Vol. XXVIII,  n° 9 Le seul hebdomadaire de la région publié une fois par mois Le lundi 7 mai 2018

Enfin le printemps !

  
 
 


Beau printemps, quand reviendras-tu ?

(Air connu)

Il est là.

Hier dans le jardin derrière le monument dédié au Grand Marshall, des bourgeons ont éclaté. Dans quelques jours tout sera vert ou blanc lilas.

Ne reste plus, comme dit Madama Malhasti, qu'à enfiler nos aquatiques chaussures et faire le ménage, sortir les chaises du jardin et espérer un bel été.

Bonne lecture

L'éditeur


Chroniques


 

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      Simon Popp

Oui : jusque là.

Dites-vous une chose : que, ne connaissant absolument rien à propos d'absolument tout, il est normal que je me et que je vous pose continuellement des questions :

- Quand on me dit que Leonard Cohen est le plus grand poète que le Canada ait produit, je veux savoir comment on en est arrivé à cette conclusion. Est-ce qu'on l'a comparé à Paul-Marie Lapointe ? Nelligan ? Gaston Miron ? Al Purdy ? Raymond Souster ? - Est-ce qu'on peut me dire s'il est égal ou supérieur à Bob Dylan ? Hugo ? Lamartine ?  Rimbaud ? Ses poèmes sont-ils dans la même catégorie que les sonnets de Shakespeare ? Et que doit-on dire de Tennyson, Byron, Browning ou Edna St-Vincent-Millay ? - Excusez ma franchise, mais Leonard Cohen est, à mon avis, un poète mineur, pas un mauvais poète, mais un un poète mineur qu'il faut arrêter de considérer comme un don de Dieu à la poésie.

- Quand on me dit que les plus beaux paysages au monde sont en Gaspésie ou dans la région du Saguenay ? Est-ce qu'on peut les comparer aux côtes du Cornouaille, aux falaises d'Étretat, au Mont Blanc, aux côtes du Pacifique, aux  Rocheuses ? - Et même si j'avais tout vu, je sais qu'ailleurs il pourrait y avoir mieux.

Les falaises d'Étretat

- Quand on me dit que la cuisine canadienne-française est une des grandes cuisines du monde, pourquoi n'est-t-elle pas connue un peu partout ? - Est-elle comparable à la française, l'italienne, la chinoise ? - Peut-on dire qu'une tourtière est l'équivalent d'un bifteak à la Helder ou d'un boeuf Wellington  ? Est-ce que la poutine est l'équivalent d'une lasagne bolognaise ? Une tarte aux bleuets est-elle comparable à des poires Wanamaker ou à un gâteau Marjolaine ? Que dire de la truite par rapport à un mille-feuilles à la langoustine ? - Et je soupçonne qu'il y a mieux.

- Pourquoi... pourquoi... pourquoi ? 

Que voulez-vous ? Je veux bien croire que le dernier film de Bruce Willis est supérieur à The Third Man, Great Expectations, Quai des Orfèvres ou Orphée, mais je voudrais savoir pourquoi. Je suis - excusez-moi - naïf au point où je suis convaincu que tous les amateurs de cinéma ont vu au moins une fois dans leur vie Citizen Kane ou qu'ils ont entendu parler ou ont hâte de voir Le voleur de bicylette...

 

Et ainsi de suite.

Je regrette, mais Proust, mon écrivain favori, et Gide, et Green, et Joyce, et Wilde ne sont pas les plus grands écrivains de tous les temps.

La question, quand même, la plus insultante que je pose semble être :

- Pourquoi tu crois en Dieu ?

Suivi de :

- À ton Dieu et non pas à celui des juifs ou des musulmans ?

Au risque de me répéter, je tiens à affirmer à la masse si fine et si intelligente des lecteurs du Castor™ que JE NE SAIS RIEN et que plus j'en apprends, moins j'en sais.

Traitez-moi d'ignorant, ce sera plus juste que de me traiter de condescendant quand tout ce que je fais, de temps à autres (pas toujours), c'est de vous offrir le peu de connaissances que j'ai quand vous me demandez mon avis sur des sujets que je connais un peu, quand même.

Ça doit être la façon dont je m'exprime.

Me reste une solution : me taire et accepter qu'on me dise que je suis un imbécile.

Quelques exceptions quand même :

- J'en ai jusque là des sommeliers de vingt ans qui me proposent des Merlot, des Cabernet, des Pinot (noir) et qui ne savent pas de quelles régions proviennent un Château-Lafitte ou un Gewurtztraminer.

- J'en ai jusque là de ceux qui me parlent de Paris en y ayant passé trois semaines il y a dix ans 

- J'en ai jusque là de la gomme qui contient de la retsine, du savon à lessive qui lave plus blanc que blanc, de l'inoubliable expérience de conduire une BMW, des beignes de chez Tim Horton's, des appartements en co-propriété (tous de luxe - on n'en construit pas des ordinaires), des maison de retraite où il fait bon revivre une seconde vie, des pubs irlandais où l'on sert de la pizza, des cafés français qui servent des sandwiches au pain Weston, et des gens qui n'ont jamais lu ou entendu parler de Ronsard ou de Céline.

- J'en ai particulièrement jusque là de ceux qui, parce que je ne suis pas de leur avis, me traite immédiatement de mysogine, de snob, de personnage méprisant, de Monsieur-sait-tout ou de quelqu'un qui n'écoute pas ce qu'on lui dit et qui, surtout, ne sait pas lire,

Si on acceptait, juste un peu, que j'ai quand même lu quelques livres, écouté un peu de musique, assisté à un ou deux concerts, vu quelques toiles de maîtres, goûté à certains plats dans de grands restaurants et visité Londres, Paris, New York et Venise. Et - bout de bon Dieu ! - j'allais oublier : j'ai compté parmi mes amis quelques poètes, écrivains, musiciens et artistes peintres. Et mon père était plombier.

Et c'est ainsi que je passe au sujet suivant de cette chronique à propos duquel, j'ai demandé le mois dernier, à quoi pouvaient bien servir, surtout en histoire, les travaux (mémoires, thèses, etc.) qu'on exige pour l'obtention de certains diplômes....

