Services des Archives - Fiches biographiques

George de Napierville

 


On ne saurait être napiervillois sans connaître George Duquesne dit George de Napierville.

C'est dans une ambiance feutrée, entre une boutique de bijoutiers antiquaires (Petiot-Landru) et des galeristes d'art et de souvenirs où il s'est installé, par provocation, défi, vertu même, qu'il nous a accueilli r.cemment, lors d'un des rares interviews qu'il a accordé à la presse jusque là, celui que l'on connaît sous le nom du roi, de l'empereur, du maître, du seigneur, du grand ordonnateur de la mode napiervilloise.

Son studio (c'est ainsi qu'il appelle son showroom et son atelier) est un heureux cocktail d'avant-garde où, sans bousculer, ni rejeter le passé, il a métamorphosé avec art, et sans artifice, deux étages autrefois utilisés par un manufacturier de gadgets. Cet espace est aujourd'hui un pôle qui attire créateurs, concepteurs, dessinateurs désireux de partager une passion, une émotion, un art d'être et de vivre dans un esprit d'indépendance, loin des grands centres et des grandes tendances.

Sourire apaisant, sans aucune ostentation ni froideur, cet homme, vêtu d'un costume parfaitement ajusté, nous accueille dans son bureau au raffinement discret (les instruments d'écriture qui s'y trouvent sont signés Cunanan) inspire l'élégance, de cette élégance où pointe une touche de classe indéfinissable.

Son ton est courtois, distingué sans être apprêté, ni condescendant.

*

Le Castor - Je crois que nos lecteurs ne seraient pas étonnés d'apprendre que Napierville n'est pas tout à fait la grande capitale de la mode ni du design ; aussi, ma première question sera : pourquoi George s'est-il installé à Napierville ?

George - On m'a souvent posé cette question et mes collègues de Paris, Londres, New York, Milan... se disent souvent surpris de voir les mots de Napierville accolés à mon nom. Quand on me le demande directement, je réponds toujours que, d'abord, c'est là où je suis né mais aussi que je ne suis pas précisément de Napierville mais du Quartier Universitaire de Napierville, ce qui, en somme fait toute la différence. Dans ce quartier, où je me suis installé, se trouvent, à proximité, de grands créateurs qu'on me dispensera de nommer et qui ont une influence très importante sur ma propre créativité. Et vous me dispenserez également de citer toutes les manifestations culturelles qui s'y déroulent à longueur d'année : le Festival du Cinéma, par exemple. Et, quand l'envie m'en prend, je peux toujours me rendre à la bibliothèque locale, aller au cinéma, visiter le Musée du Grand Marshall. Tout cela est à cinq minutes d'ici. À pied.


Robe de soirée

Le Castor - On vous cite comme étant un animal du jet-set...

George - Je le suis. Comment être autrement quand, de passage, tous les grands de ce monde finissent par circuler devant ma porte, attirés par le Professeur Marshall et ses collaborateurs. Le quartier où j'habite (car j'habite au-dessus de mon studio) est au centre d'un foisonnement intellectuel, scientifique, culturel sans pareil : nous sommes à la jonction de grands courants qui proviennent des quatre coins du monde : du Luxembourg, du Canada, des USA, du Caraguay...

Le Castor - Sans compter notre correspondant de l'Île Pitcairn.

George - Sans compter votre correspondant de l'Île Pitcairn.

Le Castor - Vous êtes reconnu - j'allais dire mondialement mais tenons-nous en pour le moment à nos lecteurs du Quartier Universitaire et à ses environs - pour vos catwalks inhabituels où s'entremêlent des top-models d'une beauté à tomber, des animaux sauvages, des automobiles, parfois même des ouvriers qui cognent, frappent, martèlent différents métaux. Est-ce par provocation ?

George - Pas du tout car je suis fondamentalement anti-manifestation ; je dirais même anti-mode. Le panache, le bruit, l'art pour l'art, les défilés m'horripilent. Ce sont des maux nécessaires pour se faire connaître mais, si vous avez remarqué, j'organise de moins en moins de défilés : deux il y a quatre ans, aucun l'année suivante et mon dernier remonte au tout début de l'an dernier. - Je n'en prévois pas d'autres avant au moins deux ans. - Disons que je suis plutôt tourné vers l'interprétation des rêves d'une clientèle réduite mais fiable qui retrouvera toujours en mon studio une oreille attentive à ses phantasmes quoiqu'il m'arrive souvent d'avoir recours à des shows où j'essaie de sublimer certaines visions par des mises en scène parfois hors de l'ordinaire mais tout cela fait partie de ce qu'on pourrait appeler le monde de la mode, du marketing et de la publicité car on a beau être solitaire dans sa créativité, cette créativité demeure stérile si elle n'est pas diffusée. - J'organise d'ailleurs des workshops où, justement, sans vouloir à tout prix tomber dans l'étalagisme, j'insiste pour que les créateurs locaux soient conscients de la réalité économique dans laquelle nous vivons tous.

Le Castor - Pieux souhait.

