Marcel Proust
Un point de vue personnel
de
Paul Dubé
(et Copernique Marshall)
Pour l'Index,
cliquer ICI.
Ajouts
13 mai
2022
Le dernier Bulletin des Éditions
La Pléiade annonce qu'À la recherche du Temps perdu sera,
pour un temps non encore défini et en tirage limité, disponible dans
un coffret contenant deux volumes dont le texte sera constitué de la
version Tadié (4 volumes), mais sans les notes, variantes et l'appareil
critique. Le tout à 110 Euros jusqu'au 31 octobre 2022.
Voilà une excellente
nouvelle.
*
20 mai 2022
Suite à la lecture de
la première version de ce «résumé», deux personnes m'ont fait
remarquer qu'À la recherche n'est pas uniquement un roman sur le
temps et que, même en le laissant sous-entendre, j'avais presque escamoté
la question de la «mémoire involontaire» dont Proust fait mention à
plusieurs reprises dans son roman.
Bien sûr qu'À
la recherche n'est pas un roman uniquement sur le temps. Comme
le souligne Daniel Mendelsohn, un de ses fervents lecteurs,
Proust y parle de tout : d'amour, de famille, de jalousie, de la
société, des classes sociales, de la musique, de littérature,
d'art, de créativité, de désirs, de sexualité, de paysages,
de maladie, de la mort, du snobisme, de politique, de modes, de
Venise, de Paris, des plages de la Normandie, d'avions, de la
poste, du théatre, des automobiles... Les sujets qu'il aborde
sont trop nombreux pour être cités.
***
Voici ce que André
Aciman dit à propos de la lecture de Proust :
«Lire Proust, c'est se lire soi-même. Rien de ce que dit Proust n'est vraiment nouveau pour aucun d'entre nous. Ses pensées et ses observations nous ont traversé l'esprit d'innombrables fois; nous avons vu ce qu'il a vu, et ce qu'il a ressenti, nous l'avons ressenti. Nous avons admiré toutes les choses qu'il vénère sur notre planète - de beaux couchers de soleil, de belles peintures, de beaux visages. Et nous aussi, nous avons hésité devant les situations mêmes qu'il craint ou dont il est dégoûté ; même si, contrairement à lui, nous avons toujours fait semblant de ne pas trop nous en soucier. Nous tous, sans exception, avons ressenti le genre d'émotions qu'il décrit avec tant de minutie - des émotions
qu'avec lesquelles aucun de nous n'est impatient d'admettre que nous sommes familiers de peur de nous embarrasser. Il y a vraiment très peu de choses sur lesquelles Proust écrit de si nouveau sous le soleil : attendre le baiser de bonne nuit d'une mère,
être déchiré par les sentiments de jalousie les plus honteux pour quelqu'un dont nous ne sommes même pas sûrs d'avoir jamais été amoureux ; attendre un signe, une lettre, un coup de fil de quelqu'un qui ignore presque que nous existons ; tout arrêter parce que l'odeur de quelque chose nous a rappelé un passé qui n'est jamais mort ni enterré. Même les morts, quand on s'y attend le moins, reviennent nous rappeler leur amour et notre culpabilité.
Je le répète : lire Proust, c'est comme se lire soi-même. Le problème est que beaucoup d'entre nous peuvent passer toute leur vie avec un thérapeute et trouver que la lecture de nous-mêmes est une tâche très difficile, voire impossible. Nous ne sommes pas seulement un noeud de tant de brins disparates, mais trouver les outils pour démêler ces brins n'est pas moins un défi que de trier qui nous sommes.
Ce sont les outils qui font de Proust le plus grand romancier de tous les temps. Pour se frayer un chemin à travers ces mèches complexes et noueuses sans tricher ni couper les coins ronds ou prendre des raccourcis faciles, vous avez besoin d'un outil très précis et incisif, et dans le cas de Proust, cet outil est son style. Le style doit analyser les circonvolutions qui font de nous ce que nous sommes et capturer ce que nous ressentons vraiment, et non ce que nous prétendons ressentir ou souhaitons croire que nous ressentons.