Baccalauréat, maîtrise et doctorat

Rarement, mais ça m'est arrivé deux fois de me faire reprocher d'avoir dit des bêtises dans une chronique, et de deux façons différentes. D'abord, on m'a dit que je ne connaissais rien sur ce quoi j'ai écrit (ce qui est non seulement possible, mais très probable) et qu'en plus, j'ai été, dans mon jugement, autoritaire, intransigeant et - un nouveau mot pour moi - impérieux. Malheureusement, on a oublié le qualificatif de «condamnateur», ce à quoi je ne me serais pas objecté car je ne pose jamais de jugement : je condamne souvent, mais je ne juge jamais.

On se référait, naturellement, à ce que j'ai dit, le mois dernier, au sujet du livre de Madame Christine Métayer, Au tombeau des secrets (Les écrivains publics du Paris ordinaire - Cimetière des Saints-Innocents - XVIe-XVIIIe siècle), et à propos duquel j'ai quand même dit qu'il était bien écrit, très bien ordonné et qu'il contenait de nombreuse informations fort intéressantes. - Je suppose qu'on était peut-être ou même surtout en désacord avec ce que j'ai dit à propos de l'histoire et des livres d'histoire.

Nuançons donc. - Mais débutons par ceci :

Isaac Asimov, le prolifique écrivain américan, auteur de plus de 500 volumes répartis dans neuf des dix divisions du système de classification Dewey, écrivit dans un de ses livres autobiographiques qu'il lui a fallu désaprendre à écrire pour rédiger sa thèse de doctorat (en chimie) et, pour se faire , il s'exerça en utilisant un style qu'il qualifia de «turgide» (lire : ampoulé, incompréhensible, impénétrable ou académique) en rédigeant une fausse thèse intitulée «The Endochronic Properties of Resublimated Thiotimoline» ou «Les propriétés endochroniques de la triotimoline resublimée» qu'il voulu faire publier sous un pseudonyme (dans le magasine Astounding Science Fiction) mais ses éditeurs commirent une erreur et le tout fut publié sous son nom véritable.

Pour ceux que ça intéresse, cette fausse thèse lui avait été inspirée par des travaux qu'il effectuait sur un composé de catéchol qui avait la propriété de se dissoudre instantanément dans l'eau. Il se dit que... encore plus instantanée, une molécule qui se dissoudrait une seconde avant d'être plongée dans  l'eau serait une véritable trouvaille et c'est ainsi qu'il inventa la triotilomine qu'il décrivit en plusieurs pages, graphiques à l'appui, y compris une longue description de l'endochronomètre ayant servi à ses expériences, les méthodes à utiliser pour la conservation de la triotilomine en milieux humides, etc.

Le problème fut que cette première thèse circula rapidement dans les milieux scientifiques et Asimov se dit qu'elle allait nuire à sa réputation lorsqu'il allait soumettre sa véritable thèse pour l'obtention de son docatorat, thèse qu'il soumit un an plus tard sous le titre de «Kinetics of the Reaction and Inactivation of Tyrosinase During Its Catalysis of the Aerobic Oxidation of Catechol» ou «La cinétique de la réaction de la tyrosinase lors de sa catalyse dans l'oxidation aérobique du catéchol». - Ce ne fut pas le cas sauf que, lors de son examen oral, la toute dernière question que lui posa un des membres du jury fut si la tyrosinase, sujet de sa vraie thèse, avait des propriétés différentes de la triotimoline, sujet de sa fausse. - Il comprit alors que ses examinateurs avaient quand même le sens de l'humour.

«Sesquipedalian verbiage» dit souvent le Professeur Marshall à propos des thèses qu'on lui soumet. I.e. : de la véritable «diarrhée verbale».

Mais, pour en revenir à Asimov, l'histoire n'en resta pas là. - Comme toutes les thèses de doctorat, la sienne fut publiée par l'université où il étudiait (Columbia) et déposée dans la bibliothèque de cette institution. Dès que cela fut fait, il se rendit là où elle se trouvait et y inséra un enveloppe contenant un billet de 100 dollars avec une note disant  à celui qui allait trouver cette enveloppe de garder le billet, mais de lui faire part de ses commentaires. Et pendant dix ans, à chaque année, il alla voir si son enveloppe était toujours là. - Elle y était. - Finalement, il la récupéra, le jour où, justement, elle en était à son dixième anniversaire, car il avait décidé à ce moment-là de la mentionner dans un des nombreux écrits où sa triotimoline allait servir de base à diverses inventions ; en tant que combustile à bord d'un vaisseau spatiale, par exemple.

Isaac Asimov

***

Pour mon grand malheur, j'ai eu, au cours de ma vie, à lire une dizaine de travaux rédigés pour l'obtention d'une maîtrise ou d'un doctorat. - J'en ai même lu un qui m'a été dédié. Tous m'ont déplu. Ce qui, malgré quelques remarques qu'on pourrait dans certaines milieux, qualifier de désobligeantes sur le livre précité de Madame  Mayer que - je répète - j'ai trouvé intéressant - je m'empresse de le repréciser - qu'il l'était, mais pas plus qu'il ne le faut.

Le style utilisé. pour rédiger les travaux de ce genre - i.e.: langue passive. mots complexes, notes et références à n'en plus finir et une pré-connaissance approfondie du sujet -  a tout pour rendre leur lecture difficile. Stephen Pinker, le célèbre linguiste et psychologue torontois, en donnait quelques exemples lors d'une récente conférene, dont :

«C'est au moment de sa construction hors de sa réalité, partiellement à travers son emphase, qu'un concept énoncé finit par empêcher sa conceptualisation.»

Il en souligne le pure académisme.

