La biographie d'Eugène Carrière reste à être écrite. - On souhaiterait, dans un avenir
rapproché, qu'une rétrospective de ses oeuvres, comme celle organisée en
1997-1998 à Rouen et à Brescia pour Émile Blanche, résulte en un catalogue
comme celui qui l'accompagnait : Jacques-Émile Blanche (1861-1942), peintre
- Réunion des Musées Nationaux, Diffusion Seuil (1997).
Pour le moment, le
recherchiste doit se contenter des bribes d'informations éparpillées dans les
écrits, la correspondance de ses contemporains ou dans les études et
biographies écrites sur eux :
Dans le Journal d'André
Gide, par exemple, où l'on apprend que
Carrière a été opéré chez les Frères-Saint-Jean-de-Dieu (1er décembre 1905)
et que lui, Gide, a écrit à Raymond Bonheur une lettre au moment de la mort
du peintre (8 avril 1906)...
Dans l'André
Gide ou la vocation du bonheur de Claude Martin (Fayard 1998 - tome
1) où l'on mentionne que, le 10 mai 1902, il a assisté, en compagnie de
Gide, des Valéry, d'Ernest Rouart (etc.) à une des toutes premières
représentations de Pelléas et Mélisande...
Dans l'abondante correspondance de Marcel Proust (Philippe Kolb)...
Dans celle de Zola (PUM, 1995),
Etc., etc.
Pour ceux qui
désireraient des informations moins anecdotiques, on peut penser les référer :
Au recueil
de ses lettres et autres écrits,
Paris. Societé du Mercure de France. 1907
À : Eugène Carrière et le Symbolisme de M. Florissone et J. Leymarie (Édition des
Musées nationaux, 1950).
Ou, en anglais,
à : Eugene Carriere : His Work & His Influence de
Robert
J. Bantens, UMI Research Press, 1975.
Ou encore à : Eugene Carriere. The Symbol of Creation avec une introduction de
Robert Rosenblum - New York, Kent Fine Art, 1990.
Et à : Delteil,
Loÿs - Le peintre-graveur illustré (XIXe et XXe siècles) -
Paris, à compte d'auteur, 1906-30. - Tome huitième. Eugène Carriere
(1913). - Ce livre contient une lithogravure originale : "Méditation".
En allemand : Eugene Carriere 1849-1906. Catalogue. Strasbourg 1996/97. Beitr. von
M.F. Zimmermann, M.J. Geyer u.a. 4to. 240 s. mit 141 (74 farb.) Abb.,
Ausst´verz., Bibliographie, Chronologie, brosch.
Pour le moment,
les renseignements les plus accessibles se trouvent dans le Journal des Goncourt qui parle abondamment
d'Eugène Carrière qu'il (Edmond) admirait énormément : cinquante-deux
citations dont certaines s'étirent sur deux et même trois pages (visites
d'expositions, rencontres, etc.) et qui vont de 1889 à 1896 :
Edmond de Goncourt par Eugène Carrière (détail)
J'ai enfin
trouvé la vraie définition du talent de Carrière : c'est un Vélasquez
crépusculaire.
(Samedi 19 octobre 1889)
Carrière,
parmi les jeunes, le seul talentueux, le seul original, un réaliste
fantomatique, un peintre psychologique, qui ne fait pas le portrait d'une
figure mais le portrait d'un sourire.
(Mercredi 14 mai 1890)
Après la
lecture de la pièce, Ajalbert (1) m'entraîne chez Carrière qui habite tout près, à
Villa des Arts, une triste villa aux murs d'un gris
demi-deuil et aux petites portes d'un rouge pompéien. Je trouve Carrière en
train de peindre d'après nature un grand portrait de Geffroy
(2), qu'il doit réduire pour mon
volume (3).
C'est d'une composition très originale, la grande toile esquissée pour
Gallimard et représentant le paradis du théâtre de Belleville, cette
grande toile faisant le fond de l'atelier où les personnages s'arrangent
admirablement dans le croisement des courbes hémiciclaires du haut de la
salle.
Mais ce
qu'il est vraiment, ce Carrière, il est le peintre de l'Allaitement. Et
c'est curieux de l'étudier dans sa tendre spécialité, dans quelques toiles
qu'il n'a pas encore vendues et dans un nombre immense de dessins, qu'il dit
être la représentation des gestes intimes et qui sont d'admirables
études de mains enveloppantes de mères et de têtes de téteurs ou dans
ces visages vaguement mamelonnés, il n'y a que les méplats du bout du nez,
des lèvres et de la valeur de la prunelle et où sans apparence de linéature,
c'est le dessin photographique du momaque, la configuration cabossée de son
crâne. gestes intimes et qui sont d'admirables
études de mains enveloppantes de mères et de têtes de téteurs ou dans
ces visages vaguement mamelonnés, il n'y a que les méplats du bout du nez,
des lèvres et de la valeur de la prunelle et où sans apparence de linéature,
c'est le dessin photographique du momaque, la configuration cabossée de son
crâne.
(Mercredi 4 juin 1890)
Exposition de
Carrière chez Boussod et Valadon.