George - Pieux, en effet, mais quel que soit le domaine de la créativité où l'on oeuvre, il faut savoir être économiquement self-sufficient.

Le Castor - Jusqu'à tomber dans le commercialisme ?

George - Évidemment non car il ne faut jamais, au risque de perdre son âme de créateur, tomber dans la facilité : l'équilibre, voilà ce que je recherche, et un équilibre qui tient compte de la sensibilité subjective et palpable d'une certaine clientèle, mais d'une clientèle payante. - Je me dis à cet égard que les créateurs locaux (je pense, entre autres, à Serge et Rhéal qui font un travail magnifique tout en demeurant viable), qu'ils soient connus ou émergents, doivent tendre vers une certaine manifestation commerciale sans s'imposer un overdose de conservatisme.


Robe pour débutante

Le Castor - Vous souhaitez donc une certaine uniformatisation.

George - Oui et non. Je me dis par rapport à la mode en général qu'elle doit suivre son chemin et, en même temps, renaître continuellement et faire éclore des perspectives nouvelles et si elle doit, pour cela, emprunter des sentiers non encore battus, faire l'école buissonnière, et bien... qu'elle le fasse. - Comme je l'ai déjà mentionné à maintes reprises, on peut toujours organiser des pharaoniques manifestations où s'entremêlent des mannequins en costume d'adultère ou home-sweet-homesques, des décolletés plongeants, des bottes à la mi-cuisse et des pullovers mais toujours, il faut revenir à l'essentiel et l'essentiel, c'est ce que désire la clientèle : ce qui n'exclut pas le fait qu'elle désire parfois être guidée dans ses choix.

Le Castor - Vos goûts sont, en somme, éclectiques.

George - Évidemment, mais mon éclectisme fait partie d'un tout plus intemporel qu'autre chose : le vintage y côtoie l'avant-garde et l'avant-garde y côtoie le rétro. Je suis essentiellement en réaction contre les images dominantes, quelles que soient leurs origines géographiques ou temporelles, même si dans ces images on retrouve parfois une pointe incursioniste. Je me dis qu'on n'a pas le droit de bouder le plaisir de voyager dans l'univers et l'histoire de la mode mais qu'il faut aussi s'adapter aux rythmes, aux formes et aux couleurs d'une sensibilité locale, qu'il est inutile d'aller chercher ailleurs ce que l'imaginaire, voire même la mémoire, de son lieu de travail peut offrir.


Ensemble pour la ville

Le Castor - Vous avez maintenant un label - George de Napierville - et vous semblez vous diriger de plus en plus vers le prêt-à-porter.

George - Il y a deux modes : celle du jour et celle du soir. Pour une sortie, un bal, une première, je n'hésite jamais à recommander une robe ou un costume fait sur mesure et où le luxe se fond dans la fantaisie. Pour le jour, on peut penser à des ensembles qui peuvent également faire craquer sans pour autant en être ruiné. Pour le soir, je suggère invariablement la soie, le fil d'or, le velours, le damas de Venise, les tissus où s'entremêlent l'organdi, la laine et même le coton d'Iran, d'Égypte ou d'Espagne mais pour le jour, le coton du sud des États-Unis, le nylon, le lycra peuvent très bien convenir pour une sortie en ville ou un five-o-clock. Le principe est d'être à l'aise tout en savourant un certain plaisir d'être bien dans sa peau.

Le Castor - L'on vous a vu depuis quelque temps oeuvrer pour de grandes chaînes de distribution, d'importantes multinationales. Serait-ce là un marché que vous tentez de développer ?

George - Je vais là où mes talents sont en demande. Quand Vatfair-Air m'a demandé de dessiner les uniformes de ses employés, je n'ai pas hésité un instant. Même chose pour les décors de restaurants ou de magasins qu'on me demande de créer. Je collabore sans hésiter à des expositions muséales, à des décors pour théâtre. Fangshuïste comme je le suis; je me dois de me mêler aux intérieurs de maison et, en général, à l'élaboration de styles de vie où le beau doit rivaliser avec la paix intérieure. - Qu'on m'ait reproché récemment d'avoir conçu les uniformes du personnel du Dragon Basané ne saurait me faire dévier de ces principes.


Uniforme Vatfair-Air

Le Castor - Un atelier ? Des employés ?

George - J'ai peu d'employés : un secrétaire, Alex, qui est à la fois mon homme à tout faire, mon chauffeur et mon confident, deux couturières, un saute-ruisseau et une réceptionniste. Ici, l'on crée ; les montages, les boutonnières aux poignets et autres détails sont réalisés dans un atelier installé à Saint-Grégoire-de-Greenlay, en Estrie, atelier sous la directive d'un sous-traitant d'une rare qualité.


Alex

Le Castor - D'autre projets ?

George - Un parfum, peut-être, mais pas avant encore quelques années. Pour le moment, tout mon temps libre, je le consacre au théâtre, à la création de costumes de scène pour lesquels mes services sont de plus en plus en demande.

George de Napierville
17b, grande rue du Grand Marshall
Quartier Universitaire de Napierville
Napierville, Québec


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2021-04-30