Je comprend très bien qu'on doive passer par là pour démontrer que : 1) l'on connaît assez bien la matière sur laquelle on écrit ou dont on veut parler 2) l'on sait faire des recherches, 3) l'on peut organiser les données qu'on a découvertes au cours de ses recherches, 4) l'on est apte à en tirer une ou des conclusions et 4) l'on peut démontrer que ces conclusions sont réalistes. - Source même de l'académisme. - Ce qui est étonnant, ce sont les livres non-académiques qui ont modifié considérablement notre vision du monde. - Quelques auteurs ? Newton, Darwin, Einstein.

Chose certaine, étant moi-même passé par là, j'espère tout simplement que ce que j'ai écrit quand j'étais aux études (sur certains aspects contradictoires dans la théologie dogmatique !) est passé inaperçu car ce fut définitivement rédigé dans un style turgide, abscons et abstrus.

Stephen Pinker, encore :

«Il serait peut-être important d'utiliser diverses stratégies avant de décider quoi faire avec cet individu ;  remettre en question, par exemple, sa conception de la réalité ou encore examiner sa conduite à la lueur des règlements qui encadrent notre société.»

Traduction :

«On devrait consulter un psychiatre à son sujet ; peut-être même appeler la police.»

Steven Pinker  

***

Du sens de la vie

Un éditeur me dit un jour qu'il recevait en moyenne une quinzaine de manuscrits mensuellement en provenance de... 

Voir la suite dans la section «Book reviews / Lectures» de ce numéro.

Simon

      Herméningilde Pérec


Sesquipedalian verbiage

Peut-être une ideé que je me fais, mais à l'exception de Jeff et Madame Gauvin, j'ai l'impression que cette édition de ce Castor™ est un exemple parfait d'académisme et tout cela est de ma faute.

Jamais j'aurais dû demander à Simon de lire et de donner son opinion sur les deux volumes d'Yval Noah Harari. Si j'y avait pensé deux secondes, j'aurais prévu qu'il allait exploser quoique ce qu'il a écrit sur cet auteur et sur les travaux de maîtrise et de doctorat sont tous les deux des exemples de retenue. Quant à ce qu'on lui reproche dans sa façon de mettre en doute tout ce qu'on lui dit, je vous en laisse juge.

Madame Malhasti a eu beaucoup de courage à nous demander de publier un extrait d'un poète qu'on ne lit plus, le vénérable Victor Hugo. Surtout les passages de cet Olympio qu'on néglige d'enseigner de nos jours.

Copernique, l'exemple parfait de l'homme bilingue qu'on voudrait être, remet en doute son bilinguisme !

Et voilà qu'en plus notre disk-jockey nous parle de Voltaire et d'alexandrins !

Messieurs, mesdames, je retourne à la planifiation du prochain numéro. L'éditeur attend mes cruciales suggestions.

Herméningilde Pérec


       Copernique Marshall


Yeah, sure

Si j'avais le temps, j'écrirais un livre sur les malheurs du bilinguisme, un livre dont les pages à gauche serait en anglais et celles à droite en français. Il s'intitulerait «The curse of bilingualism» ou, en français, «La malédiction du bilinguisme». 

D'abord une chose :

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les gens qui se flattent de parler deux, trois, quatre ou même cinq langues, n'en contrôlent aucune. Oh, ils sont peut-être à l'aise dans les «Bonjour ! - Comment allez-vous ? - J'arrive d'Espagne....» et «My taylor is rich», mais il ne faut pas trop insister sur le génie d'une de leurs langues, à savoir, par exemples, que l'anglais n'a pas autant de temps de verbes que le français, que le français n'a, à toutes fins utiles, pas de locatif ou d'ablatif,  que l'allemand utilise couramment la concaténation dans la formation de ses mots et qu'une grammaire latine est un objet de pure imagination.

On me dit bilingue parce qu je suis aussi à l'aise en français qu'en anglais ayant fait une partie de mes études en français et l'autre partie en anglais. C'est exact : je suis à l'aise dans les deux langues, mais constamment à la recherche de la traduction d'un mot ou d'une expression qui, quand je parle français me viennent à l'esprit en anglais et vice versa. - Et je ne vous parlerai pas des anglicismes ou des gallicismes qui abondent dans ma conversation ou dans mes textes écrits. - Je ne les vois plus.

Je lis en français et quand je viens pour écrire sur ce que j'ai lu, je constate que mes notes ont été rédigées en anglais. - Allez savoir pourquoi !

(Image en provenance du courrier australien)

Je suis très mal à l'aise quand il me faut parler d'un sujet dans une langue alors que je l'ai étudié dans une autre. Simon m'a dit exactement la même chose quand, de son métier, il lui fallait parler en français alors qu'il l'a exercé toute sa vie en anglais ayant été en rapport continuel avec Toronto, New York ou Londres.

Je crois sincèrement qu'une deuxième langue ne devrait être apprise qu'après quelques années d'études dans une que j'appelerais «de base», mais avec la vie plus ou moins internationale que nous sommes appelés à vivre, il s'agit là d'un souhait plutôt qu'une chose qui puisse se réaliser.

Le français est en perdition, me dit-on. C'est aussi vrai de l'anglais dont il existe des dizaines de variantes, même en Angleterre où les gens parlent de moins en moins The Queen's English. Et je serais curieux de savoir l'étendue du vocabulaire de certains politiciens.

En attendant si, aux États-Unis on vous souhaite A good day et que votre journée ne se déroule pas tel que prévu, vous pouvez toujours intenter une poursuite contre celui qui vous l'a souhaité bonne.

Copernique

       Jeff Bollinger


Quand un couple se sépare...

J'ai une chance inouïe : celle d'avoir à la maison une ministre des finances car, si je regarde autour de moi, je constate que l'argent est un obstacle majeur dans l'union des couples. Ça et l'éloignement. Ce que Copernique appelle le «drifting apart». Et puis il y a autre chose aussi : le temps. Chacun le vit différemment et certains vieillissent plus rapidement que les autres. Ce qui m'étonne le plus, ce sont les couples qui n'ont plus rien en commun et qui continuent de vivre l'un à côté de l'autre sans jamais se parler. J'en vois souvent dans les restaurants où l'on sait tout de suite qu'ils sont mariés car ils n'ont rien à se dire.

