut ou pouvait penser de moi sauf quand, dans le passé, leurs rélexions pouvaient affecter directement ou indirectement mon avenir. Dans ma carrière, par exemple.

J'avance, ce matin, ces deux points parce que je songe de plus en plus à demain, à mes lendemains, à mon avenir et ce qu'on m'en dit ou plus particulièrement ce qu'on me prévoit qui me semble de plus en plus en contradiction avec ce que j'en pense.

Je sais fort bien, par exemple, qu'éventuellement je ne pourrai pas vivre dans l'environnement où je vis présentement alors qu'on me dit que jamais je pourrai m'en débarraser ; de passer du centre-ville et à sa proximité de son quartier des spectacles, de ses bibliothèques, libraires, cinémas et, tant qu'à y être, de ses restaurants et endoits l'où sert des boissons distillées et fermentées. - C'est que l'on ne sait pas, ce que l'on ne voit pas, ce qu'on refuse de constater, c'est que, dans mon appartement, avec vue sur l'hôtel de ville, l'UQAM et la Place Ville-Marie, je passe la  majeure partie de mon temps, rideaux fermées, derrière le clavier de mon ordinateur ou dans d'obscurs bouquins quand  je ne suis pas en train de visionner des documentaires sur l'histoire, la philosophie, la fabrication des archets de violon (en Auvergne, au XVe siècle) ou de regarder des films de la glorieuse époque du noir et blanc. - Réalise-t-on, vraiment, que neuf fois sur dix, je vais au restaurant, la plupart du temps seul, et toujours avec un livre ?  - La Place des arts ? J'y suis allé deux ou trois fois dans les derniers cinq ans. - Au concert ? J'ai assisté à exactement trois récitals au cours des derniers dix ans. - Au cinéma ? Même chose : quatre ou cinq films au cours de la même période. - Et je ne fréquente que trois ou quatre établissements (où l'on sert de la nourriture et ce que je mentionnais ci dessus : des breuvages distillés ou fermentés) où je m'assieds toujours à la même place sans, la plupart du temps, ne dire que quelques mots aux serveurs et serveuses.

Remarquez qu'il n'y a pas si longtemps, jamais il me serait venu à l'idée que j'allais me rendre à l'âge où je suis rendu - ça aussi, on ne prévoit pas - sauf que j'ai appris récemment que, sans être immortel, il était plus que probable que je sois encore là pour quelques années encore (mais dans quel état !) car, comme tout le monde, j'obéis aux lois que la statistique nous impose. Aussi, pour ne pas prendre de chances et rester dans l'appart que j'occupe et où je sais que je vais m'ennuyer car ça a déjà commencé, je préfère accorder à mon éventuel futur - c'est-à-dire aux années qui me restent - une certaine attention.

Où j'en suis ?

J'ai en tête ce qui était, il y a quelques mois déjà, un projet plus ou moins vague et qui se précise de jour en jour. Il consiste à déménager hors du centre-ville et dans un espace équivalent à à peu près la moitié de celui que j'occupe depuis vingt ans (!) où se sont accumulées des inutilités sans nombre. - Ceux à qui j'en ai parlé, sans en préciser les détails  m'ont tous dit les choses que j'ai citées dans le paragraphe précédent et au début de cette chronique : que ce n'est pas mon genre, que je n'aimerai pas où je veux allaer, que je ne suis pas fait pour ça et, surtout, que je vais m'ennuyer. - Ajoutez à cela, "que ce suis un homme de ville et que, loin de tout..."

À ce genre de remarques, je suis habitué. Tenez :

Destiné au professorat (sic), on m'a dit - à vingt ans déjà - que je faisais fausse route en allant travailler dans une grosse boîte où j'allais être un numéro et que je n'y resterais pas longtemps. J'y suis resté sept ans. Quand je l'ai quitté pour me joindre à un autre plus petit, on m'a parlé d'insécurité, d'incertitude, de tout sauf de ce qui me semblait de prime importance à l'époque : d'indépendance. Dans cette «insécurité», je suis resté deux fois et demi plus longtemps. Et quand j'ai voulu, après ce temps, voler de mes propres ailes, ça a été l'enfer. On me voyait en faillite, avec des vêtements en loques, parmi ceux qui font la queue pour la soupe du jour chez les Soeurs de la Miséricorde. Çette misère a duré plus longtemps que les deux autres emplois précédents.

Que de fois j'ai pensé à une boutade entendu dans un film - avec des dialogues d'Audiard propablement  - où un type accoudé à un zinc disait à un autre (je cite de mémoire) ; «J'ai été enfant de coeur, employé de bureau, pilier de bar et même été membre de la Légion étrangère tout en étant un communiste convaincu. Ça vous donne une idée des conneries que j'ai entendues dans la vie...»

J'en suis là et nonobstant ce qu'on peut en penser, je sais que mon avenir sera heureux sauf si je reste là où je suis.

Permettez que je me cite ?

6 février 2014 :

Parfois, il faut se rendre à l'évidence : les gens - même nos plus proches - ne nous connaissent pas ou très peu. - À cause, sans doute, de notre "personnalité sociale" sur laquelle George [Gauvin] semblait insister le mois dernier, me citant, citant Paul [Dubé] citant Proust... (Attendez qu'on cite "Gauvin, citant Popp, citant Paul citant Proust...")

