Services des Archives - Fiches biographiques

Robert «Bob» Lortie

 


La légende veut qu'après avoir entendu les trois célèbres vers de [La complainte de] La Manic de Georges Dor,

"Dans les rues sales
Et transversales
De Montréal"

le jeune Robert Lortie, originaire de McMasterville (Québec), aurait décidé d'abandonner, vers 1996, son métier de «squeegee» pour se consacrer uniquement à la poésie.

Son premier recueil, dédié à sa petite amie, Marie Ostiguy, fut accueilli avec enthousiasme par un petit groupe de sans-abris du Quartier Latin, à Montréal, pour qui son cèlèbre Marie-Stie fut immédiatement considéré comme son premier chef-d'oeuvre :

"Marie, stie
 Qu't'était jolie
 Rue Bleury
 Hier après-midi
"

Mais il ne s'arrêtera pas là :

La plupart du temps,  parfois qu'en photocopies, souvent qu'imprimés à une dizaine d'exemplaires, mais régulièrement dans des revues spécialisées destinées aux itinérants, ou encore dans des programmes de spectacles ou récitals donnés dans de petites salles, parurent des extraits de ses :

Spectaculations
   
(ou poèmes sans vers et sans rimes)

 Des concertés
    (Étude en fa dièse et si bémol) 

Sauvacheries
 
   (Synecdoches en forme de paravent)

Manigances et Poèmenteries
... 
(Demi-alexandrins, sans césures, sans rimes, mais avec diphtongues)

et surtout son seul essai :

L'art de marier que des orpehelines et éviter ainsi des belles-mères.
(Publié chez Vatfair-Fair Publishing, 1999)

... qu'on s'arrache, aujourd'hui, à Prix d'or, rue Saint-Hubert et sur le Boulevard Taschereau.

Ces publications attirèrent cependant l'attention d'avertis critiques. 

Voici, par exemple, ce que Moïse Letondal de l'Intransigeant de Coaticook disait de ses Sauvacheries :

"Elle relèvent à la fois du symbolisme et du naturalisme mais d'un naturalisme urbain, détaché des entraves de la nature qui, malheureusement, forcent nos contemporains à s'alimenter, entre autres, trois fois par jour et à se laver périodiquement." 

Et ce qu'écrivait Pilate Desnos de Cana dans le Petit Buvard de Saint-Stanislas-de-Kostka :

"Il est malheureux que Monsieur Lortie ne publie pas plus souvent car ce ne sont pas les matériaux qui manquent."

(Monsieur Cana faisant sans doute référence au fait que Manigances et Poèmenteries a été à l'origine imprimé sur des contenants de fast-food.)


Or, ne pouvant vivre uniquement de sa plume et artiste-peintre de formation, Robert Lortie, dit "Bob" fut obligé de se diriger vers d'autres directions. Se contentant d'abord de peindre ses vers (la plupart du temps libres) dans des ruelles, des culs-de-sac, des impasses, il est vite passé aux vitrines de magasins à louer, aux affiches d'édifices en construction puis aux murs de briques des immeubles du centre-ville, particulièrement dans les hauteurs où, le corps renversé, penché au-dessus du toit, il écrivait sans cesse, dans une langue jugée au début obscure, ses attaques anti-société, ses visions futuristes et ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui, son apocalypse.

Sa silhouette pittoresque - cheveux rasés, croix de Saint-André gravée sur la joue gauche, le mot «skinhead» tatoué sur son crâne, boucles à l'oreille - passait souvent inaperçue angle Saint-Laurent et de Maisonneuve où il  il était bien connu des policiers pour avoir un jour scandé pendant plusieurs heures "Policiers assassins" en face du défunt poste numéro 4, rue Ontario, près des Habitations Jeanne-Mance.

Son oeuvre-maîtresse fut sans doute les six vers qu'il écrivit un jour tout en haut de l'édifice de l'ancien cinéma Français, rue Ste-Catherine, à côté de celui qui abrite aujourd'hui les Foufounes électriques, où il fit état d'orgies prophétiques dans lesquelles s'entremêlaient des visions de napalm et de confettis. 


Une fresque de lui, composée au spray-paint, à la craie et au goudron, est encore visible sur le mur est de la bâtisse ayant abrité au cours des dernières années, divers cafés, deux restaurants et un salon de tatouage, rue Ontario, à l'est du bar Jell-O, entre les rues de Bullion et Hôtel-de-Ville à Montréal mais de la rue, on ne peut en apercevoir qu'une partie seulement. - Du haut des terrasses du Saint-Norbert, 150 rue Saint-Norbert, cette fresque peut cependant être vue en son entier.

S'adresser pour cela au concierge ou à la réception.

Note : La photo ci-dessus a été prise le 3 juin 2001, avec la permission de la Compagnie F.D.L. Limitée, alors propriétaire du Saint-Norbert.


Les circonstances de sa mort, survenue le 6 mai 2001, dans le hangar attenant à la shed numéro 44 des anciennes usines Barselou, ruelle Joly (en face du garage), faisaient toujours l'objet d'une enquête acharnée le 7 juin suivant. - Certains ont avancé l'hypothèse d'un suicide (ce qui est impossible selon sa plus récente compagne, Pitoune (née Audreyanne Legendre : "Il aimait trop la vie" a-t-elle déclaré à notre reporter), d'autres celles d'un overdose mais tout cela n'est que spéculation.

Sa dépouille mortelle a été inhumée dans l'espace réservée aux Lortie dans le petit cimetière de McMasterville (à l'ombre du Mont Saint-Bruno) où déjà elle commence à faire l'objet d'un culte assez émouvant.

Son oeuvre doit sous peu faire l'objet d'une publication chez Bernard Letitre, éditeur "skin", rue Clark, à Montréal.

 

Guitaristes rendant hommage à Bob Lortie
au printemps de 2007 (c - UdeNap)

Olaf de Huygens-Tremblay de l'UdeNap

 


Ajout - mai 2009

 

Les amateurs de poésie «skin» seront sans doute heureux d'apprendre qu'un comité a été formé pour sauvegarder de la destruction la murale du poète Robert «Bob» Lortie encore visible sur le mur est de la bâtisse abritant [jusqu'à tout récemment] un salon de tatouage, rue Ontario, à l'est du Jell-O Bar, entre les rues de Bullion et Hôtel-de-Ville à Montréal. Ce chef-d'oeuvre de la peinture contemporaine est menacé en effet de disparition, exposé comme il est présentement aux éléments et à la pollution.Les organisateurs de ce comité estiment qu'il en coûterait environ dix-huit millions (dollars canadiens - ou 13,6 millions d'Euros ou $13 millions US) pour assurer la postérité de cette fresque unique en son genre avec l'acquisition de l'immeuble où il se trouve, les deux immeubles adjacents, celui derrière et la cour intérieure, y compris le rachat des baux et la transformation du site en centre d'interprétation de poésies «skin» et de musique rap et hip-hop.Une fois construit, avec ses droits d'entrées et ses produits dérivés, l'Association des amis de Bob Lortie est convaincue que ce centre serait économiquement viable moyennant une subvention gouvernementale annuelle de tout au plus sept millions par année.

Ajout - Janvier 2011

 

Le comité précité a été dissous.


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