J'ai cru longtemps que les enfants servaient à cimenter un couple. Mais non. Je ne sais plus combien de personnes que je connais qui ont une «garde partagée» des leurs. Avec leur ex qui, souvent, en ont d'autres avec leur «nouveau» ou «nouvelle» qui en avait un ou deux de leur précédente union. Tout cela me rend bien perplexe.

Ces pensée me viennent car une de mes amies vient justement (quel mot !) de se séparer d'un de mes amis (car, quand même, je connaissais tous les deux) de qui, j'apprends qu'il est en train d'entreprendre une autre liaison avec quelqu'un qui ressemble étrangement à celle qui le quitte.

Il faut être un peu tordu pour comprendre tout cela.

Et voilà qu'Élyanne m'annonce que sa meilleur amie... et qu'Alysée est sur le point d'avoir sa première peine d'amour.

Ce n'est raiment pas le temps de lire Aragon, même chanté.

Jeff

   Georges Gauvin


Money, money, money

On dit qu'il est comptant, ou liquide. Quand j'étais petite je me demandais comment une pièce de monnaie pouvait être contente. Pour le liquide, je sais depuis longtemps : l'argent que je mets dans mon porte-monnaie a tendance à s'évaporer. Certaines de mes fins de mois débutent le six et ces temps-ci, je ne sais pas ce qui se passe, mais je suis toujours à court et quand le petit me demande quelques dollars pour s'acheter ceci ou cela, je n'arrive pas à savoir ni où ni comment je finis par les lui trouver. 

Ma boss prendra sa retraite à la fin du mois. Je la connais : elle n'a pas plus d'argent que j'en ai. Pire : même pas une maison à demi-payée (comme celle que j'habite), qu'elle pourrait vendre et trouver ainsi une certaine somme pour continuer à vivre convenablement. - Elle a dit qu'elle allait demeurer chez sa soeur à Saint-Éloigné-des-Chars, six centimètres au nord de toutes les cartes géographiques connues et inconnues. - Quoi ? Après avoir vécu soixante ans sur le béton ?

Et quand viendra mon tour, qu'est-ce qui va m'arriver ? Moi qui ai de la difficulté à mettre quelque chose de côté ne serait-ce que pour les imprévus... Imprévus ? Tout ce qui m'arrive est imprévu.

Non. Quand même. Je n'achète pas de billets de loterie.

Georges

        Fawzi Malhasti


Morceau choisi

Quand il revit ces lieux où par tant de blessures
Son coeur s'est répandu !
...

Il voulut tout revoir, l'étang près de la source,
La masure où l'aumône avait vidé leur bourse,
Le vieux frêne plié,
Les retraites d'amour au fond des bois perdues,
L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues
Avaient tout oublié !

Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d'où l'oeil plonge en une oblique allée,
Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. - Au bruit de son pas grave et sombre,
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre
Des jours qui ne sont plus !
...

Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées
S'envolent un moment sur leurs ailes blessées,
Puis retombent soudain.
...

Hélas ! se rappelant ses douces aventures,
Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures,
Ainsi qu'un paria,
Il erra tout le jour, vers l'heure où la nuit tombe,
Il se sentit le coeur triste comme une tombe,
...

Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !
Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les fils mystérieux où nos coeurs sont liés !
...

N'existons-nous donc plus ? Avons-nous eu notre heure ?
Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus ?
L'air joue avec la branche au moment où je pleure ;
Ma maison me regarde et ne me connaît plus.

D'autres vont maintenant passer où nous passâmes.
Nous y sommes venus, d'autres vont y venir ;
Et le songe qu'avaient ébauché nos deux âmes,
Ils le continueront sans pouvoir le finir !

Car personne ici-bas ne termine et n'achève ;
Les pires des humains sont comme les meilleurs ;
Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs.

Oui, d'autres à leur tour viendront, couples sans tache,
Puiser dans cet asile heureux, calme, enchanté,
Tout ce que la nature à l'amour qui se cache
Mêle de rêverie et de solennité !

D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos retraites ;
Ton bois, ma bien-aimée, est à des inconnus.
D'autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes,
Troubler le flot sacré qu'ont touché tes pieds nus !
...

Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,
Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds
Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,
Pour y mettre nos coeurs, nos rêves, nos amours ;

Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme ;
Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons ;
Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme,
D'effacer notre trace et d'oublier nos noms.
...

Toutes les passions s'éloignent avec l'âge,
L'une emportant son masque et l'autre son couteau
...

Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline,
Où l'homme, sans projets, sans but, sans visions,
Sent qu'il n'est déjà plus qu'une tombe en ruine
Où gisent ses vertus et ses illusions ;

Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles,
Comptant dans notre coeur, qu'enfin la glace atteint,
Comme on compte les morts sur un champ de batailles,
Chaque douleur tombée et chaque songe éteint,

Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe,
Loin des objets réels, loin du monde rieur,
Elle arrive à pas lents par une obscure rampe
Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur ;

Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile,
L'âme, en un repli sombre où tout semble finir,
Sent quelque chose encor palpiter sous un voile...
C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir !

Victor Hugo - Tristesse d'Olympio - Les rayons et les ombres (1840)

Fawzi

         De notre disc jockey - Paul Dubé


Voltaire ?

Comme je suis plus écouteux que liseux, je ne surprendrai personne en disant que ma bibliothèque contient plus de pièces de théatre que de romans car j'aime bien la sonorité, entre autres des alexandrins qu'on retrouve chez Molière, Racine, Corneille et même chez des auteurs dits «de second ordre» dont je possède une forte collection et que je relis régulièrementen murmurant - ou plutôt en entendant dans ma tête - les vers que je lis à la vitesse de la parole, ce qui, non plus, ne surprendra personne. 