Je vous en reparle aujourd'hui parce que, avant hier, je repensais à Georges Smiley, que j'ai mentionné dernièrement, et à qui John Le Carré fait dire, dans je-ne-sais-plus quel roman, qu'il voulait, à la retraite, devenir un "inoffensif excentrique". (*)

Je suis bien d'accord, comme me suggérait, peu de temps après, un de mes amis [...] de laisser tomber l'épithète "inoffensif", mais pour l'excentricité, vous repasserez : je suis un excentrique de la pire espèce et, lisant Copernique, le mois dernier, je me suis aperçu, qu'avec son habitude de déjeuner (luncher) tous les jours au même endroit, je n'étais pas le seul. D'ailleurs, ne le sommes-nous pas tous un peu ?

Un aparté (ou serait-ce une parenthèse ?) :

Oui, cher ami, je te promets que, lorsque je me promènerai tout seul et que je marmonnerai, je n'aurai pas un mégaphone.

(*) De Paul :

La citation ci-dessus [concernant l'excentricité] à laquelle se réfère Simon provient de «Tinker, Taylor, Soldier, Spy" de le Carré qui fait dire à George Smiley :

«I have been reviewing my situation [...] and I have come to a very grave decision. After a lifetime of living by my wits and on my memory, I shall give myself up full time to the profession of forgetting. I'm gonna put an end to some emotional attachments which have long outlived their purposes [...] this house... my whole past. I shall sell up and by a cottage in the Cotswold, I think - Steeple Aston sounds about right - and there I shall establish myself as a mild eccentric, discursive, withdrawn but possessing one or two loveable habits such as muttering to myself as I bumble around some innocent pavements.».

Qui se traduit à peu près comme ceci :

«Ayant [récemment] revu ma situation, j'ai pris une grave décision. J'ai décidé, après avoir passé ma vie à vivre de mon intelligence et de ma mémoire, de consacrer le reste de mes jours à me débarrasser de ces choses auxquelles je suis resté attaché par habitude et  qui ne servent plus à rien depuis longtemps. Je vais vendre cette maison et m'acheter une bicoque dans les Cotswold, aux environs de Steeple Aston, et là, je vais me transformer en un inoffensif eccentrique qui change d'idées constamment qui est reclu, mais qui possédera deux ou trois charmantes habitudes comme celle de se parler tout seul en arpentant des bouts de chemin sans intérêt.»

(Version filmée - celle mettant en vedette Alec Guinness - et non celle du roman qui diffère quelque peu.)

 ***

Ouais... je me dois des excuses

À tous eux dont j'ai traités d'amnésiques, d'ignares et de stupides (mais pas nécessairement dans cet ordre). je suis, cet hiver, tout aussi déconcerté que vous avez pu l'être à l'époque où il m'arrivait encore de parler non pas de climat, mais de température et plus particulièrement de météorologie. - De grâce, quand même, avant de lire le reste, faites-moi la faveur de consulter un peu à droite et à gauche pour savoir qu'il y a une différence entre ce qu'on appelle le climat et ce qu'on appelle la température. Ne faites pas comme les Trumpistes américains qui partiquent la politique de l'autruche pour sauver six cents jobs de mineurs au Minnesota.

Après, au fil des ans, avoir pelleté deux pieds de partiellement nuageux, être resté pris deux jours à Sept-Iles à cause d'une tempête de neige... au mois de juin, après avoir connu une invasion de sauterelles (fin des années quarante ?) et m'être promené en soulier verni la veille du Jour de l'An, je dois, aujourd'hui, m'incliner devant tout ce qu'on a connu (j'écris ceci, mi-février) depuis le début de décembre, à Montréal, Province de Québec, au Canada, cet hiver. - Certains Parisiens, parmi lesquels il doit exister des nonagénaires, me comprendront. Surtout depuis qu'ils ont reçus, le huit ou neuf du mois courant, huit à dix centimètres de neige. Eux, pauvres bougres qui n'ont jamais vu une souffleuse de leur vie.

Par la même ocasion, j'aimerais profiter de l'ocasion pour traiter...

D'ignares, de stupides, de mal renseignés et de va-te-faire-voir-ailleurs, tous ceux qui croient que nous sommes plus renseignés sur ce qui se passe dans le monde d'aujourd'hui que nos arrières grands-parents pouvaient l'être en 1900 grâce au journaux et à la qualité des journaux imprimés et la radio et la télévision qui nous diffusent en direct tout ce qui se passe sur notre planète.

Relisez, messieurs, dames ce qu'on publiait à leur époque.

Simon

      Herméningilde Pérec


Encabaner

J'ai cherché par curiosité la source - l'éthymologie - de ce verbe qui, au Québec, veut dire, dans sa forme pronominale (s'encabané) «s'enfermer dans sa demeure» (cabane)... pour un temps plus ou moins long à cause de la température extérieure et voici la définition j'ai trouvé :

«Mettre des vers à soie sur des claies» (Littré )

Un canadianisme, que je me suis dit, mais non : grâce à Wiktidico, j'ai appris que Daniel Schneidermann, le journaliste français, l'a utilisé dans le sens qu'on lui connaît d'«enfermer» («de s'enfermer») au cours de son émission (?) le neuf heure quinze - à propos de La solution du Chiffon (?) : 

«Tesson fait partie de la famille. On ne va tout de même pas encabaner papy, aujourd'hui à son âge.»

Quoiqu'il en soit, je suis resté encabané pendant presque tout un mois récemment. De  la mi-janvier à la mi-février. À cause de ce que Simon a appellé le mois dernier «ce qui nous est tombé sur la tête». 

