À Gaston Gallimard
102 boulevard Haussmann(Je vous préviens que mon téléphone292 05, ne
fonctionnera probablementpas ce soir, exceptionnellement).
[Le mardi 5 novembre 1912 (1)]
(1) Coll. cp Yale
University. Cah VI, 91-93. Cette lettre doit dater du mardi 4 novembre
1912: allusions à la lettre de « Samedi », lettre datée du « Samedi
2 Novembre [1912] » (note 3 ci-après), à l'espoir déçu de pouvoir
se lever dimanche, à l'envoi « hier » d'une lettre invitant le
destinataire à passer chez Proust.
Monsieur
Quoique un peu fatigué pour écrire tant de lettres, je veux vous
expliquer pourquoi je me suis permis d'envoyer chez vous hier, et pourquoi
on n'a pas laissé la lettre (2). Comme je vous l'avais dit Samedi
dans mon pneumatique que vous n'avez pas dû avoir (3) (M. Copeau
ne m'avait pas dit que vous étiez absent), j'espérais un peu, ne m'étant
pas levé depuis longtemps, pouvoir le faire le lendemain Dimanche. Mais
ce jour-là encore, comme il m'arrive d'ailleurs le plus souvent, je n'ai
pas été en état de quitter mon lit.
2. Lettre non retrouvée.
3. Allusion à la lettre précédente du même au même ci-dessus,
lettre datée du Samedi .L Novembre 1 19121. Proust laisse entendre que
le destinataire n'avait pas répondu à la lettre en question.
Alors, comme la démarche
que j'aurais à faire si je me décidais à renoncer à mon éditeur (4)
et à me faire éditer à la N.R.F. (démarche qui comme je l'ai dit à M.
Copeau est très difficile, et risque de froisser des gens qui ont été
très bons pour moi (5) soulève de plus en plus de difficultés au
fur et à mesure que les jours passent, je me suis permis de vous envoyer
un mot pour vous demander si vous pourriez passer chez moi hier dans la
soirée. Mais vous n'étiez pas là et même si j'ai bien compris, en
voyage, et ne devant rentrer que ce matin.
(4) Fasquelle, de qui
Calmette affirme avoir la « promesse » de publier le livre de Proust.
(5) Le lundi 4.
Aujourd'hui encore j'ai été
forcé de rester alité. Si par hasard vous étiez libre de passer un
moment chez moi ce soir, à l'heure que vous voudriez entre sept heures du
soir et minuit et demi (avec pi éférence pour le commencement de la soirée)
nous aurions pu causer un instant (6). Si vous ne le pouvez pas, je
n'ose pas prendre de rendez-vous pour demain craignant toujours de n'être
pas capable de recevoir. Mais je vous écrirai si je suis dans un état
possible. S'il était trop difficile de vous voir, je pourrais vous
demander par lettre ce que je veux savoir mais comme c'est un peu long et
compliqué, je ne voudrais pas vous obliger à une réponse fatigante et
il me semblait que quelques mots de vive voix étaient plus simples.
(6) Proust n'aura aucune
nouvelle du destinataire ce soir-là non plus.
Veuillez agréer mes
meilleurs sentiments [.]
Marcel PROUST