Or, c'est moi qui fus surpris il n'y a pas très longtemps, quand j'ai retrouvé dans un coin peu fréquenté, toujours de ma bibliothèque, deux pièces de Voltaire, dans une édition datant de plusieurs années - à 1.20$ pour les deux, vous pouvez facilement vous imaginer de quand ! - Et double surprise, j'ai dû m'avouer que non seulement je n'avais jamais lu ces deux pièces, mais que je n'avais lu ne cerait-ce, non seulement une seule pièce, mais même un acte ou une scène quelconque de Voltaire qui en a quand même écrites plus de cinquante et qui, je viens de le lire, a règné sur la scène de la Comédie-Française de 1718 à sa mort, en 1778.

Alors j'ai lu, me souvenant quand même qu'on m'a toujours dit que son théâtre avait peut-être plu un temps, mais qu'il était aujourd'hui dépassé et comme sa qualité laissait beaucoup à désirer (par rapport à sa correspondance, ses contes et ses autres écrits), j'ai lu quand même avec un intérêt non feint (comme dit M. Pérec).

Si j'y ai découvert de beau vers ? Oui. Plusieurs même :

- Quiconque ose penser n'est pas né pour me croire

- Ton esprit fasciné pas les lois d'un tyran
   Pense que tout est un crime hors d'être musulman

- Il faut que nos mystères sombres
   Soient cachés par la mort, et couverts de ses ombres.

- Daigne essuyer les pleurs où je me noie

- De vivre votre ami, votre amant, votre époux
   De partager mon coeur entre la guerre et vous

- Je veux avec excès vous aimer et vous plaire

- Et ainsi de suite.

Mais de très mauvais également. Je n'en ai noté aucun, mais pour les rimes, j'ai déjà vu mieux. Parfois elles sont parfaitement sonores, mais les mots utilisé brisent le rythme d'une réplique (1er exemple) ou encore, à l'écoute, disent autre chose (2ième exemple) :

- [...] la pompe d'un hymen 
  Qui doit vous couronner anathème et baptême

- Eux qui seraient encore, ainsi que leurs aïeux
  Maîtres du monde entier s'il avaient été d'eux

Et Voltaire fait rimer également «vie» et «Syrie», «genoux» et «tous» «vous aime» et «vous-même». «du mien» et «chrétien», «[aujourd'[hui» et «lui»...

Bref : «P-L-C» comme dit souvent Simon : ça ne vaut «pas les chars».

Et puis je suis là à vous parler de théâtre, de vers et de rimes alors que ce que je voulais vous faire entendre à nouveau aujourd'hui, c'est la chose à laquelle j'ai pensé en lisant tout ce qui précède : une parodie du théâtre classique que j'ai toujours trouvée géniale. Elle a été écrite pour un film mettant en vedette Fernandel par Sacha Guitry : Adhémar et le jouet de la fatalité (quoique l'UdeNap dit qu'elle fait partie d'une tragédie du poète Théodore Crapulet ou de Louis Marshall dit le bègue - voir à - LIEN À SUIVRE).

Le scénario en est simple : Fernandel ne peut conserver aucun emploi car sa physionomie déclenche le rire partout où il passe, y compris dans les pompes funèbres. Son ami, joué par Andrex, finit par lui trouver un rôle à sa mesure parce que personne ne le verra : il sera souffleur et justement, souffleur dans un théâtre où l'on joue du classique. Et qu'est-ce qu'on joue le soir où il débute ? Une pièce qui s'intitule Crasibule et Pharice.

En voici le début :

Cliquez sur la note : Second

Les deux pièces de Voltaire que j'ai lues ?

- Zaïre, la pièce la plus célèbre  de Voltaire qui ressemble étrangement à l'Othello de Sahkespeare

et

- La fanatisme ou Mahomet dans lequel Mahomet (qui en est le personnage principal) ets décrit comme un «monstre», un «artisan de l'erreur», un «arabe insolent», un «imposteur et rebel», un «brigand», un «vil séditieux», un «tyran traite et cruel»,,, - Définitivement pas à monter ces temps-ci. 

Adhémar et le jouet de la fatalité est un meilleur choix.

Notes : 

Pour nos suggestions et enregistrements précédents, cliquez ICI.

paul

Lectures


Note :

Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.

Du sens de la vie

Un éditeur m'a un jour affirmé qu'il recevait en moyenne une quinzaine de manuscrits mensuellement traitant du vrai sens de la vie, de l'art d'être heureux, de la découverte de son véritable soi, des secrets cachés de l'univers et autres écrits du même genre. 

"Ce sont, précisa-il, la plupart du temps des textes rédigés par des gens qui ont trouvé une certaine paix intérieur après avoir analysé divers aspects de leur vie, étudié leur environnement, réfléchi à des notions qu'ils ont pigées ici et là et surtout songé sérieusement à leur place dans l'univers.» - «Tous sont convaincus, poursuivit-il, avoir découvert un secret capitalissime qu'ils tiennent absolument à partager avec le reste de l'humanité, en échange de droits d'auteur, il va sans dire, ou une certaine notoriété.»

Il m'expliqua qu'à condition quand même qu'ils soient lisibles, tous ces manuscrits étaient lus par son comité de lecture parce qu'ils étaient à l'image même d'un marché considérable, comparable à celui des livres de cuisine, celui des livres destinés à la jeunesse et les biographies de stars, de politiciens ou de gens riches et célèbres qui, ensemble, étaient essentiels à la survie de son entreprise car, ajouta-t-il, «si l'on se fiait uniquement aux livres que tous les éditeurs sérieux tiennent à publier, nous serions tous au bord de la faillite.» 

Plusieurs libraires m'ont confirmé cet état de choses et si je me fie aux livres qu'on me propose continuellement, je suis bien obligé d'admettre qu'il s'agit là d'une vérité économique tout à fait réaliste. Et, comme je l'ai entendu souvent, il est plus que probable que, même avec un budget publicitaire illimité, on ne pourrait pas vendre plus de livres d'auteurs classiques qu'on en vend en ce moment

De ces livres sur sens de la vie, de l'art d'être heureux, de la découverte de son véritable soi, etc., il en pleut deux ou trois par mois sur mon bureau et en m'en suggère tout autant. Tous, sans exception, ne m'intéressent pas. Ils ne m'intéressent pas parce qu'ils sont généralement insipides, souvent écrits avec des mots longs comme le bras, ou contiennent des informations inutiles, si vagues qu'on ne sait si c'en sont, et surtout des affirmations sans fondement et fréquemment contradictoires.