Rien d'anormal sauf qu'après quelques jours je me suis senti vieux. Surtout durant les périodes d'accalmie, lorsque le mercure indiquait une température que tout Québécois de souche considère confortable (alors qu'elle paralyserait des villes comme Lyon ou Paris) et que le soleil se pointait durant quelques heures et même, une fois,  - je m'en souviens - deux jours , l'un après l'autre. - Les trottoirs étaient glacés et,  tomber à mon âge, surtout avec les deux ou trois kilos que j'ai en trop (un reliquat du temps des fêtes), j'ai cru bon de ne pas m'aventurer dehors surtout que mon médecin m'a interdit de me briser une jambe ou une hanche, chose qu'il considère «plus de mon âge».

Je me suis ennuyé à cause des souvenirs qui me sont remontés en mémoire notamment celui où, jeune, passer un samedi soir à la maison était une catastrophe. Plus tard, j'ai appris que non seulement ce n'était pas une catastrophe, mais une véritable bénédiction, mais ces samedis étaient beaucoup trop récents pour que je m'en souvienne. - Mémoire à court terme, mémoire à long terme. - Début d'Alzheimer ? - Non car on me dit qu'atteint de cette affreuse maladie, on ne s'en aperçoit pas. Et comme m'a dit le même médecin, qui ne veut pas que je me brise un membre, ne serait-ce qu'une petit bout d'un de mes tibias (ou serait-ce mes péronnées ?), les tests qu'il m'a fait passer (à mon insu, dois-je ajouter ?) se sont avérés négatifs de ce côté

Curieux, ces «côtés». J'ai une jambe légèrement atteinte de rhumatisme. l'autre pas. Et pourtant elles ont le même âge. Allez comprendre pourquoi. - J'ai des amis également, des ex-collègues. Tous de ma génération. Nous nous voyons à l'occasion. Certains sont en fauteuil roulant (déjà) ; d'autres ont peine à se tenir debout plus de cinq minutes. Et d'un autre «côté», il y en a qu'on se demande pourquoi ils ne sont pas encore à la retraite.

On est vieux, me disait l'un d'entre eux peu avant Noël, car parmi nos sujets de conversation, revient toujours la santé. La santé et, comme je viens de le démontrer la mémoire.

Il n'en demeure pas moins que, compte tenu de notre état, nous sommes, même vieux, heureux.

Merci d'être là.

Herméningilde Pérec

P.-S. : Je viens de lire la chronique de Simon. - Il a raison : à son âge, j'aurais pensé comme lui et aurais mieux planifié mon avenir. Ainsi, je ne me serais pas ennuyé le mois dernier.


       Copernique Marshall


Chez le libraire 

Je vieillis. J'en suis au point où je connais plus les livres que la plupart des employés des grandes librairies et, étant client d'Amazone-Kindle, je suis régulièrement étonné des suggestions qu'on me fait au fur et à mesure que je récupère les fichiers des livres que je veux lire. Il m'a suffit, par exemple, de télécharger tout Proust et tout Balzac (au prix dérisoire de deux ou trois dollars... chacun) qu'on m'a suggéré au même prix tout Racine, tout Corneille, tout Hugo, tout Tacite... - Idem, sauf pour le prix, en ce qui concerne les thrillers de le Carré ou les essais de Hitchens. - Et ces suggestions me sont faites par un programme informatique digne de certains libraires.

Paraît que, pour les pièces musicales, ce type de logiciel ne fonctionne pas très bien (chez Apple, en particulier). Pour le moment, on en est revenu à des connaisseurs qui planifient des listes en fonction de certains critères qu'eux seuls connaissent. -  Félicitations, Apple ! Vous venez de réinventer la radio.

Ce qui m'amène à vous parler de la manière que j'avais trouvée, il y a quelques années pour choisir mes livres et dont je me sers toujours aujourd'hui. C'était avant que je me dresse une liste d'auteurs à lire :

D'abord, je jette un coup d'oeil sur le comptoir des livres à rabais. Nous ne sommes pas en France, ici, et les libraires ne sont pas obligés de nous vendre leurs livres en bas d'un prix fixe sans le consentement de l'auteur  et, conséquemment, l'on trouve de tout à des prix dérisoires. Et comme je lis rarement des livres en grande demande...

Puis je regarde l'impression : la grosseur des fontes, les marges, la longueur et l'espacement des lignes. Ensuite la forme ; si le livre est divisé en chapitres, si, dans le cas d'un essai, il y a un index ; si ces paragraphes ne dépassent pas une page ou même une demi-page et si les chapitres sont de longueur égale. - Si je me suis permis de me rendre jusque là, je lis les deux trois premières phrases et la fin du premier chapitre et, si tout va bien, je jette un coup d'oeil sur la dernière phrase du dernier chapitre. - Et là seulement, et seulement à ce moment là, je décide si ça vaut la peine de passer à la caisse.

Hélas, quand il s'agit d'un des mes auteurs favoris, je passe par dessus tout ce qui précède. - Raison pour laquelle j'ai tant de livres qui ne servent à rien dans ma bibliothèque.

***

Du français à l'anglais
de l'Occident à l'Orient 

Ce qui suit se veut une réponse partielle à Jeff qui, dans sa chronique d'aujourd'hui, parle de l'apprentissage de la lecture et divers commentaires de Simon à propos de l'Occident et de l'Orient qu'il souligne dans ses remarques sur un livre de Lao-tseu concernant Tao-tö King préfacé par Étiemble qu'on retrouvera dans la section ««Notes de lecture» de ce Castor™.

