Dans ses nombreux articles sur les
danses anglaises, écossaises et irlandaises, le titulairede la chaire de Littérature de l'Université de Napierville, Olaf de Huygens-Tremblay a souvent parlé de l' influence des frères Legris sur la gigue telle
qu'on pouvait la danser au début du siècle dernier dans la grande région de
Napierville. En cela il fut fort aidé par les notes, sketches et chorégraphies
laissés par le Grand Marshall qui a eu l'occasion et à
plusieurs reprises de voir à l'oeuvre ces onze frères natifs de Plessisville
et d'Arthabaska.
Ces frères, aujourd'hui légendaires, dont le dernier
mourut le 19 novembre 1929, auraient été capables, selon les nombreuses anecdotes à leur
sujet, de «clogger» pendant des heures intervenant à tour de rôle puis
en groupes de deux, trois, sept et tous ensemble (deux fois cinq avec
Napoléon, l'aîné, au centre) à, toujours, la grande joie de spectateurs venus
parfois de très loin pour les voir (et les entendre) lors de soirées
mémorables dont la dernière a eu lieu le 21 mai 1910 à La Guadeloupe (près
de Thetford Mines) peu avant la mort d'Évariste, l'un des jumeaux dont la
troupe était composée.
Le musicologue Théophile
(Théo) Angelo-Poulliot de Ste-Urlice (comté de Bellechasse) indique dans sa
magistrale étude sur le clog du Lancashire et ses origines (Des sabots - PUN - 1983 - épuisé) qu'une de leurs prestations aurait été filmée par
d'autres frères légendaires, les frères Maranda de Victoriaville, pionniers
dans le domaine du cinéma amateur (Province de Québec) mais aucune copie de ce
«two-reelers» n'a pu, à ce jour être retracée. - Un film de Réal
Tamenti, Le regard d'Urlice (1997), raconte justement la quête
d'un cinéaste franco-américain, Monsieur B, qui a passé presque deux ans dans
la région des Bois-Francs à la recherche de ces deux bobines.
Ces frères pratiquaient
le clog, le buck and wing et, naturellement, la gigue, avec un
art consommé, sachant varier à l'infini leurs mouvements et surtout les sons
qu'ils pouvaient produire avec leurs pieds.
Le troisième, Ernest, n'avait, semble-t-il,
pas eu son pareil dans le clog individuel («single clog»), qu'il
dansait de façon endiablée avec les traditionnels verres de bière, un dans
chaque main et un troisième sur le front, sans naturellement en renverser une
seule goutte mais les onze excellaient dans tout ce qu'ils faisaient et, à
l'entrée du village où ils se produisaient, il n'était pas rare d'entendre les
gens dirent : "Tiens : les frères Legris !" juste à entendre le bruit
de leurs souliers à un demi-kilomètre de là (sic !).
À l'aise dans le clog, le buck and wing (sorte de clog mais avec mouvements des mains), le sligo (sorte de clog
irlandais) et la gigue, on raconte que les frères Legris auraient tout
appris de leur père, Achille, qui aurait vu à l'oeuvre les non moins
légendaires William Henry Lane (Mister Juba - 1825-1862) et Johnny
Diamond (mort en 1857) avec qui, notamment, il se serait mesuré plusieurs
fois, n'étant pas, lui-même, un danseur «manchot» (!)
De ces frères, ne nous
restent que quelques photos où l'on peut quand même deviner une partie de leur
habileté et de leur talent et dont nous tentons présentement d'obtenir les
droits de diffusions.
On écoutera, en terminant, le Reel de
Sherbrooke dans la version que favorisait le jeune Gaëtan Legris,
vers 1902-1903, tel qu'enregistré par un autre grand du folklore québécois, Jean Carignan, en 1976 (voir les références à la note trois, dans le
compte-rendu du festival western du Dragon Basané:
- 24 au 30 juin 2001)
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