Parce que je n'ai pas encore appris à mon âge à dire non, j'en lis régulièrement et ici même, mes collègues et moi-même en avons mentionnés quelques uns au cours des derniers mois :

 - Basset, Lydia - La source que je cherche - Albin Michel, 2017 - 6 février 2017

- Cheng, François - De l'âme - Albin Michel - Novembre 2016 - 5 décembre 2016

- Ormesson, Jean d' - Dieu, les affaires et nous - Robert Laffont, 2015 - 6 mars 2017

- Ormesson, Jean d' - Guide des égarés - NRF-Gallimard, 2016 - 2 octobre 2017

- Tao-tö king par Lao-tseu (Traduit du chinois par Liou Kia-Hway - Préface d'Étiemble) - NRF Gallimard - 1999 - 5 mars 2018

Et nous en avons même mentionnés quelques autres que nous avons refusé de lire : Zen et self-control (du Dr Ikemi et Taisen Deshimaru,  Le sens de la vie par le Dalaï-Lama, Le mythe de la liberté et la vie de la méditation de Chögyam Trungpa, Esprit Zen, esprit neuf de Shunryu Suzuki et ainsi de suite.

Les deux derniers à nous tomber dessus sont deux volumes d'un historien et professeur d'histoire à l'université hébraïque de Jérusalem, auteur de deux best-sellers internationaux rédigés à l'origine en hébreux : Sapiens, une brève histoire de l'humanité et sa suite, Homo Deus, une brève histoire de l'avenir. Deux briques de, respectivement, 500 et 450 pages, que j'ai essayé de lire, mais auxquelles je n'ai finalement consacré que deux ou trois et jusqu'à quatre heures qui m'ont paru fastidieuses à feuilleter et lire en diagonale et dans lesquelles je n'ai trouvé aucun intérêt, les deux m'étant apparu comme un compendium d'idées pour la plupart toutes faites ou si peu développées que j'ai eu l'impression de me pencher sur un résumé d'une vaste encyclopédie qu'on aurait réduit à deux, trois livres de poche.

                 

À ceux qui voudraient s'attaquer à ces deux volumes, j'ai une suggestion à faire : 

Chez votre libraire ou à la bibliothèque près de chez vous, lisez la première phrase de chaque chapitre (il y en a plusieurs) et peut-être même les deuxième et troisième si vous ne comprenez pas tout de suite le sens de la première. Cela vous donnera une idée de ce à quoi l'auteur tient à vous parler. Vous comprendrez alors que si un sujet en particulier vous intéresse, il serait plus sage de vous procurer un livre sur ce sujet car, avec Yval Noah Harari, l'auteur de ces deux briques, vous risquez de vous retrouver avec - j'allais écrire «une suite de lieux communs» - une série de pensées et d'affirmations souvent sans explications (j'allais écrire «sans fondements») dans lesquelles les hypothèses  font la plupart du temps place aux faits.

Somme toute, il s'agit là d'une suite, quasi sans fin, d'idées à développer pour lesquelles on retrouve trop d'axiomes et de dogmes dont les opposés peuvent être tout aussi valables. - ainsi :

Voici deux phrases tirés de l'Homo deus que j'ai inversées pour le plaisir. À vous de déterminer quelles sont celles qu'Yval Noah Harari a rédigées.

«Selon la philosophie chinoise, le monde se nourrit de l'interraction de forces opposés mais complémentaires, le yin et le yang. Ce n'est peut-être pas vrai du monde physique, mais ça l'est certainement du monde moderne créé par l'alliance de la science et de l'humanisme.»

«Selon la philosophie chinoise, le monde se nourrit de l'interraction de forces opposés mais complémentaires, le yin et le yang. Ce n'est peut-être pas vrai du monde moderne créé par l'alliance de la science et de l'humanisme, mais ça l'est certainement du monde physique.»

et

«De même, alors que la plupart des récits prémodernes se concentraient sur les sentiments, les romans, les films et les poèmes modernes mettent souvent l'accent sur des événements et des émotions extérieurs.»

«De même, alors que la plupart des récits prémodernes se concentraient sur des événements et des émotions extérieurs, les romans, les films et les poèmes modernes mettent souvent l'accent sur les sentiments.»

Vous voyez ce que je veux dire ?

Un dernier mot :

Avant de passer à l'avenir, tel que décrit par Yval Noah Harari, songez à tous ceux qui ont décrit l'avenir dans lequel nous vivons aujourd'hui (je parle de 1984 d'Orwell, du Procès de Kafka  et à peu près tous les romans d'anticipation) et rappelez-vous que tous les futurologues se sont fourvoyés. Quant au passé, pensez à vous procurer l'Histoire de la civilisation de Will et Ariel Durant. - Oui, je sais, avec ses 32 volumes, ça peut peut-être vous faire un peu peur, mais vous n'êtes pas obligé de tout lire.

Pour plus de renseignemenet : Will Durant (Wikipédia).

 ***

                     

Simon

P.-S. : Mais tandis que j'y suis, puis-je vous suggérer, si ce genre de livres vous intéresse, de jeter un coup d'oeil sur les écrits d'Éric-Emmanuel Schmitt, celui dont la vie a été changée par Beethoven, Chopin, Saint-Saens... et qui se dit, de plus en plus, philosophe. -  Tenez,  voici la fin de son «Madame Pylinska et le secret de Chopin» :

«Je descends au salon et ouvre le piano à queue. Aussitôt, mes trois chiens acourent : après une pause de la truffe sur mes paumes, ils s'allongent sous l'instrument. (...)

«J'entame la Barcarolle. Le calme s'impose (...)

«Sur le châssis en bois de la fenêtre ouverte, un passereau s'est posé (...)

«Troublé, je manque une note, deux, rate mon accord, lève les mains et me retourne.

«Rapide, le mésange file dans le ciel...»