Vous excuserez ma concision et probablement la confusion de ce qui suit mais il est minuit et je dois être à l'aéroport avant six heures demain matin.

Jeff mentionne brièvement dans sa chronique que le bilinguisme serait une source de problèmes semblables à ceux qu'éprouvent les jeunes qui font leurs premiers pas à l'école et qui savent lire par rapport à ceux qui ne le savent pas, les premiers allant peut-être trouver ennuyeux d'entendre leurs professeurs expliquer d'abord ce qu'est un alphabète, la différence entre une consonne et une voyelle, comment les deux se combinent, des syllabes et des mots et comment ces mêmes mots finissent par  former des phrases et ainsi de suite.

Simon, lui, attire notre attention sur la méconnaissance totale par les Occidentaux de l'approche orientale à la spiritualité et à la philosophie et comment cette méconnaissance entraîne une incompréhension importante de la part d'un individu né à l'Ouest qui, de ce fait doit, pour en saisir le sens, se soumettre à un apprentissage qui est forcément inutile de la part d'un autre qui, lui, est né en Orient.

Il s'agit là de deux problèmes analogues au niveau de l'enseignement - et il est nécesaire que ceux dont c'est le métier en en soit conscients - , mais des problèmes qui demandent des solutions différentes.

En revenant à celui de ceux qui savent lire et de ceux qui ne le savent pas, il s'agit là d'une situation et non d'un véritable problème et d'une situation qui peut se corriger facilement. Les étudiants ou écoliers peuvent, par exemple,  être divisés en deux groupes à qui l'on soumet des travaux différents. Or ces deux groupes sont presque identiques car ils n'en forment qu'un à la sortie des classes, la base de leur langue étant la même. Bref : ce n'est qu'une question de temps avant qu'un groupe rattrape l'autre au niveau de la lecture, les deux utilisant, dans leur langage parlé, les mêmes expressions et le même vocabulaire.

Il en est tout autre du bilinguisme (j'entends par là un étudiant d'une langue qu'on veut éduquer dans une autre) et le rapport Orient-Occident où la culture entre en jeu.

Un élève familier avec The Walrus and the Carpenter de Lewis Carroll ne compendra pas une référence à Le loup et le chien de la Fontaine et il aura, ainsi, non seulement à apprendre une nouvelle langue, mais .également tout un bagage culturel dont il ignore à peu près tout et c'est dans la communication entre ceux qui ont été éduqués dans l'une ou l'autre culture que surgiront des problèmes que la division en deux d'une même classe ne saurait régler.

Il en est de même pour ce qui est de la philosophie orientale qui - permettez-moi de schématiser - vise la non-identité alors que tout l'Ouest est marqué par l'individualisme, parfois à outrance.

Les sources sont différentes et les chemins ou les buts visés sont diférents sinon opposés ; d'où cette difficulté, cher Jeff et cher Simon, que vous connaissez très bien et qui consiste à exiger de part et d'autre un certain abandon de ce qui est son soi pour en adopter un autre.

On peut, si je peux lire entre les lignes, devenir très connaisseur, savant même, dans une langue différente, dans une culture différente (j'insiste) et même une approche philosophique ou une spiritualité opposée à la nôtre, mais je doute qu'on puisse appartenir à deux groupes en même temps.

Je n'ai pas suivi la carrière d'Étiemble, mais à lire ce que Paul en dit, il m'apparaît plus que probable qu'il soit demeuré dans sa culture occidentale initiale d'où, peut-être, cette «savanterie» qui émerge (je me fie sur Simon - Je n'ai pas lu) dans ses écrits car, à ma connaissance, la culture orientale est faite de simplicité et de raffinement dans son expression alors qu'en lisant le compte-rendu de Paul, il semblerait que ce soit tout le contraire.

Espérant que ces lieux communs... etc.

Et excusez-moi encor une fois pour la confusion, mais je vous avais averti :  je dois être à l'aéroport avant six heures demain matin.

Copernique

       Jeff Bollinger


M

Jeff

        Fawzi Malhasti


Morceau choisi

   Épilogue
   (Extrait d'un poème de Louis Aragon)

     Cette vie aura passée comme un grand château triste que tous les vents traversent
     Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
     Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
     Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on ne peut plus baisser la herse

     Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
     Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
     Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
     Et ce qui l'en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change

         J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
         Quitte à en en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
         Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
         Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

     Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
     Vous aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
     Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
     Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le plis des habitudes

     Bien sur vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
     Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
     Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
     Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment

         J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
         Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
         Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
         Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

     Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
     Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptable
     Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables
     Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien

     Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
     Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés
     Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés
     Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire

         J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
         Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
         Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
         Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

     Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
     En face pour savoir en triompher. Le chant n'est pas moins beau quand il décline
     Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collines
     Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants

     Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taise
     Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue
     Du moment que jusqu'au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu'il a pu
     Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse

         J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
         Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
         Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
         Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

Fawzi

P.-S. : Ce poème a été mis en musique par Jean Ferrat :

https://www.youtube.com/watch?v=RRVdZx9ABDU (*)

(*) Cette page n'est pas diffusée dans certains pays.

         De notre disc jockey - Paul Dubé


Country and... what ?

On posa un jour la question suivante à Thelonius Monk : «Quels genres de musique écoutez-vous ?» Thelonius répondit : « Tous les genres de musique.» - L'interviewer lui posa une deuxième question : «Y compris le Country and Western ?» - Thelonius se tourna alors vers son gérant et lui dit : «Est-ce que le Monsieur est sourd ?»