Une première impression un peu cauchemardesque : l'impression de rentrer
dans une chambre pleine de portraits fantomatiques, aux grandes mains pâles,
aux chairs morbides, aux couleurs évanouies sous un rayon de lune. Puis les
yeux s'habituent à la nuit de ces figures de crypte, de cave, sur lesquelles
au bout de quelque temps, un peu de rose des roses-thés semble monter sous
la grisaille de la peau... Et au milieu de tous ces visages, vous êtes
attirés par des figures d'enfants aux tempes lumineuses, au bossuage du
front, à la linéature indécise des paupières autour du noir souriant de
vives prunelles, aux petits trous d'ombre des narines, au vague rouge d'une
molle bouche entrouverte, à la fluidité des chairs lactées, qui n'ont point
encore l'arrêt d'un contour - des figures d'enfants regardées, en des
penchements amoureux qui sont comme des enveloppements de caresse, par des
visages de femmes, aux cernes profondes, aux creux anxieux, aux grandes
lignes sévères du dessin de l'Inquiétude maternelle.
(Mardi 5 mai 1891)
Une ou deux notes
discordantes :
On m'avait
dit que Carrière était un rosse, qu'il avait montré, à propos d'une commande
de l'Hôtel de Ville à Chéret, une animosité indigne. Frantz Jourdain (4) m'affirme que même tous les jours, il n'est pas bien bon pour l'ami Geffroy,
et dans les milieux hostiles au critique. Si ça est vraiment, c'est
épouvantable ! Geffroy, le chantre de son talent en tout endroit de sa
copie, Geffroy qu'on appelle dans notre monde à cause de son adoration
tendre et soumise pour sa peinture, la Femme du peintre !
(Samedi 14 mai 1892)
À carrière,
peintre de talent, mais ami médiocre...
(Mardi 4 avril 1893)
*
Le lecteur se
référera pour ces citations au troisième volume du Journal des Goncourt -
Robert Laffont - Collections Bouquins - 1989
Société des Amis d'Eugène Carrière
La Société
des Amis d'Eugêne Carrière, 3 rue E. Pêcheux à Gournay, Marne, a fêté en 2002
son dixième anniversaire.
Extrait de ses
activités en l'an 2002 :
La
couleur : ses mots, ses expressions, son histoire
Conférence d'Annie Mollard-Defaux du CNRS
Dimanche 20 janvier 2002 à 15h30 ; Espace Eugène Carrière
Gauguin
Conférence de Jean-Jacques Mangin, artiste-peintre
Samedi 9 mars 2002 à 15h ; Espace Eugène Carrière
Assemblée générale «1992-2002 : 10 ans d'activité»
Suivie du déjeuner annuel
Samedi 6 avril 2002 à 11h ; Espace Eugène Carrière
Journée du Patrimoine à l'Espace Eugène Carrière
Visite commentée et animation théâtrale
Dimanche 15 septembre 2002 en journée
Sous réserve de l'exposition sur la porcelaine Nast au château de Champs
sur Marne : conférences sur la Céramique Impressionniste et sur
Eugène Carrière, décorateur des Emaux de Longwy. Avec la
participation de Laurens d'Albis et de Christian Leclercq,
meilleur ouvrier d'Art des Emaux de Longwy
Visite
au Musée d'Orsay
Parcours commenté des tableaux d'Eugène Carrière
Samedi 23 novembre 2002 à 14h30
Pour un rapport
complet officiel de la Société au 20 avril 2021, voir à :
https://www.societe.com/documents-officiels/societe-des-amis-d-eugene-carriere-511898249.html
(Livraison : 10
min. par email - 3,90€)
L'Espace Eugène Carrière, situé 3 rue E. Pêcheux à Gournay sur
Marne est un musée associatif consacré au peintre Eugène Carrière.
Fut ouvert au public :
Les samedis 19 janvier, 9 février, 23 mars, 13 avril, 7 septembre, 12
octobre, 16 novembre et 7 décembre 2002 , de 15h à 18h.
Les dimanches 5 mai, 9 juin, 7 juillet et 4 août 2002, de 15h à 18h
et sur rendez-vous
Renseignements : 01-45-92-89-84 legratiet@eugenecarriere.com
(1) Jean Ajalbert (1863-1947), auteur français d'origine auvergnate. - Fut
un des signataires de la lettre de protestation en faveur de Zola (1899) et
membre de l'Académie Goncourt (28 novembre 1917). - A écrit plusieurs volumes
sur son pays natal : L'Auvergne (1896), En Auvergne - E. Dentu,
1893, Veillées d'Auvergne - Bar-le-Duc et Paris : impr. Comte-Jacquet -
Ernest Flammarion, 1926, L'Auvergne - Flammarion, 1925, etc.
(2) Gustave Geffroy (1855-1926), journaliste, écrivain et critique d'art
français. On lui doit, outre ses articles réunis en volumes, douze volumes sur
les musées d'Europe publiés de 1904 à 1913, des études sur Gustave Moreau,
Daumier, Rubens, Constantin Guys, Lalique, Claude Monet, etc. - Fut élu membre
de l'Académie Goncourt en 1896.
(3) Les notes d'un journaliste de
Gustave Geffroy, que Goncourt fait orner pour sa collection de livres
modernes, d'un portrait monochrome à l'huile par Carrière.
(4) Frantz Jourdain (1847-1935), architecte français
d'origine belge. On lui doit, entre autres, les grands magasins de la
Samaritaine du toit desquels Jason Bourne (Bourne Identity, film de Doug
Liman - 2002), tient en joue son contact sur le Pont Neuf.