***

Manguel, Alberto. A History of Reading.  Knopf Canada. 1996 
Une histoire de la lecture. Traduction de Christine Leboeuf. Actes Sud / Leméac. 1998.

Ce livre, je l'ai trouvé, en traduction française, chez une amie qui, si je m'en souviens bien me dit, en me le prêtant qu'il était «bien». Une fois rendu chez moi, j'ai noté qu'il avait été écrit et publié originellement en anglais et, après un premier coup d'oeil, je me le suis immédiatement procuré dans cette langue via Kindle.

«Bah, que je me suis dit, quatre cents pages. J'en ai pour deux soirées.» - «Ah oui ?» - Une véritable litote. - J'ai mis trois semaines à le lire ; trois semaines et deux autres pour mettre mes notes en ordre. - Pourquoi ? - Parce que c'est un livre fort intéressant, rempli d'anecdotes, de détails, de choses qu'on a toujours voulu savoir, mais qu'on n'a jamais eu le temps de rouver.

Ainsi, dans ce livre, j'ai appris qu'on a cessé de lire à haute voix que vers le dixième siècle, mais qu'Alexandre le Grand lisait en silence et, mieux encore ceci :

«Au Xe siècle [...] le grand vizir de Perse, Abdul Kassem Isma‘il, afin de ne pas se séparer durant ses ​voyages de sa collection de cent dix-sept mille volumes, faisait transporter ceux-ci par une caravane de quatre cents chameaux entraînés à marcher en ordre alphabétique.»

Je vais revenir plus tard sur ce volume car j'ai l'intention de le relire immédiatement.

         

P.-S. : Voir également la citation dans la section suivante.

***

The 100-Year-Old Man Who Climbed Out the Window and Disappeared
Jonas Jonasson translated from the original Swedish by Rod Bradbury
Harper Perennial (Harper-Collins) - 2009
(A second look)

I briefly mentioned this book last  month stating its unique style of humour and other stuff, and, at the same time, that I was halfway through and, well..., having now finished it, I should have stopped there and then. - To put it another way, the first third was funny, the next was a bit tedius and, with the exception of  a ten  to twelve pages chapter, the remaining third was annoying, downright boring. 

I guess some authors don't know when to stop.

I said it before : one of my favourite writer is Thomas Pynchon and perhaps it was because of him and his unusual, sometimes preposterous scharacters and plots that I found this book interesting to begin with, and, as a bonus, a touch of Le Carré for the where-are-we-going-with-this and part of the complexity of James Joyce's sentences and puns. So, there I was happy as a lark, having found, finally, a good, if not excellent, contemporary novel. And then, all of a sudden, everything went downhill.

In Pynchon's Mason and Dixon, Lincoln makes a brief appearance in an otherwise chaotic series of events in a sort of tongue in cheek manner with the ususal irrealistic touch and, in this, The 100 Year Old Man Who climbed Out the Window, Generalissimo Franco adds a nice touch but then adding Oppenheimer, Truman, Kim II-sung, Stalin and others (including Einstein dim-witted brother), the joke went too far. Add an elephant, while you're at it, a hot-dog vendor (in Sweden), an idiot as a detective and there you are.

And the thing ends in the Philippines and two mariages.

Sorry, Jonas Jonasson : no cigar.

Copernique

L'extrait du mois


Stealing Books / Le voleur de livres

(Manguel, Alberto. A History of Reading.  Knopf Canada. 1996 - Une histoire de la lecture. Traduction de Christine Leboeuf. Actes Sud / Leméac. 1998)

Suit un extrait de ce livre et de sa traduction.

I am once again about to move house. Around me, in the secret dust from unsuspected corners now revealed by the shifting of furniture, stand unsteady columns of books, like the wind-carved rocks of a desert landscape. 

As I build pile after pile of familiar volumes (I recognize some by their colour, others by their shape, many by a detail on the jackets whose titles I try to read upside down or at an odd angle) I wonder, as I have wondered every other time, why I keep so many books that I know I will not read again. I tell myself that, every time I get rid of a book, I find a few days later that this is precisely the book I’m looking for. I tell myself that there are no books (or very, very few) in which I have found nothing at all to interest me. I tell myself that I’ve brought them into my house for a reason in the first place, and that this reason may hold good again in the future. I invoke excuses of thoroughness, of scarcity, of faint scholarship. But I know that the main reason I hold onto this ever-increasing hoard is a sort of voluptuous greed. 

I enjoy the sight of my crowded bookshelves, full of more or less familiar names. I delight in knowing that I’m surrounded by a sort of inventory of my life, with intimations of my future. I like discovering, in almost forgotten volumes, traces of the reader I once was — scribbles, bus tickets, scraps of paper with mysterious names and numbers, the occasional date and place on the book’s flyleaf which take me back to a certain café, a distant hotel room, a faraway summer so long ago. 

I could, if I had to, abandon these books of mine and begin again, somewhere else; I have done so before, several times, out of necessity. But then I have also had to acknowledge a grave, irreparable loss. I know that something dies when I give up my books, and that my memory keeps going back to them with mournful nostalgia. And now, with the years, my memory can recall less and less, and seems to me like a looted library: many of the rooms have been closed, and in the ones still open for consultation there are huge gaps on the shelves. I pull out one of the remaining books and see that several of its pages have been torn out by vandals. The more decrepit my memory becomes, the more I wish to protect this repository of what I’ve read, this collection of textures and voices and scents. Possessing these books has become all-important to me, because I’ve become jealous of the past.

***

Je suis, une fois de plus, sur le point de déménager. Autour de moi, dans la poussière secrète issue de coins insoupçonnés que révèle le déplacement des meubles, se dressent en équilibre instable des colonnes de livres, tels des piliers sculptés par le vent dans un paysage désertique.