Eh bien, voici :

De John Price et Steve Goodman - version David Allan Coe.

You Never Even Call Me By My Name

Cliquez sur la note : Second

P.-S. : Pour, quand même, ceux qui croient que la musique Country and Western est sans humour, je voudrais ajouter qu'après avoir écouté la version originale (de Price et Goodman),  David Allan Coe leur a écrit pour leur dire que les paroles de leur chanson étaient banales et qu'elles ne réflétaient pas l'esprit Western. Aussi a-t-il ajouté un couplet supplémentaire où tous les poncifs du genre furent réunis. Ce couplet se lit à peu près comme ceci : «Le jour où, ivre au volant de mon pickup, j'étais allé sous la pluie  chercher ma mère qui sortait de prison, elle fut happée par un train et elle est morte avant que je n'arrive.», i.e. :

«Well I was drunk the day my mom got out of prison and I went to pick her up in the rain but before I could get to the station in my pick up truck she got runned over by a damned old train.»

***

Pour ceux cependant qui détestent ce genre de musique, j'ai d'autre chose à vous proposer aujourd'hui. C'est rare, curieux, tout à fait inattendu et c'est de nature à faire fuire 99% des ennuyeux qui voudraient vous rendre visite. C'est du compositeur polonais Krzysztof Eugeniusz Penderecki, né en 1933, un autre inconnu vous allez me dire, mais qui demeure l'auteur, entre autres, de 8 symphonies, 2 opéras et de nombreuses musiques de chambre dont deux quatuors pour violons, alto et violoncelle dont je voudrais vous faire entendre le premier, interprété par le défunt quatuor Lasalle qui l'a créé en 1961 et enregistré en 1968 chez Deutsche Gramophone.

Attention : c'est très particulier et les silences ne sont pas des erreurs. Ça ne dure heureusement que sept minutes.

Et quel rapport avec ce quatuor et l'Helikopter-Streichquartett de Stockhausen ? - Voir au début de ce présent numéro -.  Aucun sinon qu'ils sont tous les deux des expériences, ce dernier devant simuler les quatre intrumentistes jouant, ensemble, leur partition individuelle en tournoyant autour de l'auditeur...

Bonne écoute !

Cliquez sur la note : Second

paul

 Notes : 

Pour nos suggestions et enregistrements précédents, cliquez ICI.

Lectures


Note :

Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.

The Stranger in the Wood
Michael Finkel
Alfred A. Knof (Pengouin Random House) - 2017

(Disponible en français sous le titre de " Le dernier ermite  ", 
traduit pas Johan Frederik Hel Guedj - À la maison d'édition Lattès - 2017)

et

Tao-tö king par Lao-tseu
(Traduit du chinois par Liou Kia-Hway - Préface d'Étiemble) 
NRF Gallimard - 1999

Le rapport entre ces deux livres ? - Il y en a deux. Un, plutôt personnel, qui se résume assez facilement : les deux m'ont été suggérés par la même pêrsonne. - L'autre est que  le premier fait plus ou moins référence directement au deuxième ainsi qu'à d'autres du même genre.

Le premier :

Participant à une rencontre entre des représentants du gouvernement américain venus offrir de l'aide à divers écrivains britanniques refugiés aux USA au cours de la Deuxième Grande Guerre,  W. Somerset Maughan, le plus connus et le plus lus d'entre eux, aurait répondu, avec son bégaiement légendaire : «Oui, vous pouvez nous aider : fichez-nous la paix !» - Il pouvait se le permettre, étant immensément riche, mais dans le cas de Michael Finkel, l'auteur de la biographie de Christopher Thomas Knight qui a passé 27 ans de sa vie, seul, complètement coupé du monde au milieu des forêts de l'état du Maine, il serait loisible de se demander, s'il n'aurait pas dû, justement, ficher la paix à ce dernier qui a connu une destinée hors du commun.

En bref, Christopher Thomas Knight décida, à l'âge de vingt ans, sans avertir qui que ce soit, de se retirer du monde en entrant tout simplement dans la nature sauvage du nord-est américain, près d'un petit village et de deux «étangs» au beau milieu de nulle part, mais où, dans les environs immédiats, se trouvaients des centaines d'habitations, la plupart saisonnières, qu'il visita par la suite, régulièrement, la nuit, pour y voler ce dont il avait de besoin : de la nourriture, des vêtements, des ustensiles de cuisine, un matelas, des batteries, des radios, un téléviseur, des réservoirs de gaz propane etc. - Cela dura de 1986 à son arrestation, en train de commettre son six ou sept centième cambriolage, en avril 2013 et son incarcération jusqu'en octobre de la même année où il fut condamné à divers travaux communautaires et autres obligations comme celle de demeurer à un endroit précis, de trouver du travail, etc., la cour, appelée à juger son cas, n'ayant pas trouvé d'autres peines qui eurent pu être adéquates à cet individu hors du commun.