Le style de Proust est toujours sobre, désabusé et englobant. Ses phrases sont longues car il doit s'assurer de ne rien manquer en cours de route ; mais pour guider son lecteur à travers un récit de voyage aussi laborieux et rendre justice à ce qu'il recherche vraiment, il doit laisser chaque phrase raconter sa propre histoire. Et en effet chaque phrase est une histoire,
avec son début hâtif et souvent élégiaque, sa longue liste de détails et mini-détails qui nous rappellent qu'un analyste n'est souvent rien de plus qu'un avocat pointilleux bricolant une clause après l'autre, et enfin
son point culminant qui nous rappelle que pour chaque aperçu de la psyché humaine, ce maître artisan doit commencer dans une veine lyrique et se terminent par quelque chose d'aussi comique et d'aussi concis et piquant qu'un limerick écrit avec une finition surprenante. Je ne connais qu'un seul autre écrivain capable d'une telle ampleur et d'une telle humanité : Shakespeare.»
(«To read Proust is to read oneself. Nothing that Proust says is really new to any of us. His thoughts and observations have crossed our minds countless times; we’ve seen what he’s seen, and what he’s felt we’ve felt. We’ve admired all the things he worships on our planet—beautiful sunsets, beautiful paintings, beautiful faces. And we too have balked before the very situations he fears or is squeamish about; even if, unlike him, we always pretended not to mind them so much. All of us, without exception, have felt the kind of emotions he describes in such minute detail—emotions that none of us is eager to admit we’re familiar for fear of embarrassing ourselves. There is really very little that Proust writes about that’s so new under the sun: waiting for a mother’s goodnight kiss,
being ripped apart by the most shameful feelings of jealousy for someone we’re not even sure we’ve ever been in love with; waiting for a sign, a letter, a phone call from someone who is almost unaware that we exist; stopping everything because the scent of something has reminded us of a past that is never dead or buried. Even the dead, when we least expect it, come back to remind us of their love and of our guilt.
To repeat: reading Proust is like reading oneself. The problem is that many of us can spend an entire lifetime with a therapist and still find reading ourselves a very difficult, if not impossible task. We are not just a knot of so many, many disparate strands, but finding the tools to unravel these strands is no less of a challenge than sorting who we are.
It’s the tools that make Proust the greatest novelist of all time. To find his way through these intricately gnarled strands without cheating or cutting corners or taking easy shortcuts you do need a very precise and incisive tool, and in Proust’s case that tool is his style. The style needs to parse the convolutions that make us who we are and capture what we really feel—not what we claim to feel or wish to believe we feel.
Proust’s style is always sobering, disabused, and all-encompassing. His sentences are long because he needs to make certain not to miss anything along the way; but in order to take his reader through such a laborious travelogue and do justice to what he is really after, he needs to let each sentence tells its own story. And indeed each sentence is a story,
with its hasty and frequently elegiac beginning, its laundry list of
particulars and mini-particulars that remind us that an analyst is frequently nothing more than a fussy lawyer cobbling one clause after the other, and finally
its climax which reminds us that for every insight into the human psyche, this master craftsman must start in a lyrical vein and end with something as comic and as pithy and piquant as a limerick written with a surprising finish. I can think of only one other writer capable of such breadth and humanity : Shakespeare.»)
Source : Six Writers on the Genius of Marcel Proust
- Literary Hub - http://www.lithub.com
Voir également :
André
Aciman on Proust (Interview)
*
Et l'on
remarquera que, dans sa préface à Du côté de chez Swann
(Folio classique - 1988), Antoine Compagnon insiste pour
dire qu'À la recherche est essentiellement l'histoire
d'une vocation d'écrivain...
Tandis que
d'autres y ont vu des côtés différents :
-
Le verre et les objets de verre dans l'univers imaginaire de Marcel Proust
(David Mendelson - 1968 - Librairie José Corti
-
La convergence stylistique chez Proust - Yvette Louria - 1971 - A. G. Nizet
-
L'humour de Marcel Proust - Bertrand Leclair - 2016 - Gallimard. Folio
-
Marcel
Proust et le complexe d'Argus, Louis Bollé - 1966 - Grasset
-
Profils juifs de Marcel Proust - Recanati - 1979 - Buchet/Chastel
-
Marcel Proust sous l'emprise
de la photographie - Brassaï - 1997 - Gallimard
-
Le sexe de Proust - Stéphane Zagdanski - 1994 - Gallimard
-
Marcel Proust du côté de la médecine - Robert Soupault (Dr.) - 1967 - Plon
-
Etc.
Qu'ajouter de plus
?
Pour tetourner à
l'INDEX, cliquez ICI.
Autres
liens
Pour l'édition courante du Castor™ de Napierville,
cliquez
ICI
Pour l'index général du
site de l'UdeNap, cliquez ICI.
|