Tout en élevant pile sur pile de volumes familiers (j'en reconnais certains par leur couleur, d'autres à leur forme, beaucoup à un détail de leur couverture dont je tente de lire le titre la tête en bas ou selon un angle impossible) je me demande - comme je le fais chaque fois - pourquoi je conserve tant de livres dont je sais que je ne les relirai jamais. Et je me réponds que chaque fois que je me débarrasse d'un livre, je m'aperçois quelques jours plus tard que c'est précisément celui-là que je cherche. Je me dis qu'il n'existe pas de livres (ou peu, très peu) dans lequel je n'ai rien trouvé qui m'intéresse. Je me dis que, d'abord, je ne les pas introduits chez moi sans raison et que cette raison peut prévaloir à nouveau dans l'avenir. Je me donne pour excuses la complétude, la rareté, une vague érudition. Mais je sais que la raison majeure de mon attachement à ce trésor amassé sans relâche est une sorte d'avidité voluptueuse.

J'aime contempler mes bibliothèques encombrées, pleines de noms plus ou moins familiers. Je trouve délicieux de me savoir entouré d'une sorte d'inventaire de ma vie, assorti de prévisions de mon avenir. J'aime découvrir, dans des volumes presque oubliés, les traces du lecteur que j'ai été un jour - griffonnages, tickets bus, bouts de papier avec des noms et des numéros mystérieux, parfois, sur la page de garde, une date et un lieu qui me ramènent à un certain café. à une lointaine chambre d'hôtel, à un été d'autrefois.

Je pourrais, s'il le fallait, abandonner tous mes chers livres et recommencer ailleurs ; je l'ai déjà fait, plusieurs fois, par nécessité. Mais alors j'ai dû admettre aussi une perte grave, irréparable. Je sais que quelque chose meurt quand je me sépare de mes livres, et que ma mémoire continue à se tourner vers eux avec une nostalgie endeuillée. Et à présent, avec les années, ma mémoire se souvient de moins en moins bien et elle m'apparaît comme une bibliothèque mise à sac : de nombreuses salles ont été fermées, et dans celles qui sont encore ouvertes à fin de consultation il y a sur les rayonnages de grands espaces vides. Je prends un des livres restants et je m'aperçois que plusieurs pages ont été arrachées par des vandales. Plus ma mémoire se dégrade, plus je souhaite protéger ce reposoir, cette collection de textures de voix et d'odeurs. La possession de ces livres est devenu pour moi d'une importance capitale, parce que je suis devenu jaloux du passé.

Le courrier


M. Théophile Vallerand-Lesage - Valleyfield, Québec

Georg Ferdinand Ludwig Philipp Cantor (1845-1918).

Mlle Fatima Chapdeleine - Moncton, Nouveau Brunswick

«Pris en flangrant dans le lit, ils sautèrent par la fenêtre, mais, accumulés au pied du murs, ils se mirent à rire à gorge d'employés» est une vérité de la police.

Mme Olivia de Canderel - Victoria, Colombie Britannique

«Les sanglots longs / Des violons / Du printemps» sont les trois premiers vers du poème «Chanson du printemps» du poète sud-américain Carlos Hermosos Ayres (traduction d'Edgar Allan Jar).

M. Charles-Omer Lelarge - Audenaarde, Belgique

 

Dédicace


Cette édition du Castor est dédiée à :

Edna St-Vincent Millay
(1892-1950)


Le mot de la fin

On the American education system
(Suivi d'une tradaptation)

«[The problem is that] the American education system was designed in the early stages of American industrilisation as we went from from an aegrian nation after the Civil War to an industrial nation and that system was designed to teach [the three "R"'s] Read wRite and aRithmetic and not critical thinking skills.

«I've had better conversation about economics, culture, art and politics with the waiter my wife and I had in a roadide café in Austria, the chambermaid cleaning my room in Johannisburg, South Africa, than I've had with people who are senior executive wearing 4,000$ suits and it's very troubling to see that we're not teaching critical thinking skills.

«My friends who are immigrants to this country - one of my best friend
grew up in Siberia because his parents were on the out with the Kremlin - just marvel ; he keeps talking how come Americans are not critically thinking about what's going on.


«It's a problem and the underlining issue is that we have to start teaching critical skills instead of going on with an education system that produces drones.»

Tradaptation :

«[Le problème] du système éducatif américain [découle du fait qu'il] a été conçu dans les premiers années de l'industrialisation américaine lorsque nous sommes passés d'une nation égéenne après la guerre civile à une nation industrielle. Ce système fut basé sur l'idée qu'il était préférable d'enseigner les trois «R» [liRe, écRire et l'aRithmétique] que de développer une pensée critique.

«J'ai eu de meilleurs échanges à^propos de l'économie, la culture, l'art et la politique avec un serveur que ma femme et moi avons rencontrés dans un café en Autriche et avec une femme de chambre qui nettoyait ma suite à Johannisburg en Afrique du Sud que j'en ai eues avec des hommes d'affaire qui portaient des costumes de 4.000 $ et il est très troublant de constater que nous n'insistons pas sur les bienfaits de la pensée critique.

«Mes amis, immigrants - un de mes meilleurs amis a grandi en Sibérie parce que ses parents étaient en conflit avec le Kremlin - fut étonné de constater que les Américains ne pensaient pas sérieusement à ce qui se passe autour d'eux.

«C'est un problème et la soltion sous-jacente est que nous devons commencer à enseigner l'art de penser avec scepticisme plutôt que de persister à valoriser un système éducatif qui produit des drones.»



David Cay Johnston
Living in Trump's America (Commonwealth Club)

https://www.youtube.com/watch?v=HSTKcGieq6E

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De cet hebdomadaire publié sur les électroniques presses de la Vatfair-Fair Broadcasting Corporation grâce à une subvention du Ministère des Arts et de la Culture du Caraguay, il est tiré, le premier lundi de chaque mois, sept exemplaires numérotés de I à VII, sur papier alfa cellunaf et sur offset ivoire des papeteries de la Gazette de Saint-Romuald-d'Etchemin et trois exemplaires, numéroté de 1 à 3, sur offset de luxe des papeteries Bontemps constituant l'édition originale, plus trois exemplaires de luxe (quadrichromes) réservés au Professeur Marshall, à Madame France DesRoches et à Madame Jean-Claude Briallis, les deux du Mensuel Varois Illustré.

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