De là, via un semblant d'amitié, Michael Finkel entra en contact avec lui et pendant deux, trois ans, il a réuni suffisamment d'informations pour publier son «Stranger in the Wood» où, oui, on peut percevoir un effort sérieux pour comprendre le comportement de ce curieux ermite via des rencontre avec les gens qui l'ont connu, ses nombreuses victimes, les avocats mêles à son affaire, les policiers qui ont procédé à son arrestation, y compris des médecins, des psychiatres, des aide-sociaux susceptibles d'expliquer son retrait de la société (autisme, syndrome d'Asperger, schizophrénie, etc.), mais rien de tout cela ne nous laisse vraiment comprendre qui était (et qui est toujours) Christopher Thomas Knight, aujourd'hui âgé de 52 ans et qui vit depuis trois ans à nouveau parmi les membres de sa famille et qui ne veut voir personne, y compris ce Michael à qui il a demandé à plusieurs reprises de ne plus entrer en communication avec lui et, finalement, de lui ficher la paix.

«Stranger in the Wood» est composé de 28 chapitres, certains se suivant, d'autres étant des parenthèses formées de diverses réflexions. - On peut les diviser en trois groupes :

Un premier qui raconte la vie de Christopher Knight en tant qu'ermite, à commencer par les circonstances qui ont mené à son arrestation.

Un deuxième qui consiste en des informations sur sa vie avant son retrait de la société et ce qui lui est arrivé pendant et après son arrestation.

Et un troisième composé de réflexions diverses sur les sources probables de son comportement où s'entremèlent de longues dissertations sur l'autisme, le syndrome d'Asperger, les maladies mentales, la schizophrénie, l'effet de la solitude sur l'homme en général, le tout accompagnées d'ennuyants appartés sur les ermites du Moyen-Âge, les monastères, divers cas d'isolement tels que les soldats japonais qui sont restés plusieurs années seuls sur de petites îles du Pacifique bien longtemps après la fin de la guerre, le dernier membre d'une tribu amazonienne qui a toujours refusé tout contact avec le reste du monde, la médiation orientale dont, trois allusions et même références distinctes au livre de Tao-tö king (par Lao-tseu), sujet de la deuxième partie de cette chronique.

Somme toute, nous avons trouvé que le premier de ces volets était la partie la plus intéressante de l'ensemble sans doute parce qu'elle s'apparentait à l'inoubliable récit du naufragé Robinson Crusoë.

Le deuxième est sans intérêt. On y relate des faits qui n'offrent aucune explication sur la décision de Christopher Knight de se retirer du monde et la plupart des informations qu'on y retrouve concernant les racontars et mésaventures des victimes de ses cambriolages sont tout à fait inutiles.

Finalement, le troisième volet n'est qu'une suite sans fin de lieux communs et de réflexions pseudo-philosophiques. qui ont sans doute attiré l'attention de celui qui nous a suggéré de lire ce Tao-tö king que nous venons de mentionner.

The Stranger in the Woods ou Le dernier ermite aurait pu faire l'objet d'une courte nouvelle (a short story) qui se serait terminé avec des questions laissées sans réponse car un Christopher Thomas Knight, ça ne s'explique pas ; ça se constate, un point, c'est out.


Christopher Thomas Knight
lors de sa comparution en cour
le 28 octobre 2013

Passons maintenant au Tao-tö King de Lao-tseu :

En décembre 2016, parlant de «De l'âme» de François Cheng, Paul Dubé disait que ce [genre de livre] était «destiné à un public qui n'avait aucune raison de le lire sauf  par des lecteurs qui voudraient se rassurer qu'ils sont dans la bonne voie et d'autres qui ne le liront pas, mais qui devraient». - J'ai eu la même impression, en février 2017, en lisant «La source que je cherche» de Lytta Basset... «lisant ?»... une façon de parler : j'ai beaucoup de difficultés à me pencher sur ce genre d'écriture qu'on ne saurait classer adéquatement. S'agit-il de philosophie, de spiritualité, de réflexions sur le sens de la vie ?

Sur Le phénomène humain de Teilhard de Chardin, Copernique citait, le mois dernier, son plus ardent critique en la personne de Peter Brian Medawar :

«J'ai lu et étudié Le phénomène humain avec une réelle détresse, même avec le désespoir. Au lieu de nous tordre les mains sur la situation humaine, nous devons nous occuper de ces parties qui sont entièrement remédiables, surtout à la crédulité qui permet aux gens d'être pris par un tel sac de trucs comme celui-ci. Si c'était une crédulité innocente, passive, elle serait excusable; hélas, c'est une volonté active d'être trompé.»

Évidemment, on ne peut pas accuser tous les écrivains - qui se permettent de philosopher ou d'expliquer à tous et chacun le sens de la vie - d'essayer de berner leur public. Certains sont très sincères, mais la sincérité ne mène pas nécessairement à la vérité et il est évident que les voies vers la vérité des uns ne peuvent pas être les voies vers la vérité des autres, et c'est de cette façon que j'approche tous les livres qui se veulent une solution à l'incompréhensibilité de la vie et c'est ainsi, en particulier, que je lis, avec un grand scepticisme, tous les livres, orientaux ou non, dont le contenu est formé d'aphorismes, de phrases à triple sens ou de conseils si déguisés qu'on ne sait si c'en sont.

Que dire, dans ces conditions d'un livre comme celui de Lao-Tseu qui observent toutes le règles du genre ? - On en lit un passage. on en tire une pensée qui a beaucoup de sens puis, quelques pages plus loin, cette pensée est remplacée par une autre, de quoi se demander si on a bien compris le passage précédent. - La Bible, dans son ensemble, fonctionne de cette façon. - D'où la quantité terrifiante d'éxégètes qui se sont penchés sur ce genre de textes. Et qui se sont contredits et continuent de se contredire deux mille ans plus tard.

Autre chose : ne comptez pas sur Étiemble pour vous guider. Sa savante préface n'est qu'une explication de plus sur celle de ses prédécesseurs et on y fait référence à d'autres volumes tout aussi édifiants et sans doute plus obscurs.

Conclusion :

À lire des livres comme ce Tao-tö king qui exige une connaissance approfondie de la pensée orientale, en Occidentaux que nous sommes, pourquoi ne préférerions-nous pas La Rochefoucauld qui a écrit autant de pensées tout aussi vagues et discontinues (et qu'on peut retourner dans tous les sens) ? Ou mieux, encore, les fables de  La Fontaine qui ont le mérite au moins d'être admirablement bien écrites. 

Simon

P.-S. : Mais tandis que j'en suis là, voici d'autres livres que je ne lirai pas :

(Je suis gentil, je vous ai digitaliser les deux côtés de leur couverture.
Pour un agrandissement, vous n'avez qu'à cliquer sur chacune des photos.)

***

Narcisse et Goldmund
(Traduit de l'allemand par Fernand Delmas)
Herman Hesse
Calmann-Lévy 1948

J'ai parlé de ce livre en août dernier soulignant que je n'étais pas friand de la littérature allemande à cause de la trop grande difficulté que j'avais avec la langue... allemande, difficulté que j'attribuais à mon peu de connaissances de sa structure, de son vocabulaire et de sa stylistique qui, évidemment, n'ont rien en commun avec les langues romanes que je connais et même avec les langues anglaises (car il en existe plusieurs). Et j'ai ajouté que, peut-être, je n'avais pas encore connu de bons traducteurs allemand-français.

Et voilà, j'ai lu, avec beaucoup d'attention quand même ce Narcisse et Goldmund parce qu'un ami m'en avait vanté au plus au point ses qualités. Cela m'a pris plusieurs semaines, comme vous avez pu le constater, attiré que j'ai été entre temps par d'autres écrits plus compatibles avec mes goûts et mon caractère. Et vous savez quoi ? Je n'ai pas changé d'idée : la littérature allemande et moi ne feront jamais bon ménage. Et encore pire : j'ai trouvé ce livre d'un prodigieux ennui.

Outre la langue sur laquelle je ne reviendrai pas, je n'ai pas compris qu'on puisse se servir d'un fond moyen-âgeux et de deux personnages qui empruntent des chemins différents pour écrire ce qui visiblement est un essai (au sens de «forme littéraire») sur le sens de la vie en démontrant que deux points de vue complètement différents peuvent, en étant confrontés l'un à l'autre, être non mutuellement contradictoires et amener celui qui les confronte à un certain enrichissement. Pourquoi ne pas écrire tout simplement un véritable essai ? 

Peut-être que Herman Hesse a voulu, à travers un roman, rejoindre un public qui n'est pas familier avec ce style de littérature, mais il semble avoir oublié qu'on ne peut pas traiter en détails des sujets comme l'art ou la spiritualité au moyen de récits plus ou moins imagés sinon sommairement. Que cela puisse encourager ses lecteurs à pousser plus loin ses recherches demeurent à être prouvé.

Mon avis est qu'il ne faut plus que je lise ce genre de livres qui, du point de vue littéraire, n'ont pas l'attrait que la littérature - la véritable littérature - a sur mon pauvre cerveau trop habitué à lire comment on écrit sur un sujet que par le sujet en lui-même ou des essais déguisés en romans où tout est traité - je dis le mot ? - superficiellement.

Attention hein : je ne dis pas que Narcisse et Golmund est un livre sans intérêt, mal écrit et inutile, je dis que je ne peux pas m'habituer à ces styles d'écriture.

Simon

L'extrait du mois


L'abbé Dubois par Saint-Simon

(Comme le souligne Marie-Paule de Weerdt-Pilorge dans son «Tout Saint-Simon» [Bouquins - Robert Laffont- 2017] - voir à la fin -  Saint-Simon, pour plusieurs raisons, a une dent contre Guillaume Dubois, abbé puis cardinal [1656-1720]. -  Dubois, au terme d'une irrésistible ascension, a réussi à passer d'un état proche du néant - valet répétiteur de latin du duc de Chartres - à une situation dominante absolue : cardinal puis Premier ministre du Régent. - Dubois lui a également volé l'affection et la confiance du duc d'Orléans et... il est également fou.)

L’abbé Dubois étoit un petit homme maigre, effilé, chafouin, à perruque blonde, à mine de fouine, à physionomie d’esprit, qui étoit en plein ce qu’un mauvais françois appelle un sacre [oiseau de proie], mais qui ne se peut guère exprimer autrement. Tous les vices combattoient en lui à qui en demeureroit le maître. Ils y faisoient un bruit et un combat continuel entre eux. L’avarice, la débauche, l’ambition étoient ses dieux ; la perfidie, la flatterie, les servages [la flagornerie], ses moyens ; l’impiété parfaite, son repos ; et l’opinion que la probité et l’honnêteté sont des chimères dont on se pare, et qui n’ont de réalité dans personne, son principe, en conséquence duquel tous moyens lui étoient bons. 

Il excelloit en basses intrigues, il en vivoit, il ne pouvoit s’en passer, mais toujours avec un but où toutes ses démarches tendoient, avec une patience qui n’avoit de terme que le succès, ou la démonstration réitérée de n’y pouvoir arriver, à moins que, cheminant ainsi dans la profondeur et les ténèbres, il ne vit jour à mieux en ouvrant un autre boyau. Il passoit ainsi sa vie dans les sapes
[tranchées que l'on creuse devant un mur pour le faire tomber],. 


Guillaume Dubois
(Source : Wikipedie)

Le mensonge le plus hardi lui étoit tourné en nature avec un air simple, droit, sincère, souvent honteux. Il auroit parlé avec grâce et facilité, si, dans le dessein de pénétrer les autres en parlant, la crainte de s’avancer plus qu’il ne vouloit ne l’avoit accoutumé à un bégayement factice qui le déparoit, et qui, redoublé quand il fut arrivé à se mêler de choses importantes, devint insupportable, et quelquefois inintelligible. Sans ses contours et le peu de naturel qui perçoit malgré ses soins, sa conversation auroit été aimable. 

Il avoit de l’esprit, assez de lettres, d’histoire et de lecture, beaucoup de monde, force envie de plaire et de s’insinuer, mais tout cela gâté par une fumée de fausseté qui sortoit malgré lui de tous ses pores et jusque de sa gaieté, qui attristoit par là. Méchant d’ailleurs avec réflexion et par nature, et, par raisonnement, traître et ingrat, maître expert aux compositions des plus grandes noirceurs, effronté à faire peur étant pris sur le fait ; désirant tout, enviant tout, et voulant toutes les dépouilles. On connut après, dès qu’il osa ne se plus contraindre, à quel point il étoit intéressé, débauché, inconséquent, ignorant en toute affaire, passionné toujours, emporté, blasphémateur et fou, et jusqu’à quel point il méprisa publiquement son maître et l’État, le monde sans exception et les affaires, pour les sacrifier à soi tous et toutes, à son crédit, à sa puissance, à son autorité absolue, à sa grandeur, à son avarice, à ses frayeurs, à ses vengeances. Tel fut le sage à qui Monsieur confia les mœurs de son fils unique à former, par le conseil de deux hommes qui ne les avoient pas meilleures, et qui en avoient bien fait leurs preuves.

***

À propos d'un livre de Marie-Paule de Weerdt-Pilorge :

Pour ceux qui se disent incapables d'aborder les 4,000 ou 5,000 pages des Mémoires de Saint-Simon, les 1,000 pages du Tout Saint-Simon sous la direction de Marie-Paule de Weerdt-Pilorge paru en novembre dernier dans la collection Bouquins (Robert Laffont) est une bonne façon d'aborder le plus grand chroniqueur-mémorialiste que la littérature française ait produit. - Sous la forme d'un dictionnaire, Madame Weerdt-Pilorge, avec la collaboration de Marc Hersan, François Ravier et plusieurs autres nous présente l'univers dans lequel Saint-Simon a vécu, les principaux personnages qu'il a croisés, les faits saillants de ce qu'il a vu, entendu et auxquels il fut mêlé tout en dressant un tableau extraordinaire de son époque.

L'on sait que Saint-Simon excellait dans ses descriptions et portraits et plutôt que d'avoir à chercher constamment dans son oeuvre les plus représentatifs exemples de son style et les plus vitrioliques de ses croquis ou tableaux, ce livre permet de retrouver facilement une bonne partie de l'essentiel de ses Mémoires avec des rubriques qui vont du cardinal Alberoni à Vauban en passant par les bâtards de Louis XIV, la princesse de Conti, le cardinal Dubois (ci-dessus), les grands d'Espagne, Fénélon, les guerres, le duc d'Harcourt, La Rochefoucauld, la marquise de Maintenon, le Palais-Royal, etc., etc.

Nul besoin de se munir d'arbres généalogiques ou de chercher dans des dictionnaires du 17e siècle la signification de mots disparus, ce volume, comme dit son sommaire, rassemble les meilleures séquences du vaste tableau de moeurs laissé par Saint-Simon, classées par thèmes, accompagnés de longs extraits choisis et commentés par de grands spécialistes.

Le meilleur livre sur Saint-Simon que j'ai lu depuis la parution chez Seuil de Saint-Simon par lui-même de François-Régis Bastide en 1967.

On pourra en lire  un peu plus chez Fabula à l'adresse qui suit :

Fabula - Tout Saint-Simon

Simon

Le courrier


Herr Martin Maurer - Rohrbach, Deutschland 

Non, Herr Maurer, pas OPEC ni OPEP : Hope Hicks, l'ex-directrice des communications du Président Trump..

Mr. Emil C. Nygaard - Palmetston North, Nouvelle-Zélande

Vous devez sans doute faire référence à Misakao Shitake, celui connu dans le monde occidental sous le nom de «forçat du haîku» ou de la «machine à fabriquer des haîkus».

M. Javier Lesage - Calgary, Alberta

«Applaudir après la fin d'un film dans un cinéma est l'équivalent de donner un pourboire à une poupée gonflable.» (Bill Maher)

M. Gabriel Hale - Punyelroo, Australie

Immigrer aux USA ? - Vérifiez vos statistiques. - le salaire moyen d'une famille est présentement, aux États-Unis, de 51.000 $ (US) par année - l'équivalent de  64,000 $ australiens ou 40,000 Euros (après taxes) - et sans auto, sans câble (TV), sans vacances et sans animal domestique, cette famille accumule une dette de 50 $ par mois.

Dédicace


Cette édition du Castor est dédiée à :

Sir Ernest Henry Shackleton
(1874-1922)


 

Le mot de la fin

«Tant va la cruche à l'eau qu'enfin la caravane passe.»

G. Pellerin. 

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